Le choix du conservateur

Christophe Cousin

Conservateur du Musée d’art et d’histoire de Belfort

Le Journal des Arts

Le 24 septembre 2004 - 632 mots

Christophe Cousin, conservateur du Musée d’art et d’histoire de Belfort, présente, de Joseph Heim (1787-1865), le Martyre de saint Cyr et de sainte Juliette sa mère (1819), une œuvre acquise récemment.

Longtemps assimilées à celles de Delacroix, les peintures de Heim n’ont cependant pas la verve, la vigueur et la puissance de son contemporain. François Joseph Heim est né à Belfort en 1787 (il meurt à Paris en 1865) ; son père, professeur, y enseigne le dessin depuis de nombreuses années et souhaite faire de son fils un mathématicien. Pourtant le jeune Heim, qui désire embrasser une carrière artistique, finit par convaincre son père. Il part donc à Paris en 1803 et entre dans l’atelier de Vincent, un des plus grands maîtres de l’époque.
Son succès au Prix de Rome, qu’il remporte à 20 ans, lui ouvre la voie d’une carrière ambitieuse souvent marquée par un académisme un peu trop présent. Après un séjour en Italie qui lui permet de méditer sur la peinture du XVIIe siècle, il se voit attribuer toute une série de commandes du gouvernement impérial, puis de la Restauration. Les mauvaises langues et les confrères peu scrupuleux allant même jusqu’à le surnommer : « peintre officiel des Bourbons ».
Son œuvre, impressionnante, est marquée par l’histoire, la mythologie et la religion. Ses tableaux sont destinés à orner les châteaux ou les palais : Versailles en particulier, pour la galerie des Batailles ou les appartements du duc d’Angoulême. Paris pour les salons et la galerie de l’hôtel de Lassay, qui constituent aujourd’hui les appartements du président de l’Assemblée nationale.
À partir de 1819, la Restauration entreprend de redonner aux églises les décors qu’elles ont perdus pendant la Révolution. Heim et Delacroix sont chargés de cette mission. Heim va y travailler presque exclusivement jusqu’en 1830 : Notre-Dame de Paris, Notre-Dame de Lorette, Saint-Sulpice, à Paris, basilique de Saint-Denis et chapelle funéraire de Dreux.
La peinture acquise par le Musée d’art et d’histoire de Belfort en vente publique à Paris n’est autre que l’esquisse du Martyre de saint Cyr et de sainte Juliette sa mère qui orne encore aujourd’hui une chapelle de l’église Saint-Gervais et Saint-Protais, à Paris. Cette toile de petites dimensions (42 x 28,5 cm), qui date de 1819, fut précédée d’un dessin au crayon noir et à la craie blanche, lequel est conservé aux Musées d’Angers. Elle remporte une médaille d’or au Salon la même année.
Cette œuvre soigneusement composée garde toute sa fraîcheur, le dessin est rigoureux, les modèles nerveux et puissants, les tons sont vigoureux et l’exécution ferme et franche laisse apparaître les essais de couleurs que l’artiste a réalisés dans les angles de la toile. Heim situe la scène en 304 de notre ère. Juliette, femme chrétienne de la ville d’Icône, s’enfuit en Séleucie avec son jeune fils Cyr afin d’échapper aux persécutions contre les chrétiens ordonnées par Dioclétien.Elle est malheureusement capturée et martyrisée ainsi que son fils pour avoir refusé d’abjurer leur foi. Dans la partie supérieure de notre esquisse, on voit, jaillissant d’un nuage, un ange apporter la palme et la couronne du martyr à Cyr expirant.
Heim, qui vécut un peu plus longtemps que Delacroix (deux ans de plus), fit une carrière beaucoup plus brève. À partir de 1833, sa renommée ne cesse de décliner. Contraint par un académisme qu’il a du mal à canaliser, Heim est le dernier représentant de la peinture davidienne en France. Ses compositions soigneuses sont souvent bâties sur les mêmes principes et manquent de fantaisie. En revanche, ses dessins, esquisses et études sont traités sans retenue, avec fougue et exaltation. La couleur laisse apparaître la lumière, évitant ainsi aux scènes religieuses ou historiques l’immobilisme et la rigidité qu’elles pourraient engendrer.
Le Musée d’art et d’histoire de Belfort conserve d’autres études de Delacroix et quelques belles peintures académiques.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°199 du 24 septembre 2004, avec le titre suivant : Christophe Cousin

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