Antiquaire - Foire & Salon

Paris Tribal confirme son positionnement de salon à prix abordables

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 19 mai 2025 - 905 mots

Confronté à la baisse de fréquentation en galerie et à l’évolution des acheteurs, le salon parisien a misé sur l’accessibilité et le croisement des genres.

Statue Yombe Nkisi, République du Congo, bois, métal, verre, h. 31 cm. Courtesy Galerie Entwislte
Statue Yombe Nkisi, République du Congo, bois, métal, verre, h. 31 cm.
Courtesy Galerie Entwislte

Le salon Paris Tribal, qui s’est tenu dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés du 13 au 18 mai, vient de refermer ses portes. Cette 12ᵉ édition rassemblait 40 galeries spécialisées dans les arts anciens d’Afrique, d’Océanie, des Amériques, de l’Himalaya et d’Indonésie.

Les exposants se sont déclarés plutôt satisfaits tout en étant peu diserts sur leur volume de transactions. « Il y a eu beaucoup de collectionneurs au vernissage, dont des étrangers, comme des Américains, des Belges, des Italiens… » a noté Eugénie Monney, directrice de la galerie Entwistle. « Il y a eu pas mal de monde. J’ai trouvé qu’il y avait un retour des passionnés, des collectionneurs à l'ancienne - des médecins, des avocats - des gens qui achètent plus avec leurs yeux qu'avec leurs oreilles, qui s'étaient un peu éloignés du marché en raison des prix prohibitifs », a constaté Frédéric Rond (Indian Heritage), le nouveau président du salon, qui succède à Julien Flak.

Cette année, le salon a mis l’accent sur l’entrée de gamme et le mélange des genres. Des collaborations mêlant arts anciens et créations contemporaines non occidentales ont été organisées, comme celle entre la Galerie Flak (qui présentait des œuvres d’Océanie et d’Amérique du Nord, dont une poupée Kachina Hopi, d’Arizona) et la 193 Gallery (qui exposait des photographies de la kényane Thandiwe Muriu). « Je vais poursuivre ces collaborations. J’ai envie de décloisonner. Et la scène contemporaine amène un autre public », a commenté Julien Flak.

Cerf-volant de pêche, aire Massim, Papouasie-Nouvelle-Guinée, 166 x 101 cm. Courtesy Galerie Hugo Brégeau
Cerf-volant de pêche, aire Massim, Papouasie-Nouvelle-Guinée, 166 x 101 cm.
Courtesy Galerie Hugo Brégeau

Autre collaboration, celle de la galerie Entwistle (qui exposait un reliquaire Kota du Gabon) et du marchand italien Giano del Bufalo (nouveau venu), qui, à la manière d’un cabinet de curiosités, dévoilait un œuf fossilisé d’Aepyornis, en parfait état de conservation (25 000 €), ou encore un coffret d'échantillons de marbres antiques dans une boîte en palissandre et ébène. Autre présentation dans le même esprit - décidément à la mode - celle de la galerie finlandaise Tischenko, qui avait uni ses forces à celles de l’antiquaire Hugo Brégeau, spécialiste d’objets d’art et de curiosités liés à la navigation, la pêche et l’océan. Il avait apporté un cerf-volant de pêche de Papouasie-Nouvelle-Guinée de l’ex-collection John and Martha Friede, une sélection d’hameçons et de harpons d’Alaska, des objets ethnographiques du Groenland ou encore une cloche de Chine orientale en bois, avec des prix allant de 300 à 2 000 euros.

« Si le panier moyen est plus bas qu'au Parcours des Mondes, à Paris Tribal, nous voyons quand même des objets moins classiques, plus abordables, plus surprenants », a noté le marchand Olivier Larroque, qui a estimé avoir bien vendu, au vu du contexte, notamment un cimier Bidjogo de Guinée-Bissau issu de la collection Marceau Rivière, autour de 9 000 €.

Les marchands ont fait un effort sur les prix pour ne pas décourager les nouveaux collectionneurs, avec des prix d’entrée en dessous de 1 000 euros. Si, à Paris Tribal, les prix moyens s’échelonnent entre 5 000 et 15 000 euros, ils atteignent plutôt de 20 000 à plus de 200 000 euros au Parcours des Mondes.

 « Il ne faut pas être délirant sur les prix. C’est difficile pour le marché médian. Une tranche d’objets était survalorisée, comme les statues Lobi, par exemple : cela ne vaut pas 1 500 à 2 000 euros mais plutôt 800. En revanche, pour les objets très importants, cela fonctionne très bien », a observé Renaud Vanuxem, qui célèbre cette année les 30 ans de sa galerie.

« Mais le problème principal est qu’il n’y a pas de renouvellement de clients. On dirait que plus rien n’intéresse personne », juge un connaisseur du marché. Ce qui a le don d’agacer Frédéric Rond : « Depuis que j’ai démarré mon activité, j’entends les marchands se plaindre qu’il n’y a plus de collectionneurs et pourtant, on est toujours là ! Oui, les acheteurs ne sont pas tous jeunes, mais en tout cas, je ne vois pas d'extinction des collectionneurs ».

C’est plutôt un changement dans le comportement des amateurs. « La collectionnite aiguë, monomaniaque, n’est plus vraiment d’actualité. Maintenant, les collectionneurs sont éclectiques. Il y a des ponts entre les arts. Il faut ouvrir », considère Renaud Vanuxem. « C’est vrai que le profil des collectionneurs a changé. Ils sont plus éclectiques et recherchent des objets plus insolites », confirme Hugo Brégeau.

Autre constat : « Les galeries ne sont quasiment plus visitées, les curieux de tout ont disparu. Trois galeries ont fermé, dont celles d’Alain Bovis et Alain Lecomte, et à mon avis, ce n’est pas terminé. Ce n’est plus possible de tenir une galerie en attendant que la porte s’ouvre ! Il vaut mieux fermer et consacrer son temps à chercher de bons objets pour les présenter individuellement à ses clients. C’est ce que nous faisons tous maintenant… », déclare un marchand bien connu du secteur.

Julien Flak teste actuellement un autre mode de fonctionnement. Il a loué sa galerie pour six mois et travaille depuis chez lui. « C’est vrai qu’il y a moins de monde en galerie, en dehors des temps forts comme Paris Tribal ou le Parcours des Mondes. Il n’y a plus la balade du samedi comme avant. Et avec Internet, les collectionneurs se déplacent moins. Mais le contact nous manque vraiment, et du côté de mes clients, il y a une vraie demande de moments privilégiés. Sur un canapé, la discussion est différente que dans une galerie. Et sans galerie, on se sent plus libre de voyager, de partir à la recherche d’objets ».

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