De Lyon à Paris, des religions aux arts

Par Emmanuel Fessy · Le Journal des Arts

Le 1 juillet 1994 - 335 mots

En 1876, Émile Guimet – dont le père, ingénieur, avait fait fortune en découvrant et en industrialisant un procédé de fabrication de l’outre-mer – entreprend un voyage en Extrême-Orient.

Il séjourne neuf semaines au Japon, où il achète plus de trois cents peintures religieuses, six cents statues divines, et mille volumes. Le quadragénaire a une grande ambition : créer à Lyon, sa ville natale, une bibliothèque, une école et un musée religieux, comprenant "tous les dieux de l’Inde, de la Chine, du Japon, de l’Égypte, de la Grèce et de l’Empire romain".

Son musée des religions est inauguré le 30 septembre 1879, en présence de Jules Ferry. Mais le fondateur est vite déçu. Dès janvier 1883, il écrit au ministre de l’Instruction publique : "je suis bien obligé de reconnaître que cette institution, qui rend quelques services à Lyon, au fond de la province, en rendrait de bien plus grands à Paris". Le grand industriel offre ses collections à l’État, à condition que celui-ci réalise le transfert. Une loi en fixe les conditions, la Ville de Paris – malgré une offensive anticléricale – offre le terrain. Le bâtiment place d’Iéna, qui reprend les plans de l’architecte de Lyon, Jules Chatron, et même certaines des pierres du premier édifice, est inauguré à Paris le 22 novembre 1889 par le président Sadi Carnot.

Mais l’idée d’un musée des religions ne survécut pas à la disparition d’Émile Guimet en 1918. Peu à peu les témoignages religieux sont retirés, au profit de pièces archéologiques rapportées d’Afghanistan, d’Asie Centrale, d’Extrême-Orient, destinées à illustrer les arts et les civilisations de l’Asie. En 1945, le départ du musée, pour le Louvre, des œuvres illustrant les religions d’Égypte et du monde classique, et l’arrivée place d’Iéna des collections asiatiques du Louvre, marquent la fin du dessein originel. Les collections "religieuses" d’Émile Guimet gagnent les réserves, jusqu’à l’ouverture en 1991 d’une annexe, dans l’Hôtel d’Heidelbach, où se déploie un "panthéon bouddhique", un dictionnaire unique au monde en trois dimensions des ramifications du bouddhisme japonais.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°5 du 1 juillet 1994, avec le titre suivant : De Lyon à Paris, des religions aux arts

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