Galerie

ART CONTEMPORAIN

L’horizon muséal de la Galerie Poggi

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 5 juin 2025 - 519 mots

À l’heure où le Centre Pompidou se vide, la galerie incite une quinzaine d’artistes, dont un tiers sont ukrainiens, à faire écho au « Last Museum » de Brion Gysin.

Paris. Un grand musée ferme sous ses yeux et il voit tout. La galerie de Jérôme Poggi fait face au Centre Pompidou. Depuis son bureau, au premier étage, le galeriste regarde le bâtiment se vider peu à peu de sa substance. Inquiet et scandalisé. « C’est impensable de fermer le Musée national d’art moderne pendant cinq, voire sept ans ! », déplore-t-il. Lui qui a fait le choix d’emménager à cette adresse en 2023 ne découvre certes pas cette réalité, mais il en prend conscience. Ce n’est pas sans rapport avec l’exposition qui se tient en ce moment dans son espace, « The Last Museum », accrochage de groupe qui aborde le thème du musée finissant. Au départ, un trou dans sa programmation : l’exposition de Kapwani Kiwanga, l’une des artistes phares de la galerie, n’est pas prête. En tout cas, il faut prévoir autre chose à la place. Jérôme Poggi imagine de partir de l’œuvre de Brion Gysin, figure de la Beat generation : « Gysin a vécu au quatrième étage de cet immeuble de 1973 jusqu’à sa mort, en 1986 », explique-t-il. La Dream Machine de l’inventeur du cut-up offrirait par exemple un thème fédérateur. Sur ces entrefaites, Jérôme Poggi se rend à Kiev pour une exposition de Nikita Kadan. La ville vit au rythme de la guerre et pleure ses morts. C’est un choc. À son retour, il repense son projet d’exposition : l’Ukraine y aura une place, et notamment les pastels de Nikita Kadan (Delineation of the Borders, 2015) avec ses figures monumentales fantomatiques, comme si elles étaient en train de s’effacer de l’espace public. Mais aussi le film-sculpture Explosions Near the Museum (2023, [voir ill.]), de Yarema Malashchuk et Roman Khimei, qui documente le pillage par l’armée russe des collections du musée régional de Kherson. Et c’est finalement la série photographique « The Last Museum » de Brion Gysin qui servira de fil conducteur – deux de ses collages sont présentés au cœur de l’espace. Depuis ses fenêtres, l’artiste a vu le Centre Pompidou sortir de terre. Le musée ultime selon lui ? Jérôme Poggi a toujours affirmé que l’institution constituait l’horizon des œuvres, leur destination. Et cela, quand bien même l’existence des musées est parfois rendue difficile, ainsi que le montre cette photo de Sophie Ristelhueber : des portes d’un musée libanais protégées par des sacs de sable en voie de fossilisation (Sans titre (Beyrouth 1982), 2016).

Quoi qu’il en soit, les œuvres d’art circulent, tels ces vitraux témoins de l’imagerie sociale réaliste, rapportés d’Ukraine à la façon de ready-made par Danylo Halkin (Optical protheses, 2022-2025). Wesley Meuris a conçu spécialement une œuvre sous la forme d’une vitrine muséale vide dont la présence spectrale et sculpturale s’impose (After Absence, 2025). Avec la peinture abstraite pleine de force et de délicatesse de Clédia Fourniau (The Jumpscare, 2024-2025, prix entre 3 000 et 45 000 €), c’est l’une des œuvres remarquables de cette exposition rythmée par le phrasé de Georges Tony Stoll (Images voix, 2004).

The Last Museum,
jusqu’au 2 août, Galerie Poggi, 135, rue Saint-Martin, 75004 Paris.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°657 du 6 juin 2025, avec le titre suivant : L’horizon muséal de la Galerie Poggi

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque