Comme neuf

L’hôtel de Beauvais transformé

Le Journal des Arts

Le 11 mai 2001 - 657 mots

En vue d’y installer la cour administrative d’appel de Paris, l’hôtel de Beauvais, dans le quartier du Marais, est l’objet depuis plusieurs mois d’importants travaux de restauration. Alors que la restitution de la façade est en voie d’achèvement, et avant que ne commencent les démolitions à l’intérieur, une visite de chantier a confirmé les réserves que pouvait susciter l’idée de recréer un état disparu.

PARIS - Avant même que ne soient engagés les travaux, la restauration de l’hôtel de Beauvais a provoqué une vive polémique (lire le JdA n° 86, 2 juillet 1999), qui a bien failli avoir raison du projet. Dans ce chef-d’œuvre de l’architecture française du Grand Siècle devrait s’installer en 2003 la cour administrative d’appel de Paris. Comme l’a rappelé le secrétaire général du Conseil d’État, la juridiction était à la recherche d’un “édifice de prestige” et son choix s’est arrêté sur l’hôtel de Beauvais, rue François Miron (IVe) à l’abandon depuis plus de dix ans, malgré une quarantaine de projets de réhabilitation. Pour la restauration et l’aménagement, la facture devrait atteindre 122 millions de francs, financée à 75 % par le ministère de la Justice, le reste étant assuré par celui de la Culture. Dans le but d’apaiser les passions, la direction de l’Architecture et du Patrimoine a voulu faire preuve de transparence en organisant pour journalistes et historiens des visites de chantier. Le 20 avril, en présence de Wanda Diebolt, Bernard Fonquernie, architecte en chef des monuments historiques, a ainsi présenté son œuvre. Une belle opération de communication destinée à convaincre les participants du sérieux de l’entreprise, et du scrupuleux respect de la déontologie.

Élevé entre 1654 et1660 par Antoine Le Pautre pour Pierre de Beauvais, l’hôtel a subi au cours de son  existence un certain nombre de transformations. Ainsi, dans le premier tiers du XVIIIe siècle, Robert de Cotte entreprend une refonte totale de la disposition intérieure et remanie la façade, en remplaçant notamment le monumental fronton sculpté par une fenêtre. De 1730 à 1739, de nouveaux travaux sont conduits par l’architecte Beausire pour la famille Orry. Au début du XIXe siècle, l’édifice est transformé en immeuble locatif, les volumes sont entresolés, et l’ordonnance des façades totalement bouleversée.

Pour répondre aux besoins de la cour administrative d’appel, Bernard Fonquernie a proposé de revenir à l’état le mieux documenté, celui du milieu du XVIIIe. Il s’appuie pour cela sur les dessins du fonds Robert de Cotte, l’inventaire de 1719, le rapport de visite de 1725, le devis général des travaux de 1730, et la description des prestations de Beausire en 1739. En outre, les sondages réalisés sur les façades ont permis de vérifier la concordance avec les informations contenues dans les archives, mais ont aussi révélé que, sur rue, les balcons étaient alternativement en pierre et en fer forgé, contrairement à ce qu’indiquait un dessin du fonds Robert de Cotte. Or, l’architecte en chef s’appuie sur ce document pour imaginer l’aspect des ferronneries. C’est un exemple parmi d’autres des spéculations auxquelles doit se livrer le maître d’œuvre dans la recréation d’un état disparu. De la même manière, en l’absence de document visuel, il ne suffit pas de posséder les dimensions du dôme de la chapelle pour être en mesure de le refaire. Faut-il préciser que ce chantier prend quelques libertés avec les principes de la restauration, tels qu’ils sont consignés dans la Charte de Venise (1964) ? Car le projet ne s’embarrasse guère de l’existant. Pour recréer la façade du XVIIIe siècle, avec ses deux étages, 40 % des pierres seront remplacées ! Toutefois, l’architecte n’a pas voulu aller jusqu’au bout de la logique, et la corniche retaillée vers 1800 sera laissée en l’état. Tant pis pour les proportions. Quant à la dépendance donnant sur la rue de Jouy, détruite sans laisser de traces au XIXe, elle sera reconstruite dans un style néo-Louis XIV. Au moins, un tel chantier fournit du travail aux tailleurs de pierre et aux autres corps de métiers.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°127 du 11 mai 2001, avec le titre suivant : Comme neuf

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