Les ventes d’automne à Paris : tableaux anciens, modernes et contemporains, mobilier, livres…

Le Journal des Arts

Le 7 novembre 1997 - 2501 mots

Comme chaque année, l’automne est un des temps forts de la saison parisienne. Entre novembre et décembre, tableaux anciens, impressionnistes et modernes – dont ceux de la collection Rouart –, meubles portant l’estampille des plus grands ébénistes, pièces Art nouveau et Art déco, objets d’art et de vitrine, céramiques, livres et manuscrits, notamment un rare ensemble de souvenirs napoléoniens, ainsi que des bijoux et de l’argenterie seront mis aux enchères par une trentaine de commissaires-priseurs dans une gamme de prix très étendue.

PARIS. Une lettre d’amour enflammée de trois pages, adressée par Napoléon Bonaparte à Joséphine le 30 mars 1796, inaugurera la saison d’automne de l’hôtel Drouot. Estimée 180 000 à 200 000 francs, elle sera mise aux enchères par Me Briest, le 19 novembre, avec une centaine de souvenirs napoléoniens réunis par un collectionneur corse. Une toile re­présentant Danton, estimée 300 000 à 400 000 francs, d’autres lettres et autographes, des bronzes et des portraits sont quelques-uns des objets ayant appartenu à la famille impériale qui seront dispersés lors de cette vacation. Y figureront également plusieurs pièces de forme et assiettes en porcelaine de Sèvres, un ensemble de meubles des XVIIIe et XIXe siècles et de nombreuses armes blanches, dont un rare sabre à l’orientale en or de type chamchir, estimé 90 000 à 120 000 francs.

Un manuscrit sur vélin du XVe siècle
Deux grandes collections de livres anciens et modernes seront dispersées par Me Tajan, le 14 novembre à Drouot. Des ouvrages sur l’architecture, les sciences et les voyages, parmi lesquels le manuscrit des mémoires de Vauban, corrigé et annoté de sa main, à 30 000 francs, les Plaisirs de l’isle enchantée, à 70 000 francs, et les Plans, élévations et vues des châteaux du Louvre et des Tuileries, à 100 000 francs, devraient trouver preneur au-dessus de leurs estimations. Le 28 novembre, la même étude dispersera les trois mille volumes de la bibliothèque de Bruno Monnier au château de Mantry, dans le Jura, qui comprend un livre d’heures imprimé par Gilles Hardouyn vers 1515, dont les seize figures à pleine page ont été enluminées à l’époque. Le 1er décembre, l’étude Laurin, Guilloux, Buffetaud présentera plusieurs lots importants. La vedette devrait revenir à un ensemble de dix-sept dessins et eaux-fortes en couleurs de Georges Rouault, Passion, estimé 500 000 francs. Il faudra suivre également un manuscrit sur vélin de la seconde moitié du XVe siècle, dont les trente peintures justifient l’estimation de 400 000 à 500 000 francs. Un ouvrage de Saluste, Conjuración de Catilina y la guerra de Jugurta, imprimé à Madrid et estimé 350 000 francs, mérite aussi l’attention, ainsi que les deux volumes de l’Histoire naturelle d’oiseaux peu communs et d’autres animaux rares d’Edwards G. avec leurs deux cent dix planches coloriées, qui sont estimés 300 000 à 400 000 francs. Plusieurs vacations comportent d’intéressants dessins : chez Me Tajan, le 21 novembre, un ensemble de feuilles anciennes provenant de la collection Petin, dont un Tiepolo La famille du centaure (est. 100-200 000 francs); un Autoportrait de Maurice Quentin de La Tour (est. 300-350 000 francs) ainsi qu’une sanguine de Louis Rolland Trinques (est. 80 000 francs), et le 24, deux cent dix dessins de mode d’Antonio rehaussés à la gouache et à l’aquarelle, qui étaient destinés à de grands magazine américains ou français, entre 8 000 et 10 000 francs ; le 25 novembre, chez Me Binoche, La procession de Silène, une craie noire rehaussée à la gouache blanche de Théodore Géricault (est. 400 000 à 600 000 francs) et une huile sur toile ovale de Fragonard, La jeune fille aux petits chiens (est. 2,5 millions de francs) ; toujours le 25, chez Piasa, une belle Étude de femme assise par Pierre-Paul Prud’hon, estimée 1,5 million de francs. Parmi les tableaux anciens, on retiendra également le Port méditerranéen de Joseph Vernet, estimé 1,2 à 1,5 million de francs, présenté par Me Kohn le 18 no­vembre ; le Portrait de la du­chesse de Choiseul accompagnée de son fils adoptif Antoine Gabriel de Choiseul âgé de sept ans par Louis Michel Van Loo, estimé un million de francs, chez Me Ferri, le 15 décembre ; Raisins, figues et grenades de Pierre-Antoine Lemoine, estimé 1 à 1,4 million de francs, chez Me Tajan, le 16 ; sans oublier chez Me Aguttes, le 7 décembre, La Crucifixion, une huile sur panneau de chêne parqueté de Cornélis Engelbrechtsz, classée monument historique et estimée un million de francs.

