Séverine Chavrier, qui a récemment pris la direction de la Comédie de Genève, revient à William Faulkner avec une adaptation et une mise en scène de l’un des chefs-d’œuvre de l’auteur américain.
Théâtre - Grand portraitiste critique du sud des États-Unis, l’auteur du Bruit et la Fureur signe avec Absalon, Absalon ! un récit d’une grande audace formelle et politique où l’histoire des Blancs se lit à travers le regard des Noirs, dans une écriture utilisant, comme chez James Joyce ou Virginia Woolf, le procédé de « courant de conscience », pour recréer la pensée intérieure des personnages. Cela donne au texte une dimension à la fois sauvage et confuse. On comprend dès lors ce qui intéresse la dramaturge, puisque cela appelle une incarnation forte, un pari largement remporté ici. Il y a une grande pertinence à présenter ce spectacle aujourd’hui, à l’ère de Trump II. L’épopée du personnage principal, le Blanc « masculiniste » Thomas Sutpen, est une croisade délirante de recherche de pureté et d’oppression raciales. Sans forcer le trait, le spectacle invite le spectateur à établir lui-même des correspondances avec l’actualité. Séverine Chavrier a raison de privilégier une approche « abstraite ou symbolique » des tensions du récit. Mais le spectacle résiste pourtant à son appréhension. Autant l’on se fait peu à peu à la grande hétérogénéité des codes théâtraux convoqués ici – vidéo en direct, parties dansées, espaces déstructurés exploitant les parties techniques du théâtre –, autant le vertige faulknérien est un prétexte à une surenchère de moyens. Était-ce vraiment utile d’avoir des décors foisonnants, ou des dindons vivants sur le plateau ? Ce sont des exemples parmi d’autres, mais ils sont emblématiques d’un théâtre qui dépense sans que la théâtralité n’y gagne. Dans la crise que traverse actuellement la création dramatique, où les plus grandes maisons ont vu se réduire comme peau de chagrin leur «disponible artistique», cela met mal à l’aise. Au théâtre plus qu’ailleurs, l’enrichissement de la forme dessert souvent celui du fond. C’est pourtant la grande leçon de Peter Brook et de son « espace vide » : « Le théâtre est un art qui peut s’écrire sur le sable. »
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Beaucoup de bruit, peu de fureur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°786 du 1 juin 2025, avec le titre suivant : Beaucoup de bruit, peu de fureur