Fabriques

Chambourcy soigne son Désert

Après vingt ans d’imbroglio, le Désert de Retz, fleuron de l’histoire des jardins, commence enfin à être restauré

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 15 septembre 2009 - 690 mots

CHAMBOURCY - L’accès est encore confidentiel et la colonne brisée, la plus célèbre des fabriques du lieu, toujours en partie murée. Mais, depuis juin dernier, le Désert de Retz, l’un des plus étonnants
jardins à l’anglaise conçus au pays de la rectitude de Le Nôtre, avec sa vingtaine de fabriques évoquant
les grandes civilisations, a rouvert au public sur réservation.

Son portail était resté clos depuis 1998. Conçu entre 1774 et 1789 pour et par François de Monville, ce vaste parc, établi à l’origine sur 40  hectares, en bordure de la forêt de Marly (Yvelines) et aujourd'hui de l’A13, a subi au cours des vingt dernières années de nombreuses vicissitudes. Pierre Morange, député-maire (UMP) de Chambourcy, ne cache pas sa satisfaction d’avoir obtenu que sa commune en soit propriétaire pour un euro symbolique. «  Le combat a toutefois été opiniâtre  », avoue-t-il. C’est, en effet, le classement au titre des monuments historiques – contre l’avis de ses propriétaires en 1941 – qui a permis de sauver le Désert de l’oubli et de l’appétit des promoteurs. André Malraux s’en était encore ému en 1966, citant son sort lors du débat de la loi qui allait imposer aux propriétaires privés d’entretenir et de restaurer les monuments classés. À la fin des années 1970, des travaux de sauvegarde sont lancés sur injonction de la Caisse nationale des monuments historiques. Le propriétaire est alors une société forestière qui possède l’ensemble du vallon. En 1985, le groupe Wörms, qui souhaite créer deux golfs, en fait l’acquisition. «  Les 40  hectares classés du Désert ont tout de suite posé problème, raconte Pierre-Émile Renard, président de l’association Hiscrea (Histoire de Chambourcy, Retz et Aigremont) et ancien élu local. Ils ont alors été rétrocédés pour une somme symbolique à la Société civile du Désert du Retz, dont les deux associés souhaitaient mener un projet de restauration du site.» Une convention prévoit néanmoins que 20  hectares du Désert, sur lesquels il n’existe plus de fabriques, seront loués au Golf de Joyenval jusqu’en 2035. Le permis de construire du parcours, validé par les autorités compétentes, autorise donc le golf à se développer en partie sur le site classé. «  Un conflit a éclaté entre les propriétaires du Désert et le golf concernant l’architecture du parcours, qui ne respectait pas la topographie du site  », poursuit Pierre-Émile Renard. La copie est revue mais, alors que plusieurs tranches de travaux de restauration sont menées sur les fabriques, un conflit entre les deux associés de la Société du Désert aboutit à sa liquidation. En 2004, face à cet imbroglio, la mairie de Chambourcy décide de se saisir du dossier. En habile négociateur, Pierre Morange obtient du Golf de Joyenval, qui craint de voir son parcours amputé au terme de son bail emphytéotique, qu’il rachète la totalité du Désert –  pour une somme restée confidentielle  – contre une rétrocession à la commune pour l’euro symbolique de la partie sud où se trouvent encore des fabriques. Le golf doit par ailleurs s’engager à dépenser 300  000  euros pour la restauration végétale du Désert. Deux ans après cette transaction, le site peut donc recommencer à s’animer. Le 20  septembre, le ministre de la Culture y sera accueilli en grande pompe. Pour Pierre Morange, il s’agit de convaincre l’État de soutenir la restauration du site et des quelques fabriques rescapées, six sur la vingtaine d’origine. Soutenue par le département des Yvelines, la commune de 6  000 habitants ne peut, en effet, prendre à sa charge de tels travaux. D’autant que son maire caresse de grands projets de valorisation, qui passent notamment par la reconstruction de quelques-unes des fabriques disparues. Un choix qui devra être validé par l'architecte en chef du site, désigné prochainement. « Dans le cadre du Désert de Retz, il n’est pas anormal de vouloir reconstruire les fabriques, estime Pierre-Émile Renard. Elles étaient considérées comme des décors, appelés à être reconstruits, avec une durée de vie limitée. Et certaines, comme la tente Tatare, l’ont déjà été  ». Nul doute que le sujet risque de faire débat.

Désert de Retz, 78240 Chambourcy, réservations : animations, culture et sports, desertderetz@chambourcy.fr, tél. 01 39 22 31 37, www.chambourcy.fr

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°309 du 18 septembre 2009, avec le titre suivant : Chambourcy soigne son Désert

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