Ouverture

Dans l’intimité des Camondo

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 6 février 2004 - 727 mots

L’Union centrale des arts décoratifs vient de restaurer de nouveaux appartements du Musée Nissim-de-Camondo, à Paris, dans le cadre d’un plan global de revalorisation de l’hôtel.

 PARIS - Édifié entre 1911 et 1914 en bordure du parc Monceau, l’hôtel particulier du comte Moïse de Camondo (1860-1935) abrite depuis 1936 le Musée Nissim-de-Camondo, du nom du fils, mort au combat pendant la Première Guerre mondiale. L’institution est réputée pour la riche collection que Moïse de Camondo légua à sa mort à l’Union centrale des arts décoratifs (UCAD). Consacrée à l’art du XVIIIe siècle français, celle-ci comprend des pièces d’exception tels un paravent du salon des Jeux de Versailles, une table à ouvrage de Marie-Antoinette, des portraits signés Vigée-Lebrun, des paysages d’Hubert Robert, des esquisses de Jean-Baptiste Oudry… En 1984, l’UCAD avait créé un comité « Pour Camondo », chargé de réunir les fonds nécessaires à la restauration de ces précieux objets d’art, boiseries, tapisseries, textiles, sculptures et peintures, mais aussi à celle du bâtiment qui les abritait. Cette demeure privée fut conçue par l’architecte René Sergent, qui s’inspira largement du modèle classique du Petit Trianon de Versailles. Mais sous l’aspect traditionnel de ce décor se dissimulent des installations et une organisation des plus modernes pour le début du XXe siècle (électricité, ascenseurs, système d’aspiration centralisée, chauffage, téléphone…). « Jusqu’en 1995, on ne parlait que des collections, et trop peu de l’hôtel particulier. Puis on a commencé à vouloir mettre en valeur la fonctionnalité et la modernité de cette demeure parisienne, explique la conservatrice Marie-Noël de Gary. C’est un témoignage – assez rare à Paris puisque la maison n’a pas bougé – d’un collectionneur partie prenante de son époque. La visite du musée présente un triple intérêt, puisque, outre les pièces XVIIIe, le visiteur peut découvrir un habitat typique de l’entre-deux-guerres ainsi que l’histoire de la famille Camondo. Nous nous attachons à rétablir la cohérence de cette maison, à la relier aux œuvres qu’elle renferme. » La restauration de l’appartement de Nissim constitue une nouvelle phase de cette vaste campagne de valorisation du musée.

Restitution à l’identique
Tout comme l’appartement de son père, celui de Nissim de Camondo comprend un bureau, une chambre (avec une pièce consacrée à l’habillage) et une salle de bains – avant la restauration, seul le bureau était ouvert au public. Le décor de la chambre, avec sa tenture murale en pékin rouge et ses rideaux à cantonnière, a été restitué à l’identique. La salle d’habillage, lambrissée d’acajou et tendue de papier peint, ainsi que la salle de bains et son revêtement de céramique, ont bénéficié de soins similaires. Dans ce nouvel espace, albums photos, lettres, bustes en marbre, portraits, et un film réalisé par Madeleine Caillard, retracent l’histoire des Camondo (lire l’encadré). La Remise aux automobiles, à l’architecture de charpente métallique, a elle aussi été restaurée, mais, réservée à différentes manifestations comme des concerts, elle n’est pas accessible aux visiteurs du musée. En 1999, les cuisines avaient déjà fait l’objet de travaux, après des recherches minutieuses pour retrouver les emplacements et caractéristiques de leurs divers éléments. La prochaine étape consistera en la réhabilitation des écuries et d’une partie des communs qui jouxtent le Musée Cernuschi (fermé jusqu’en 2005), un espace qui pourrait former un nouveau hall d’accueil et créer un circuit plus cohérent pour la visite de cette demeure singulière.

Le destin brisé d’une famille

Juifs sépharades originaires d’Espagne, les Camondo s’installent à Istanbul où, en 1802, ils fondent une banque qui devient l’une des plus importantes de l’Empire ottoman. Sous le Second Empire, les frères Abraham-Behor (1829-1889) et Nissim de Camondo (1830-1889) s’établissent à Paris pour y développer leurs affaires. En face du parc Monceau, dans le 8e, ils font élever deux hôtels majestueux, dont l’actuel Musée Nissim-de-Camondo. La génération suivante est celle des collectionneurs : Isaac (1851-1911), fils d’Abraham-Behor qui se passionne pour l’art d’Extrême-Orient, le XVIIIe siècle français et la peinture impressionniste, et son cousin Moïse (1860-1935), fils de Nissim, lequel se consacre à l’art décoratif du XVIIIe. Le premier fait don de la totalité de ses œuvres au Louvre, le second, à l’Union centrale des arts décoratifs, qui ouvre le musée en 1936. Cette institution porte le nom du fils de Moïse, Nissim, mort en 1917. La famille disparaît tragiquement lors de la Seconde Guerre mondiale : Béatrice (1894-1945), la fille de Moïse, son mari et ses enfants périssent dans les camps nazis.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°186 du 6 février 2004, avec le titre suivant : Dans l’intimité des Camondo

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