Avant qu’il ne soit trop tard

L’État rachète la villa Cavrois pour assurer sa sauvegarde

Le Journal des Arts

Le 22 septembre 2000 - 493 mots

Profitant de la présentation des Journées du Patrimoine à Lille, Michel Duffour, secrétaire d’État au Patrimoine, a annoncé le rachat par l’État de la villa Cavrois à Croix, le chef-d’œuvre de Mallet-Stevens à l’abandon depuis quatorze ans. Salutaire, cette décision n’en paraît pas moins bien tardive.

CROIX - Vitres brisées, fenêtres murées, volets éventrés, murs fissurés, le tout cerné par des grillages et des barbelés… voilà le visage que présente aux passants la villa Cavrois, à Croix dans la banlieue lilloise. À l’abandon depuis quatorze ans, pillée à plusieurs reprises, l’œuvre majeure de Robert Mallet-Stevens a été l’otage bien involontaire d’une épreuve de force entre le propriétaire, la société immobilière Kennedy-Roussel, et l’administration (lire le JdA n° 36 et 39, 18/4/1997 et 30/5/1997). Le rachat de la villa par l’État, annoncé par Michel Duffour, devrait enfin assurer sa sauvegarde. Il est vrai qu’à côté des beaux discours sur la protection du patrimoine du XXe siècle, la décrépitude de cet emblème du mouvement moderne commençait à faire tache. Kennedy-Roussel ayant déposé une déclaration d’intention d’aliéner, en juillet dernier, l’État avait jusqu’au 18 septembre pour user de son droit de préemption. Le prix de la transaction reste à déterminer ; il y a quelques années, il avait été estimé à quatre millions de francs.

Construite entre 1929 et 1932 pour l’industriel Paul Cavrois, elle est restée habitée par la famille jusqu’à sa vente en 1986 à la SARL Kennedy-Roussel. Pour faire obstacle à son projet de la convertir en bureaux et de lotir le parc, le ministère de la Culture a placé la villa en instance de classement dès 1986, avant de la classer d’office en 1990. Cette même année, avait vu le jour l’Association de sauvegarde de la villa Cavrois dont l’action inlassable n’est pas étrangère au dénouement d’aujourd’hui.

Contre toute attente, la protection n’a eu pour effet que d’accélérer la dégradation du bâtiment, laissé sans entretien, et livré au pillage, faute de surveillance. Mise en demeure de réaliser les travaux indispensables à la sauvegarde de l’édifice, la société a contesté l’arrêté devant la justice et en a obtenu l’annulation. Pendant ces quatorze années, le conseil général du Nord puis la communauté urbaine de Lille, associée à Roubaix et Croix, avaient affiché leur intention d’acquérir la villa (lire le JdA n° 75, 22/1/1999), avant de renoncer face au coût de la restauration. Évidemment, plus le temps passe, plus la facture s’alourdit. Aujourd’hui, la rénovation – qui permettra notamment de restituer les volumes originels – est estimée à plus de trente millions de francs. S’il est vraisemblable que l’État en assumera la charge intégrale, les collectivités territoriales pourraient participer à l’aménagement du lieu en vue de “Lille 2004, capitale européenne de la Culture”, en attendant un projet culturel pérenne. Les idées n’ont pas manqué pour imaginer une nouvelle destination au bâtiment de Mallet-Stevens : Fonds régional d’art contemporain, siège de la Fondation du Patrimoine, résidence d’artistes, etc. Toutes ont été abandonnées. Le concours d’idées continue.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°111 du 22 septembre 2000, avec le titre suivant : Avant qu’il ne soit trop tard

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