Galerie

Une rare exposition-vente d’objets en ambre à la galerie Kugel

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 5 décembre 2023 - 719 mots

PARIS

Pour la première fois en France, une exposition consacrée à l’ambre présente une cinquantaine d’objets précieux.

Michel Redlin, Boîte de jeu complète avec dés, pions et jeu d’échec, Dantzig, vers 1680, vue de l'exposition à la Galerie Kugel. © Guillaume Benoit
Michel Redlin, Boîte de jeu complète avec dés, pions et jeu d’échec, Dantzig, vers 1680, vue de l'exposition à la Galerie Kugel.
© Guillaume Benoit

Paris. Inlassablement repoussée depuis septembre 2020 – la dernière exposition de la galerie date de 2018, sur le piqué napolitain –, « Ambre, trésors de la mer Baltique » est digne d’une grande exposition muséale tant par son caractère inédit que par la qualité des pièces présentées ou de la scénographie. Prenant place dans l’extension côté cour, afin de ne pas dénaturer les salles permanentes de la galerie côté Seine, la visite a été conçue comme un parcours. Les murs, tendus de noir, soutiennent les couleurs chatoyantes de l’ambre.

20 ans pour réunir une cinquantaine de pièces

Près de vingt ans ont été nécessaires aux frères Alexis et Nicolas Kugel pour réunir cet ensemble de 51 pièces : « Chaque objet en ambre acheté a été mis au placard, dans l’optique un jour de réaliser cette exposition », révèle Laura Kugel, fille d’Alexis et codirectrice de la galerie. Un tour de force. C’est aussi une vraie découverte pour les visiteurs, puisque très peu d’objets de cette matière sont présents dans les collections publiques françaises, contrairement aux pays germaniques et scandinaves ou même en Italie. Les Médicis, les Corsini ou encore les Farnèse ont avidement collectionné ces pièces – un des plus grands ensembles en Europe est abrité au palais Pitti.

L’ambre est connu dès le Néolithique – une amulette du Musée de Copenhague en atteste – et, déjà, sa diffusion est vaste : grâce aux « Routes de l’ambre », on en retrouve en Italie, en Grèce, en Chine et même dans la tombe de Toutânkhamon, ce qui témoigne du prestige du matériau. Pour autant, toujours associée à de belles mythologies, et bien que Pline l’Ancien ait percé le mystère de son origine, ce n’est qu’au milieu du XVIIIe siècle que le savant russe Mikhaïl Lomonossov prouve que l’ambre est une résine sécrétée par des arbres, puis fossilisée. Celle des objets de l’exposition provient de conifères dont la forêt existait il y a 30 à 50 millions d’années, à l’endroit même où se trouve la mer Baltique, entre Dantzig (aujourd’hui Gdansk en Pologne) et Königsberg (aujourd’hui Kaliningrad, une enclave russe entre la Pologne et la Lituanie). « Le matériau était retrouvé sur les bords de mer au lendemain de grandes tempêtes, quand les fonds marins avaient été un peu secoués », détaille Laura Kugel.

L’exposition se concentre sur l’âge d’or de cette production, entre le XVIe et le XVIIIe siècle, à une époque où la région, devenue duché en 1525, appartient à la Prusse. Elle commence par un bloc d’ambre brut poli dévoilant son incroyable gamme chromatique, du rouge translucide, en passant par un orange avec inclusion de bulles d’air jusqu’à un blanc laiteux et opaque – les artisans jouant savamment sur les contrastes de couleurs. Les salles s’enchaînent, couvrant un large éventail tant au niveau de la typologie des objets présentés (coffrets, chopes, coupes, aiguières, bougeoirs, autels et crucifix, jeux, tabatières…) que du genre de pièces produites, que ce soit pour la haute aristocratie ou comme cadeau diplomatique, à des prix allant de 10 000 euros à plusieurs millions.

Le luxe de l’ambre et de l’ivoire

Parmi les pièces à ne pas manquer figure – et c’est l’objet phare de l’exposition – un grand coffret écritoire, vers 1607, réalisé par Hans Klingenberg (Königsberg), et probablement offert par Marie-Éléonore, duchesse de Prusse à l’empereur Rodolphe II de Habsbourg. D’un luxe inouï, le décor recouvre l’intégralité de la surface y compris les tiroirs, l’intérieur et le dessous. Le visiteur découvre également un plateau de jeux avec ses pions, attribué au même artisan ; un plateau de table – le seul connu – attribué à Nicolas Turow (Dantzig, vers 1692) ; un crucifix, qui figurait dans les collections Borghèse ou encore un autel avec une crucifixion et une paire de bougeoirs ayant appartenu à la duchesse de Berry. Dans ces objets, l’ambre est souvent associée à l’ivoire, « probablement que les premiers artisans à avoir travaillé l’ambre travaillaient aussi l’ivoire », souligne Laura Kugel.

L’exposition a fait sensation avec près de 300 visiteurs certains jours et plusieurs pièces ont déjà été vendues à des collectionneurs privés européens et américains, tandis que beaucoup d’institutions françaises, mais aussi américaines, ont manifesté leur intérêt. À l’instar de la France, les musées outre-Atlantique ne regorgent pas d’objets en ambre.

Ambre, trésors de la mer Baltique, du XVIe au XVIIIe siècle,
jusqu’au 16 décembre, galerie Kugel, 25, quai Anatole-France, 75007 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°622 du 1 décembre 2023, avec le titre suivant : Une rare exposition-vente d’objets en ambre à la galerie Kugel

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