ENTRETIEN

Olivier Chupin, directeur artistique à la galerie Marion Meyer, Paris

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 17 février 2009 - 769 mots

« Dans le privé, les objectifs sont clairement identifiés »

Vous avez dirigé de 1989 à janvier 2007 le Fonds régional d’art contemporain (FRAC) Poitou-Charentes. Pourquoi avez-vous choisi de rejoindre la galerie Marion Meyer, à Paris, une enseigne bien plus moderne que contemporaine ?
L’artiste Michel Aubry m’a signalé que Marion Meyer cherchait quelqu’un pour programmer de l’art contemporain. Il y avait eu quelques tentatives à la galerie avec l’exposition Michel Aubry en 2005 et celle de Claude Rutault en 2007. Je n’étais pas sûr d’être capable de faire ce travail-là. Je sais construire une collection, mais est-ce que je sais vendre de l’art ? Je ne connais pas la relation directe avec les collectionneurs. Il était dès lors clair que mon implication allait être d’ordre programmatique. Je suis arrivé avec l’idée de commencer comme s’il s’agissait d’une jeune galerie. J’étais confronté à un outil que je ne maîtrisais pas et une nouvelle réalité de programmation. Dans un FRAC, on choisit librement les artistes. En galerie, c’est différent car beaucoup d’artistes avec lesquels j’ai travaillé au FRAC ont déjà une galerie. Du coup, j’ai décidé de développer une dimension prospective, de défrichage.

Depuis votre arrivée, début 2008, quelle a été votre programmation ?
J’ai invité de jeunes artistes tels que Frédéric Platéus, Iris Duprey, et d’autres moins jeunes comme Clarisse Doussot, Pascale Remita, Werner Büttner ou Raymond Pettibon et Henry Vincent. J’ai totalement carte blanche. Avec Stéphane Bérard par exemple, nous avons « explosé » la vitre de la galerie, en réalisant un projet de commande destiné à l’origine à un commissariat de police à Troyes, et qui avait alors été refusé.

Malgré tout, l’image de la galerie n’a toujours pas beaucoup évolué…
C’est le temps et le travail de sédimentation qui changeront les choses. Structurellement, la galerie que nous occupons rue Guénégaud est trop petite, mais Marion dispose d’une réserve près de Saint-Michel que nous allons transformer en galerie à la fin de l’année ou dans les premiers mois de 2010. Ce nouvel espace totalisera une surface de 180 m2. Nous avons trouvé entre-temps un local dans l’Essonne que nous aménagerons en réserves. Lorsque nous ouvrirons le nouvel espace, nous publierons une petite édition montrant le noyau dur des artistes et une mémoire des expositions.

Quels types de changements le passage du public au privé induit–il ?
Ce qui change, c’est que j’ai désormais affaire à des gens concernés, et je ne perds plus mon temps à faire du prosélytisme dans le vide, avec des élus et des publics qui ont d’autres chats à fouetter. Dans le privé, les objectifs artistiques sont clairement identifiés. Dans le public, les missions sont tellement larges qu’elles se voient diluées. Certains jours, j’avais l’impression d’être un agent d’aménagement culturel du territoire et j’ai vu progressivement mon temps consacré aux questions artistiques se réduire. En rejoignant la galerie Marion Meyer, je suis passé d’un champ à couvrir de quatre départements à 32 m2. La galerie implique aussi un suivi des artistes. Ce qui m’intéresse, c’est le chemin parcouru entre la première exposition et la seconde, qui, en galerie, a généralement lieu deux à trois ans plus tard. Ce qui est agréable, c’est de ne plus être exposé publiquement, de ne pas être obligé de justifier tous mes choix. La liberté que me laisse Marion de faire mes expériences est appréciable. Il me manque toutefois l’aspect collection. J’avais fait acheter plusieurs centaines d’œuvres au FRAC.

Laurent Godin, François Quintin ou Ami Barak sont aussi passés du public au privé. Comment expliquez-vous la multiplication de ces transferts ?
Peut-être y a-t-il un désenchantement par rapport à l’action que l’on peut mener au niveau public. On s’évertue à vouloir que les FRAC fassent tourner toujours plus leurs pièces, vers toujours plus de public. Or les collections des FRAC devraient être mises en valeur de manière institutionnelle, pour ne pas dire muséale. Il faut des lieux repérés pour montrer des collections selon une rotation lente. Cela a plus de sens que de faire circuler les œuvres cinquante fois. Sinon la collection se galvaude et s’abîme.

Bien que vous ne soyez pas vendeur, votre expérience dans le public vous sert-elle pour placer des œuvres dans des institutions ?
Oui, le FRAC des Pays de la Loire a acquis par exemple une œuvre de Frédéric Platéus. Un responsable d’institution réfléchit en termes d’ensembles. Je connais les collections des FRAC dans leurs grandes lignes et les processus des commissions d’achat. Je peux davantage cibler une pièce.

Galerie Marion Meyer, 15, rue Guénégaud, 75006 Paris, tél. 01 46 33 04 38. « Mélodie Mousset » jusqu’au 28 février ; « Pascale Remita », 11 mars-30 avril.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°297 du 20 février 2009, avec le titre suivant : Olivier Chupin, directeur artistique à la galerie Marion Meyer, Paris

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