Tapis : ne pas se faire rouler

Le Journal des Arts

Le 1 février 1996 - 710 mots

Européens, orientaux ou chinois, les tapis font l’actualité : expositions à Paris, à la Galerie Chevalier, et à Londres, chez Sotheby’s, tandis que Christie’s met en vente ceux de la collection Bernheimer... C’est donc le moment d’examiner de plus près ce secteur du marché.

Dans un passé récent, on ne pouvait entrer à l’Hôtel Drouot sans être saisi par une âcre odeur de suint : des tapis neufs envahissaient certaines salles, mis en vente par des marchands douteux. Ces ventes "après faillite" devenaient une véritable plaie, jetant le discrédit sur les vacations les plus saines. Les efforts de la Chambre des commissaires-priseurs ont permis de mettre un terme à ces excès, et la situation est redevenue normale. Malgré tout, le marché des tapis soulève encore une certaine méfiance.

Peut-être convient-il de préciser quelques points : tout d’abord, une vente "montée" – contenant des lots de marchands – ne constitue pas forcément un piège, dans la mesure où les négociants n’ont pas fixé des prix de réserve égaux ou supérieurs à ceux pratiqués dans leurs galeries ; dans la majorité des cas, il n’y a pas plus d’abus en matière de tapis que dans bien d’autres domaines. Il appartient à l’acheteur éventuel de se renseigner au préalable : la notoriété du commissaire-priseur comme celle de l’expert seront à cet égard ses meilleures garanties. Les plus belles collections se forment auprès de professionnels sérieux. Le marché du tapis ne diffère pas en cela de l’ensemble des spécialités qui constituent le marché de l’art.

Il présente cependant des particularités tenant à la fois à la mode et aux tapis eux-mêmes. Effet de mode : à qualité égale, certains tapis se vendent mieux que d’autres. Ainsi, les tapis chinois et ceux de la Savonnerie – ou "type Savonnerie" – connaissent actuellement un vrai succès, de même que les tapis de dimensions importantes, pourvu qu’ils aient une esthétique plaisante. Les tapis indiens, ceux d’Agra par exemple, jouissent d’une bonne cote, surtout aux États-Unis, mais apparaissent assez rarement sur le marché. Par contre, les tapis persans – exception faite de ceux du Caucase – semblent victimes d’une certaine désaffection, encore que les pièces anciennes continuent à se vendre de façon satisfaisante.

Les critères objectifs
Mais ces notions ne devraient pas entrer en ligne de compte pour qui veut acheter un tapis. Sa valeur tient bien évidemment à des critères beaucoup plus objectifs, résumés par l’expert Dominique Chevalier, qui établit entre eux la hiérarchie suivante : "L’amateur doit savoir que le prix d’un tapis dépend de son état et de son ancienneté, de son origine, de son décor, de sa finesse, de son matériau et de ses dimensions". S’agissant de tapis, l’ancienneté est – en règle générale – relative : sera considérée ancienne toute pièce antérieure aux premières années du XXe siècle. L’état doit correspondre à la description de l’objet : les tapis "cassants" ou "qui chantent" souffrent d’une trame abîmée et sont donc fragilisés. Méfiance encore à l’égard des tapis à la fois usés et aux coloris très vifs : ceux-ci sont souvent le fait d’un maquillage, dit "boyat", avec de la peinture. En revanche, les restaurations d’entretien sont jugées légitimes, encore que certains amateurs refusent de voir les franges remplacées.

Coton, laine et soie
L’importance attachée à l’origine et au décor tient au goût de chacun. Cer­tains tapis, nous l’avons vu, sont plus prisés que d’autres, et un décor original, c’est-à-dire différent de ce­lui qu’on s’attend à trouver par rapport à une origine donnée, lui conférera une plus-value. La finesse tient au nombre de nœuds au décimètre carré : 500 à 1 000 pour un tapis grossier, 2 500 à 4 500 pour un tapis très fin, et jusqu’au-delà de 15 000 pour des tapis en soie. Ceci nous conduit au matériau : coton, laine et soie sont les plus employés, tant pour la chaîne et la trame que pour le velours ; les deux premières doivent en principe présenter une couleur différente de celle du velours.

Enfin, un tapis s’entretient par nettoyages réguliers (idéalement, tous les deux ans), qui rendent au velours son gonflant et évitent que les nœuds ne soient coupés. Attention aussi à l’exposition au soleil, encore que ses effets soient d’autant moins nocifs que le tapis est ancien, les couleurs étant alors stabilisées.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°22 du 1 février 1996, avec le titre suivant : Tapis : ne pas se faire rouler

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