Ventes aux enchères

Tableaux modernes

Un Miró mirobolant

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 15 janvier 2008 - 751 mots

Neuf des dix œuvres de l’ancienne collection André Lefèvre présentées à Drouot par Claude Aguttes ont obtenu des prix fabuleux

PARIS - Estimés plus de 10 millions d’euros, les dix œuvres de l’ancienne collection André Lefèvre ont créé l’événement de l’année le 21 décembre à Drouot, totalisant près de 22 millions d’euros, sous le marteau de Claude Aguttes.

Ayant commencé à collectionner l’art moderne au lendemain de la Première Guerre mondiale, André Lefèvre avait réuni 275 tableaux des artistes les plus prestigieux de son temps, avec une prédilection pour le cubisme. Après son décès, une trentaine de tableaux sont légués aux musées nationaux. Le reste de sa collection est dispersé en vente publique au palais Galliéra, lors d’une vente mémorable qui s’est déroulée en trois étapes, en 1964, 1965 et 1967. Ses neveux et héritiers avaient voulu garder quelques pièces qu’ils ont rachetées en vente publique, soit les dix œuvres présentées à Drouot. Exposées avec l’ensemble de la collection d’André Lefèvre au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1964, elles furent ensuite conservées dans un coffre de banque.

Pour leur dispersion le 21 décembre dernier par la SVV Aguttes, un intermède dans la vente qui avait démarré deux heures plus tôt à Drouot avec une série de tableaux orientalistes, du XIXe et russes, a été nécessaire afin d’installer, face à la tribune du commissaire-priseur neuilléen, un « carré VIP » d’une soixantaine de sièges réservés aux collectionneurs, courtiers, marchands et institutions intéressés ainsi qu’à la presse. La vente a repris avec l’éclatante toile de Joan Miró Étoile bleue datée de 1927. Cette peinture était considérée par l’artiste lui-même comme l’une des œuvres les plus emblématiques de son art, la représentation de la figure humaine et de signes cosmiques y étant exceptionnellement réunie en une seule image. Estimée 5 à 7 millions d’euros, Étoile bleue est passée avec aisance de 4 à 8 millions d’euros, poussée par trois enchérisseurs dans la salle. Les enchères ont été ralenties au tournant du 9e million. Assis au premier rang, le marchand anglo-saxon David Nahmad l’a finalement emportée pour le compte d’un client européen au téléphone, sur une enchère finale de 11 586 520 euros, soit un record mondial pour une œuvre de Miró. C’est aussi la deuxième plus haute enchère en France en 2007, derrière le tableau de Bacon vendu 13,7 millions d’euros à Paris le 12 décembre chez Sotheby’s.

L’Oiseau (1926), le second Miró de la collection, a été emporté pour 6,2 millions d’euros, le double de son estimation, par un collectionneur suisse au téléphone. L’Étang-la-Ville : Halte (1917), gouache signée Henri Laurens, s’est envolée à 607 200 euros, contre une estimation haute de 80 000 euros, soit un record mondial pour l’artiste. Composition à la guitare (1919), une autre gouache et collage de Laurens, a été adjugée 89 222 euros, le double de son estimation haute. L’huile sur toile cubiste de Juan Gris intitulée Le Joueur de guitare (1918) est partie à 2 168 600 euros, un prix dans sa fourchette d’estimation, tandis que Le Broc (1920) a trouvé preneur à 545 250 euros, au-delà des 350 000 euros escomptés. Une Nature morte (1921), pastel signé Picasso, a été emportée pour 545 250 euros, contre une estimation haute de 300 000 euros. Enfin, deux gouaches de Fernand Léger, Les Plongeurs noirs (1943) et Le Pot de fleurs (1950), sont respectivement parties à 59 500 et 69 400 euros.

« Les goûts ont changé »
Seule L’Absinthe (1902-1903), aquarelle de Picasso, n’a pas été vendue faute d’enchère. Considérée comme une œuvre majeure de la vente, elle était estimée 1,5 à 2,5 million(s) d’euros. Réalisée au début de la période bleue de Picasso, l’œuvre représentait le portrait du poète Cornuty que l’artiste avait connu à Barcelone. Une lettre de Max Jacob à André Lefèvre au sujet du triste destin de son ami Cornuty figure au dos de l’aquarelle. Bien que le propriétaire y attachât une valeur sentimentale, cette œuvre n’était-elle pas un peu trop intellectuelle pour le marché international ? Lors de sa vente en 1967, elle avait atteint 260 000 francs (équivalant à 290 000 euros actuels) au marteau, un beau prix pour l’époque, et surtout, le double de celui obtenu pour l’Étoile bleue de Miró. Pour l’expert de la vente Aguttes, Dan Coissard, « les goûts du marché ont bien changé ».

ANCIENNE COLLECTION LEFÈVRE - Expert : Cabinet Dan Coissard - Résultat : 21,7 millions d’euros - Nombre de lots vendus/invendus : 9/1 - Lots vendus : 90 %

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°273 du 18 janvier 2008, avec le titre suivant : Un Miró mirobolant

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