Le bon plaisir de monsieur Jean-Marc Bustamante

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 1 février 2006 - 560 mots

De son enfance confortable passée à Toulouse lui reste sans doute cette manière de ne paraître jamais pressé, d’insister un peu sur les mots et une nonchalance soignée dans les gestes. « Je n’en suis pas tout à fait sûr, glisse-t-il avec malice, mais je crois que chez un artiste, ce qui est bon, c’est le début et les dernières années. Quand tu es jeune artiste, tu veux marquer ton territoire. Après, il y a seulement quelques moments forts. » Et jeune artiste, Bustamante marqua radicalement le sien.

Provoquer le déséquilibre
Les Tableaux attaquent en 1977 alors qu’il n’a que 25 ans. « Je voulais dire que la photographie pouvait obtenir le même crédit qu’un tableau », commente Bustamante. Il enregistre des paysages sans qualités particulières, tirés une fois, en très grand format et en couleur, simplement numérotés, datés et désignés par une lettre pour la version et le T du tableau. « Les milieux de la photo détestaient ça, se souvient-il, et le milieu de l’art n’y comprenait rien. C’était l’époque du Land Art, l’époque où les artistes ne voyaient la photographie que comme un outil. Mais je savais que j’ouvrais quelque chose. »
Il gagne sa place dans les manuels d’histoire de l’art et obtient dans le même temps une tenace étiquette de photographe, dont il se délivre périodiquement, jonglant avec aisance d’un médium à l’autre sans autre envie que de mettre le monde en perspective.
S’il s’essaie en tout début de parcours à des études en économie, c’est bien par la photographie que Bustamante entre en art. Auprès de Denis Brihat d’abord, photographe de natures mortes, puis comme assistant de William Klein en 1978 chez qui il peaufine une irréprochable culture de l’histoire du médium. « J’ai fait de la photographie parce que cela m’apparaissait comme le moyen le plus immédiat de transformer ce que je voyais », explique-t-il. Mais l’artiste brouille les cartes. Vient la signature-valise BAZILEBUSTAMANTE activée jusqu’en 1987 avec Bernard Bazile, viennent les sculptures, les installations, les jeux de découpe, de taille, de transparence, de lumière, de couleur, les sérigraphies sur plaques de Plexiglas. Et la photographie encore.

Fou de la couleur
Après une décennie plus discrète, le début des années 2000 consacre l’artiste. Honneurs officiels – il représente la France à la Biennale de Venise en 2003 – et marché international souriant lui offrent une jolie liberté de manœuvre. Lucide, assumant les échecs comme les coups d’éclat, cultivant sa solitude, longeant le microcosme français de l’art sans jamais le perdre de vue, Bustamante admet volontiers son assurance et son plaisir du moment.
Il s’agace du manque d’ambition ambiant et des étiquettes, enseigne, se fait même directeur artistique inquiet du Printemps de septembre à Toulouse et s’émerveille de faire l’expérience sensible et « fusionnelle » des couleurs. Au Kunsthaus de Bregenz, il n’y aura donc pas de photographies. « J’adore faire des photos, conclut-il, mais je fais une distinction entre le plaisir d’un médium et ce dont j’ai besoin pour faire de l’art. »

Biographie

1952 Naissance à Toulouse. 1977 Série des Tableaux. 1978 Assistant de William Klein. 1982 1re exposition à la galerie Baudoin- Lebon à Paris. 1983 Rencontre avec le sculpteur Bernard Bazile. 1990 Le MAMVP lui consacre une exposition. 1994 Le pavillon français de la Biennale de Venise lui consacre une exposition. 2003 Il représente la France à la Biennale de Venise.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°577 du 1 février 2006, avec le titre suivant : Le bon plaisir de monsieur Jean-Marc Bustamante

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