Londres : Corr ouvre, Caro ferme

Par Roger Bevan · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 1994 - 1071 mots

LONDRES - On note un vide dans Cork Street : Simon Salama Caro a fermé sa galerie, la réserve d’œuvres que lui avaient confiées des artistes contemporains ayant été saisie. Sur les vitrines, depuis le début de la saison, un avis promettait des travaux d’embellissement.

L’intercession d’un bienfaiteur a permis de rembourser cet été les dettes les plus criantes, mais on sait aujourd’hui que la galerie ne rouvrira pas. Un des lieux les mieux adaptés aux expositions d’art contemporain – il  accueillit les inoubliables totems de Robert Indiana – qui offre aux installations et autres projets un superbe espace en sous-sol, cherche donc un locataire.

Un vieux routier de Cork Street se sédentarise. Andrew Mummery, qui gérait la galerie RAAB Boukamel, a opté pour l’indépendance. Il dirige à présent Corr, une nouvelle galerie conçue par Joe Corr de Riverside Design and Print Company. Celle-ci occupe deux niveaux de son quartier général d’Aura House au 53, Oldridge Road, juste au-dessous de Clapham Common et près de Balham High Street. La galerie a ouvert en octobre avec une exposition de jeunes artistes britanniques et de talents plus confidentiels, auxquels se sont joints plusieurs participants d’autres pays, dont Willard Bœpple. Pour sa deuxième exposition (jusqu’au 23 décembre), elle réunit Mark Kennedy et l’Écossais Ian Hughes, qui avait exposé chez RAAB en 1992 et présente ici une grande transcription monochrome du Radeau de la Méduse de Géricault, accompagnée d’une série de portraits historiques d’artistes, écrivains et compositeurs contemporains marquants.

Wolfgang Laib, artiste allemand de premier plan, célèbre pour ses œuvres avec pollen, a conçu un environnement de cire pour le Camden Arts Centre (2 décembre-22 janvier). Avec un couloir conduisant à une petite pièce dont les murs et le plafond sont faits de blocs de cire, c’est son œuvre de plus grand format dans ce style et une adaptation de l’installation qu’il réalisa chez Dean Clough, à Halifax, lors d’un été en résidence. Un petit catalogue explicatif comporte un entretien avec Clare Farrow. Beverly Semmes, l’artiste new-yorkaise, expose avec Laib. Elle a créé un ample costume en velours or et organza rose qui remplit tout un mur et se répand sur le sol de la galerie. On peut également voir son travail chez James Hockey à Farnham (4 décembre-28 janvier) et à la Southampton Art Gallery (jusqu’au 31 décembre).

Le Delfina Studio Trust a quitté Stratford à la fin septembre pour investir une ancienne chocolaterie au 50, Bermondsey Street, sur la rive sud de la Tamise, entre London Bridge et Tower Bridge. Agrémenté d’un café, il inaugurera son nouveau siège en présentant les artistes, surtout britanniques mais aussi de passage, venus d’Allemagne, de Cuba, de Russie et de l’Inde, à qui l’entreprise lancée par Delfina Entrecanales en 1988 a permis de bénéficier d’ateliers (7-11 décembre).

Toujours dans l’East End, Purdy Hicks a monté "Credo" (2 décembre-22 janvier), une exposition de peintres britanniques contemporains qui ont bénéficié de la présence d’une salle consacrée à des compositions de paysages de Peter Doig, lors de la récente édition du prix Turner. On y voit Arturo di Stefano, Michael Porter, John Hubbard et Estelle Thompson, que représentent Basil Beattie et Hughie O’Donohue. Dans Foley Street, Karsten Schubert propose une troisième exposition de Keith Coventry, dont l’humour sobre, mais incisif, s’intéresse à la société en se référant aux styles de l’art abstrait moderne (jusqu’au 23 décembre).

Il avait déjà examiné l’architecture des logements sociaux sous l’angle des compositions suprématistes de Malevitch ; aujourd’hui il se penche sur des institutions aussi traditionnelles que la famille royale et les écoliers d’Eton. Ses compositions s’inspirent des photographies ou des cartes postales, et usent d’un langage typiquement moderniste, avec des accumulations de matière blanche sur fond blanc et une technique très librement empruntée aux disciples de Fautrier, Wols et Soulages. Marc Jancou a conçu "Concrete Jungle" (1er décembre-18 janvier), où trois artistes américains, Bob Braine, Mark Dion et Alexis Rockman, auscultent le monopole insidieux exercé sur le contexte urbain par une petite série de prédateurs et d’insectes, pigeons ou cafards, qui représentent aujourd’hui les rapports sans fard entre la nature et la ville.

À la Fritz Street Gallery, la présence ou la figure humaine sont dessinées par Marlene Dumas, Thomas Schuette et Juan Munoz, jeune sculpteur espagnol en vue dont les "Raincoat Drawings" tracent des pièces vides sur une étoffe imperméabilisée noire (jusqu’au 14 janvier).

Vernissage à la Whitechapel Art Gallery (9 décembre-12 février) de "Worlds in a Box", une exposition itinérante conçue par Alexandra Noble pour le South Bank Centre. Cette rétrospective de la boîte servant à présenter des œuvres d’art, qui semble être apparue avec Marcel Duchamp et ses confrères dadaïstes et surréalistes, regroupe soixante-dix artistes, dont Joseph Cornell, Claes Oldenburg, Yoko Ono et Rebecca Horn. Parmi les artistes européens contemporains, on trouvera Joannes Zechner, qui expose pendant la même période chez Francis Graham Dixon (2 décembre-28 janvier).

Dans Dering Street, Anthony d’Offay propose deux expositions : "Or, Argent et autres dessins des débuts par Andy Warhol" (6 décembre-30 janvier), et "Sculpture" (6 décembre-30 janvier), à la gloire des sculptures de la galerie et de ses réserves, avec notamment des pièces de Carl Andre, Bruce Nauman, Kiki Smith et Jasper Johns, qui a exécuté un nouveau relief, Drapeau, en argent poli.

Dans Cork Street et alentours, Andrew Katman déploie les sculptures et les reliefs de Stephane Graff à la Burlington New Gallery (jusqu’au 10 décembre), espace précédemment occupé par Nigel Greenwood. Intitulée "Reliefs de sable et momification", ce qui souligne sa parenté avec l’art de l’ancienne Égypte et ses thèmes du souvenir et de la mort, l’exposition est une initiative de l’Emerging Art Foundation, financée par Kevin Finch. Thomas Gibson poursuit son histoire d’amour avec l’art contemporain en exposant vingt-cinq nouveaux pastels de Paul Harbutt (jusqu’au 16 décembre), qui scrutent la relation du spectateur avec son téléviseur, dont l’écran, avec ses images de films, ses voyages et ses publicités, devient sa tête.

Parmi les expositions mentionnées dans le numéro précédent du JdA et qu’il est encore temps d’aller voir, rappelons "Pigalle", les nouvelles peintures parisiennes de Luciano Castelli chez RAAB Boukamel (jusqu’au 23 décembre), les peintures récentes de Sandro Chia chez Waddington (jusqu’au 1er décembre), une rétrospective de la "Kitchen Sink School and the original Beaux-Arts Gallery" chez Mayor (jusqu’au 23 décembre), les peintures "Dog Woman" de Paula Rego et une nouvelle série de gravures de comptines chez Marlborough (jusqu’au 30 décem­bre), et les peintures d’Albert Irving chez Gimper (jusqu’au 14 janvier).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°9 du 1 décembre 1994, avec le titre suivant : Londres : Corr ouvre, Caro ferme

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