Singapour et l’Asie du Sud-Est à l’honneur d’Art Paris

Après la Russie et la Chine, Singapour et l’Asie du Sud-Est sont les invités d’honneur d’Art Paris Art Fair. L’occasion de découvrir la scène artistique d’une région encore largement méconnue en France.

PARIS - C’est une première ! Jamais tant d’artistes d’Asie du Sud-est n’auront été réunis lors d’une foire en France. Ils sont cinquante-deux à venir d’une région longtemps oubliée du monde de l’art pour être exposés dans le cadre d’Art Paris Art Fair. « J’ai pensé à Singapour car on a beaucoup parlé de la scène indienne ou chinoise, mais on ignore tout du bouillonnement actuel en Asie du Sud-Est », rappelle Guillaume Piens, commissaire général. En juin 2014, il entreprend un voyage de reconnaissance. « J’ai été surpris par un dynamisme qu’on ne soupçonne pas en France », reconnaît-il. Pour l’aider dans sa sélection des galeries, il s’est associé les services d’Iola Lenzi, figure incontournable de la scène artistique du Sud-Est asiatique. « J’ai commencé à m’intéresser à l’Asie du Sud-Est en 1995, le foisonnement artistique à cette époque avait quelque chose du Paris de 1900 », explique cette commissaire d’exposition et chercheuse d’origine canadienne installée à Singapour depuis vingt ans.

Huit galeries sont sélectionnées pour constituer la plate-forme dévolue à cette région du monde. Un choix éclectique, représentatif du tissu de galeries locales, comprenant à la fois des pointures comme Sundaram Tagore, présente à New York et Hongkong, mais aussi la toute jeune « Intersections », spécialisée dans les artistes birmans. La première présente un solo show de Jane Lee, l’une des artistes les plus célèbres de Singapour, tandis que la seconde met en avant une jeune artiste singapourienne et deux artistes birmans. La galerie STPI, la doyenne des singapouriennes, établie en 2002, emmène à Paris les œuvres de cinq artistes asiatiques dont deux Singapouriens, la sculptrice Han Sai Por et Herman Chong. « Ma sélection est fidèle à notre identité, pas uniquement singapourienne mais asiatique », précise Emy Eu, la directrice de STPI.

L’impact des climats extrêmes sur les hommes
La galerie Ipreciation présente quant à elle huit artistes parmi lesquels des noms majeurs de la scène singapourienne. À côté de Tang Dawu, figure emblématique de l’art contemporain, ou de Lee Wen, l’un des pionniers de la performance, on trouve des créateurs plus jeunes comme Tay Bak Chiang, dont le travail à l’encre de Chine est profondément influencé par la nature en Asie du Sud-Est. Art Plural, galerie créée par les Suisses Frédéric et Carole de Senarclens, consacre son stand au travail de Sherman Ong, un artiste singapourien né en Malaisie. Trois séries de photographies sont au programme : « HanoiHaiku », « Monsoon » et « Spurious Landscapes », ainsi que le court-métrage Tickets, qui a été présenté au Festival du film de Rotterdam en 2010. La série « Monsoon », réalisée lors de sa résidence à Hanoi en 2005, traite des climats extrêmes du Sud-Est asiatique, et de leur impact sur les hommes, leur mobilité et leur psyché.

Ailleurs, Element Art Space offre, à travers le travail de six artistes indonésiens de différentes générations, un panorama de la création artistique contemporaine de l’archipel. On y croise Eddie Hara, le père du street art indonésien, ou le jeune Hendra Hehe Harsono, des artistes méconnus du public français. La galerie Chan Hampe, l’une des premières de Singapour à représenter des artistes locaux, prévoit un solo show de Dawn Ng. « C’est une artiste contemporaine qui a un message universel, soutient Benjamin Milton Hampe, le cofondateur de la galerie située sous les arcades de l’hôtel Raffles. Elle a également étudié et vécu à Paris. »

« Séduction et subversion » sur la plate-forme vidéo
La découverte des artistes du Sud-Est asiatique se prolonge à travers une plate-forme vidéo conçue par la commissaire Iola Lenzi. « De façon générale, je n’aime pas l’idée de me concentrer sur un médium car la caractéristique des artistes de la région est précisément d’avoir recours à plusieurs médias, explique-t-elle. Mais j’ai accepté parce que j’ai compris que la vidéo était un moyen privilégié pour parler au public français. » Plus de quinze artistes du Sud-Est asiatique livrent leur vision de la thématique « Séduction et subversion », propre à faire émerger la critique sociale et culturelle. « J’espère que cette plate-forme saura faire comprendre le réel engagement de l’artiste et son ancrage dans la réalité sociale », souligne Iola Lenzi, commissaire de l’exposition « The Roving Eye : Contemporary Art from Southeast Asia » présentée à la Fondation Arter à Istanbul et qui s’est achevée en janvier 2015.

D’autres artistes du Sud-Est asiatique sont également présents dans la section générale. Sans oublier l’œuvre monumentale baptisée Lin Ting 2 de l’artiste singapourien Sai Hua Kuan (Ipreciation), mise en valeur à l’entrée du Grand Palais.

Les galeries, qui ont toutes bénéficié de subventions de la part du gouvernement singapourien pour participer à Art Paris, ont ici l’opportunité de présenter des artistes qui, pour beaucoup, n’ont jamais été montrés en France. C’est le cas de l’artiste indonésien Maryanto chez Project Yeo. « Cela donne une visibilité européenne à nos artistes indonésiens, qui sont trop peu connus en Europe et plus particulièrement en France », explique Aniela Rahardja, la directrice de la galerie Element Art Space.
Participer à Art Paris, c’est aussi l’espoir de nouer des partenariats avec des institutions ou d’engager de nouvelles collaborations. Pour la galerie Art Plural, c’est également l’occasion de prendre le pouls du marché européen. « Nos découvertes en Asie vont-elles séduire les collectionneurs européens ? », s’interroge sa directrice.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°431 du 13 mars 2015, avec le titre suivant : Singapour et l’Asie du Sud-Est à l’honneur d’Art Paris

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