Antiquaire - Art ancien

Succès éclatant pour les émaux de Limoges à la galerie Kugel

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 12 novembre 2025 - 529 mots

En ravivant cette spécialité de la Renaissance française, la galerie confirme la vigueur du marché de l’art ancien : presque toutes les pièces ont été vendues.

Vue de l'exposition « Immarcescible – Les émaux de Limoges de la Renaissance » à la Galerie Kugel. © Guillaume Benoit
Vue de l'exposition « Immarcescible – Les émaux de Limoges de la Renaissance » à la Galerie Kugel.
© Guillaume Benoit

Paris. Tous les deux ans, la galerie Kugel s’impose comme le rendez-vous de l’art ancien pendant la semaine d’Art Basel Paris. Après l’ambre en 2023, Alexis, Nicolas et Laura Kugel consacrent leur nouvelle exposition à un matériau aussi érudit que spectaculaire : les émaux de Limoges du XVIe siècle, entre 1520 et 1620. Intitulée Immarcescible – un mot emprunté à Théophile Gautier pour évoquer la surface inaltérable de l’émail –, la présentation réunit environ soixante-quinze œuvres issues des plus grands ateliers limousins, de Pierre Reymond à Léonard Limousin.

Le succès commercial a été immédiat : dès la soirée du vernissage, mardi 21 octobre, la quasi-totalité des pièces étaient vendues, ne laissant qu’une poignée d’œuvres encore disponibles. « C’est au-delà de nos espérances », confie Laura Kugel, qui se réjouit de voir de jeunes collectionneurs rejoindre les acheteurs traditionnels. Les prix, allant de 25 000 à plus d’un million d’euros, traduisent la solidité d’un marché où les provenances et l’état de conservation jouent un rôle déterminant.

« C’est un sujet très étudié mais très peu exposé, poursuit la galeriste. Les collectionneurs connaissent ces œuvres au Louvre ou au Met, mais rarement dans une telle ampleur. » L’ensemble offre un panorama complet de cette production de prestige, depuis les deux plaques (sur les 83 connues) du Maître de l’Énéide, du premier quart du XVIe siècle, jusqu’aux compositions plus tardives, tels un grand plat ovale représentant Adam et Ève et le fruit défendu, vers 1630, en passant par une coupe couverte sur pied figurant en grisaille une allégorie du vin, 1553, de Pierre Reymond, ou encore quatre pièces du Maître MP qui occupent à elles seules une salle de l’exposition – dont le minutieux médaillon biface figurant Saint François recevant les stigmates et le roi David, vers 1530-1535.

Vue de l'exposition « Immarcescible – Les émaux de Limoges de la Renaissance » à la Galerie Kugel. © Guillaume Benoit
Vue de l'exposition « Immarcescible – Les émaux de Limoges de la Renaissance » à la Galerie Kugel.
© Guillaume Benoit

L’exposition s’appuie sur un corpus réuni depuis plusieurs années, enrichi d’acquisitions privées auprès de familles Rothschild et d’importantes collections dispersées. Une paire de plaques figurant Françoise et Charles de Pérusse des Cars, vers 1553-1560, réalisées par Léonard Limosin – redécouvertes au Texas après un siècle d’oubli et ayant fait partie des collections Rothschild – en constitue le sommet :« Avoir son portrait en émail était à l’époque un signe de prestige extrême », souligne Laura Kugel.

Techniquement, chaque pièce est un tour de force : superpositions de pâtes de verre sur cuivre, jusqu’à vingt cuissons pour obtenir les nuances et la translucidité caractéristiques. Les revers, souvent décorés de grotesques et de putti, témoignent d’une grande liberté ornementale.

L’exposition retrace cinq siècles de goût : du faste de François Ier à la redécouverte par les Rothschild et Pierre Bergé & Saint Laurent. La préface du catalogue, signée Ian Wardropper (Frick Collection), rappelle qu’en 1915, Henry Frick paya dix fois le prix de l’Extase de saint François, de Bellini pour un ensemble d’émaux de Limoges – preuve que ces objets, entre peinture et sculpture, fascinent depuis toujours par leur éclat inchangé.

Pour Laura Kugel, cette pérennité explique l’intérêt renouvelé du marché : « Rien n’est figé. Ces œuvres conservent leur éclat d’origine et continuent à susciter des découvertes. »

Vue de l'exposition « Immarcescible – Les émaux de Limoges de la Renaissance » à la Galerie Kugel. © Guillaume Benoit
Vue de l'exposition « Immarcescible – Les émaux de Limoges de la Renaissance » à la Galerie Kugel.
© Guillaume Benoit
IMMARCESCIBLE – Les émaux de Limoges de la Renaissance,
jusqu’au 20 décembre, à la galerie Kugel, 25, quai Anatole-France, 75007 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°664 du 31 octobre 2025, avec le titre suivant : Succès éclatant pour les émaux de Limoges à la galerie Kugel

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