Architecture

RÉTROVISION

1976, le pavillon Baltard est remonté à Nogent-sur-Marne

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 7 février 2018 - 910 mots

A Arles, la « Halle Eiffel » sera démontée avec la perspective qu'elle soit remontée ailleurs (*). Il y a plus de 40 ans, c'est une autre cathédrale de fer qui a été sauvée de la destruction du « Ventre de Paris ».

Le pavillon Baltard démonté en 1972 et remonté en 1976 à Nogent-sur-Marne
Le pavillon Baltard démonté en 1972 et remonté en 1976 à Nogent-sur-Marne
© Ville de Nogent-sur-Marne

Nogent-sur-Marne. La « halle Eiffel » d’Arles (lire JdA n° 493 du 19 janvier 2018) aurait pu être une de ces énièmes halles qui disparaît, sacrifiée pour un projet immobilier ou commercial. Le battage médiatique qui a entouré le projet de démolition de cette structure métallique émanant des établissements Eiffel l’a sans doute protégée du pire. La Ville d’Arles et le ministère de la Culture ont annoncé en janvier, qu’elle serait démontée de sa friche industrielle et devrait être remontée ailleurs. Tandis que des commentateurs se sont réjouis que l’édifice ne soit pas détruit, d’autres ont exprimé leur crainte que cette promesse de remontage ne soit pas tenue comme cela a pu avoir lieu en plusieurs circonstances équivalentes. Mais il est des cas où les projets de remontage ont été rapidement suivis d’effets. Si la démolition des halles Baltard est bien connue – elle a marqué une rupture dans le visage de Paris et est élevée en symbole d’une perte patrimoniale inestimable causée par les pouvoir publics –, on sait moins qu’un morceau de ce « Ventre de Paris » a été épargné et remonté à Nogent-sur-Marne.

C’est en 1959 que De Gaulle acte le déménagement des halles de Baltard du centre de la capitale, où Paris entier vient faire son marché. Un projet évoqué depuis le début du XXe siècle au vu de l’exiguïté des lieux encombrés par les commerçants, les clients et les véhicules, et de l’impossibilité de s’agrandir au centre de Paris. Le départ du marché pour Rungis et La Villette, que la presse surnomme le « déménagement du siècle » s’effectue entre février et mars 1969 dans une grande émotion populaire. Les douze pavillons de fer et de verre dessinés par Victor Baltard, pour la plupart montés entre 1852 et 1870, sont désormais inoccupés. Pour installer une gare RER afin de faire des halles le « lieu le mieux desservi de toute la région parisienne » ainsi que des espaces commerciaux et de loisirs, le conseil de Paris projette la démolition des pavillons. Mais ces édifices vides qui ont été alors réinvestis par le public pour des manifestations artistiques, enthousiasment l’opinion et les appels à leur sauvegarde se multiplient. Les projets conservant les pavillons sur place ayant été jugés trop contraignants, pourquoi ne pas les déménager ? « Trop cher », répond Jacques Duhamel, ministre des Affaires culturelles chiffrant le démontage et le remontage d’un pavillon à 8 500 000 francs, ce qui – la suite le montrera – était une large surestimation du coût. En mai 1971, Christian de La Malène, président de la société d’économie mixte pour l’aménagement des Halles, explique que les pavillons ne sont pas récupérables car « les charpentes ont été montées de telle sorte à l’époque qu’aucun démontage n’était prévu », ce qui s’avérera également faux a posteriori.

Une mobilisation internationale pour sauver le bâtiment
Face à la mauvaise volonté des pouvoirs publics, la presse a choisi l’homme de la situation : le jeune banquier américain Orrin Hein, mandaté par un comité de sauvegarde d’industriels et de banquiers d’Outre-Atlantique, souhaite racheter les pavillons pour les remonter en France, ou « s’il est nécessaire » aux États-Unis. « Trop tard » pour le préfet de Paris, qui lui oppose une fin de non-recevoir en juin 1971. À mesure que la date de démolition se rapproche, la mobilisation internationale devient de plus en plus pressante pour la sauvegarde des pavillons : une pétition circule et rassemble 30 000 signatures. Alors que le jury du concours international pour la construction du Centre Pompidou délibère à deux pas de là, neuf de ses membres, dont Jean Prouvé et Oscar Niemeyer, adjurent le président Georges Pompidou « de tout mettre en en œuvre pour préserver au moins une partie des pavillons Baltard ».

C’est dans un Paris vide, au cœur de l’été 1971, que commence la démolition des Halles. Annonce est alors faite qu’un pavillon sera finalement démonté et remonté au frais de l’État, concession du président Georges Pompidou faite à l’opinion. Mais où ira ce pavillon ? Une circulaire du ministre des Affaires culturelles est envoyée aux maires des communes de plus de 2 000 habitants qui pourraient être intéressées par sa reprise. Plusieurs villes nouvelles, telles que Saint-Quentin en Yvelines ou Marne-la-Vallée sont sur les rangs. Jack Lang, alors président du théâtre universitaire de Nancy milite pour que le pavillon trouve place dans la cité lorraine, avant que la ville ne se désiste. En juin 1972, c’est Nogent-sur-Marne, dont le maire Roger Nungesser a été secrétaire d’État sous la présidence du général de Gaulle, qui remporte la mise avec le projet de consacrer ce pavillon 8, jadis consacré à la vente des légumes, à la tenue de foires, de salons, de spectacles et d’expositions.

Ironie du sort, c’est un autre bâtiment industriel, une ancienne rotonde servant de remisage aux locomotives de la SNCF, qui est démolie pour laisser place au pavillon Baltard. Démonté en 1972, il est remonté quatre ans plus tard à Nogent, avec plusieurs transformations (pose de panneaux de mosaïques bleues, nouvelle isolation, aménagements scénographiques démontables…) qui n’empêchent pas son classement au titre des monuments historiques en 1982. Depuis lors, il a reçu une nouvelle visibilité grâce à la télévision. De Graines de Starà Nouvelle Star, nombreuses sont les émissions de télé-crochet à avoir été retransmises depuis le pavillon Baltard.

erratum - 2 février 2018

(*) Dans la version papier, il a été mentionné par erreur que la halle Eiffel serait rebâtie à Marseille, ce n'est pour l'instant qu'un souhait envisagé par l'adjoint au patrimoine d’Arles ou par Jean-Bernard Memet, ingénieur spécialiste dans l'expertise de matériaux.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°494 du 2 février 2018, avec le titre suivant : 1976, le pavillon Baltard est remonté à Nogent-sur-Marne

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