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Madame Bovary, c’est lui ?

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 17 novembre 2006 - 719 mots

Piasa et Artcurial offrent une belle sélection de photographies dont un portrait de Flaubert controversé.

PARIS - L’époque où les photos se vendaient aux enchères à bas prix est révolue. Le médium est toujours à la mode, mais l’heure est à la sélection comme le démontrent deux maisons de ventes parisiennes. En vedette de la vacation du 17 novembre chez Piasa, figurent deux images du photographe autrichien Rudolf Koppitz. L’Étude de mouvement de 1925, signée et estimée 80 000 à 100 000 euros, est la plus connue de l’auteur et « l’une des photographies phares du XXe siècle, souligne l’expert Yves di Maria. On la retrouve en couverture du catalogue de la rétrospective consacrée au photographe en 1995 par le Historisches Museum der Stadt à Vienne. Cette année, une épreuve similaire a battu un record en vente aux enchères, atteignant la somme de 108 000 dollars (86 400 euros) le 17 octobre 2006 à New York chez Christie’s ». L’autre Étude de mouvement présentée est une épreuve rarissime de 1927. Estimée au moins 100 000 euros, cette composition emblématique serait l’un des seuls exemplaires d’époque. Autour de ces deux monuments, des œuvres très diverses sont susceptibles d’attirer les collectionneurs : Au coucher de soleil, pièce historique et sublime épreuve au gélatino-bromure d’argent sur papier à gros-grain de 1899 signée Misonne, dans un format exceptionnel de 44 x 54,5 cm, estimée 8 000 euros ; Mange-moi ! un vintage surréaliste de 1933 par Brassaï, estimé 6 000 euros ; des photographies de Dubreuil de sa période pictorialiste, vers 1900, et de sa période moderne telle Antithèse de 1929, estimée 10 000 euros, ou encore la collection de Marc Bruhat, tireur de grands photographes.

Polémique autour d’un portrait de Flaubert
Chez Artcurial le 18 novembre, un premier catalogue réunit un bel ensemble de daguerréotypes. On notera l’étonnante pièce anonyme des Sœurs jumelles (vers 1845-1850), estimée 30 000 euros, qui n’est pas sans rappeler le fameux tableau des Deux sœurs peint en 1843 par Chassériau, ou encore un portrait anonyme d’un Japonais daté vers 1850, estimé 4 000 euros. « Cette image rarissime génère beaucoup d’intérêt, indique l’expert Grégory Leroy. Car le sujet pourrait être l’un des marins japonais réfugiés à San Francisco en 1851, après le naufrage de leur navire. Ces pêcheurs furent les premiers japonais photographiés. Leurs portraits sont presque tous dans les musées et aucun n’est passé sur le marché depuis vingt ans. » Mais un autre daguerréotype qui daterait de 1846 focalise l’attention : le portrait anonyme, inédit et unique de Gustave Flaubert jeune, estimé 40 000 à 60 000 euros. Son apparition sur le marché divise les chercheurs, à cause de l’absence de pedigree et de comparaison possible, les premières photos connues de Flaubert datant du début des années 1860. Les convaincus, à commencer par l’ancien propriétaire de l’œuvre et historien américain de la photographie John Wood, avancent une ressemblance physique frappante, un fragment de portrait de sa maîtresse Louise Colet visible au mur en arrière-plan, la mention manuscrite au dos sur le cadre « À Croisset » (sa propriété familiale) et une blessure à la main qui expliquerait que celle-ci soit cachée dans son veston. Les détracteurs (en tête, Yvan Leclerc, universitaire spécialiste de Flaubert) rétorquent que la calvitie naissance de l’écrivain ne cadre pas avec un portrait au crayon datant de 1845, que le portrait de sa maîtresse n’est pas identifiable et que l’écriture au dos ne correspond pas à celle de Flaubert. Le débat pourrait prendra fin le jour de la vente : un musée américain, qui a effectué dans le plus grand secret des recherches anthropométriques sur Flaubert, se porterait acquéreur de l’œuvre si les résultats sont concluants.
Enfin, la vente du 20 novembre, toujours chez Artcurial, rend hommage au travail de Boubat à travers une trentaine de vintages à l’instar de Lella, 1948, estimé 12 000 euros.

- PHOTOGRAPHIES (PREMIÈRE PARTIE AU PROFIT DE REPORTERS SANS FRONTIÈRES), vente le 17 novembre à Drouot-Richelieu, 9, rue Drouot, 75009 Paris, Piasa, tél. 01 53 34 10 10, www.piasa.fr - PHOTOGRAPHIE 1 et TRÉSORS DES PHOTOGRAPHES DES AGENCES DU GROUPE HACHETTE PHOTO, ventes les 18 et 20 novembre à l’hôtel Dassault, Artcurial, 7, rond-point des Champs-Élysées, 75008 Paris, tél. 01 42 99 20 20 ; exposition publique : du 15 au 18 novembre 11h-19h, www.artcurial.auction.fr

Piasa - Expert : Yves di Maria - Estimation : 700 000 euros - Nombre de lots : 364 Artcurial - Expert : Grégory Leroy - Estimation : 630 000 et 350 000 euros - Nombre de lots : 47 173

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°247 du 17 novembre 2006, avec le titre suivant : Madame Bovary, c’est lui ?

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