Des experts contestent l’authenticité d’une statuette corse vendue à Londres, évoquant une réalisation contemporaine.

Mise en vente le 13 mars 2025 par la maison d’enchères britannique Lyon & Turnbull, une statuette de pierre de 63 cm de haut, décrite comme provenant de l’âge du bronze corse, a été adjugée 22 500 euros. Le catalogue précise qu’elle remontait à la fin du IIIᵉ millénaire avant J.-C. et évoquait les stèles du site de Filitosa, au sud de la Corse.
Mais l’annonce de la vente a suscité de vives réactions dans la communauté archéologique. L'archéologue Kewin Pêche-Quilichini estime qu'il s'agit d'une copie récente. Comme il l'a répété au Journal des Arts, la statue semble avoir été réalisée à partir d'une photo d'un menhir de Filitosa, ce qui expliquerait la différence d'échelle. Les menhirs statuaires corses mesurent environ 2,20 m de haut. « On voit bien à la technique de sculpture que tout cela est assez grossier », a également déclaré l’ancien directeur de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) de la Corse, Frank Leandri à France 3.
Laëtitia Deudon, conservatrice régionale d'archéologie à la DRAC de Corse, pointe l'absence de vérifications scientifiques avant la vente : « Il semble qu'aucun archéologue n'ait participé à l'authentification de cet objet. Cela pose la question de l'importance d'impliquer davantage les scientifiques dans ce type de vente aux enchères », a-t-elle déclaré à Corse Net Infos.
Mais la maison de ventes reste convaincue de l’authenticité de l’œuvre. La statuette-menhir dispose d’un certificat IADAA, délivré par l’Association internationale des antiquaires. Le catalogue précise enfin que l’objet aurait appartenu à deux collectionneurs, Wolfgang Meyn, de Soest (près de Dortmund, en Allemagne) et Rob Fens, aux Pays-Bas, depuis 1972, avant d’être acquis par un marchand espagnol en 2023.
Cependant, l’objet n’apparaît dans aucun inventaire du patrimoine corse, ce qui, pour les experts, soulève la question d’un possible faux ou d’un artefact introduit illégalement sur le marché. « S’il s’agissait d’une pièce authentique, cela ferait naître des soupçons de pillage », ajoute Laëtitia Deudon dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung. En France, la loi de 1913 impose une autorisation préalable pour toute fouille ou exportation d’objet archéologique.
Des démarches seraient en cours auprès des douanes françaises, tandis que Kewin Pêche-Quilichini indique collaborer avec un collègue britannique pour tenter d’identifier l’acheteur. « Nous aimerions lui proposer une véritable expertise, mais pour l’instant, nous n’avons reçu aucune réponse ». Il a toutefois indiqué au Journal des Arts qu’il n'avait pas de nouvelles depuis quelques semaines.
Situé sur la commune de Sollacaro, au sud-ouest de la Corse, le site de Filitosa fut découvert par hasard en 1946 par Charles-Antoine Cesari. Classé monument historique, il a été occupé du VIᵉ millénaire avant notre ère jusqu’à l’époque romaine. Vers le IIᵉ millénaire avant J.-C., y ont été érigées des statues-menhirs appelées Stantari, signifiant « pierres debout » en corse. Certaines de ces figures de granite semblent représenter des guerriers armés de poignard, d’épée, de casque et de protections, mais leur signification exacte demeure mystérieuse.
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Une fausse statue corse « Filitosa » vendue comme antique à Londres
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