Un rare ensemble de Berthe Morisot
L’une des ventes les plus attendues sera sans nul doute la dispersion de la collection Julien Rouart par Mes Ferri et Lefèvre le 27 novembre (lire le JdA n° 46) : une vingtaine de tableaux, dont deux œuvres phares – Paysage aux chevaux (1901) de Paul Gauguin, estimé 15 à 20 millions de francs, et Dans les coulisses, un pastel de Degas estimé 10 à 15 millions de francs –, mais aussi le Portrait d’Édouard Manet par Degas, un dessin à la pierre noire estimé 1,5 million de francs ; une huile sur toile de Claude Monet, Vue du Geldersekade à Amsterdam l’hiver, estimée 2 millions de francs ; et un rare ensemble de Berthe Morisot composé d’une vingtaine de dessins et tableaux, estimés jusqu’à 800 000 francs pour Cowes, île de Wight. Parmi les Renoir qui viendront compléter cette vacation, bien que ne provenant pas de la collection Rouart, deux huiles sur toile : le Portrait de Pierre Renoir, estimé 1,5 million de francs, et surtout Fleurs dans un vase, dont on attend 4 à 5 millions de francs. On retrouvera la plupart des grands noms de la peinture de la fin du XIXe siècle dans plusieurs ventes organisées entre la fin novembre et la première quinzaine de décembre. Retenons une huile sur toile de Berthe Morisot, Dans le jardin, estimée un million de francs, à l’étude Pescheteau-Badin, Godeau, Leroy le 21 novembre, et le même jour, chez Me Ader, La Rue d’Utrillo, estimé 300 000 à 400 000 francs; chez Piasa, le 12 décembre, deux huiles sur toile d’Eugène Boudin – L’église d’Étaples (est. 350 000 à 400 000 francs) et Brest. Débarquement des marins dans la rade (est. un million de francs) – ainsi qu’un autre Utrillo, La maison de Berlioz, estimé 900 000 à 1 million de francs, et une huile sur toile de Renoir, Portrait de jeune fille à la robe bleue, estimée 1,8 million de francs.

Art moderne et contemporain en décembre
Le mois de décembre sera celui de l’art moderne et contemporain. Plusieurs Picasso occuperont le devant de la scène : le 12 décembre, l’étude Piasa mettra aux enchères un bronze à patine noire, Tête de Fou – en fait, un portrait de Max Jacob –, estimé 1,5 million de francs, et le 13, Me Briest proposera une huile sur toile, Tête d’homme II, estimée 1,2 à 1,5 million de francs, ainsi qu’un dessin à l’encre de Chine, Femme nue allongée, estimée 500 000 à 600 000 francs. Toujours chez Me Briest, le 14 décembre, Les gravures de Manguin, estimées 750 000 à 950 000 francs, et Le chant de Matisse, estimé 1,8 à 2,1 millions de francs. Le 16 décembre, l’étude De Quay et Lombrail présentera un Maximilien Luce, Femme cousant, estimée 500 000 à 700 000 francs, tandis qu’une Nature morte de Nicolas de Staël, estimée 1 à 1,3 million de francs, passera sous le marteau de Me Briest avec un ensemble d’œuvres des Nouveaux Réalistes provenant d’une collection suisse. Enfin, le 17, Me Tajan proposera un Léger, Éléments mécaniques dans le paysage, estimé 2 à 3 millions de francs, et un Modigliani, L’Homme au monocle (de 3 à 4 millions de francs). L’essentiel des œuvres contemporaines seront dispersées par Me Briest les 13 et 14 décembre. La plupart d’entre elles sont attendues entre 100 000 et 200 000 francs, hormis une huile sur toile de Jean Dubuffet, Mademoiselle mine orange, 1,2 à 1,5 million de francs, une Composition de Pierre Soulages, 1 à 1,5 million de francs, et Couverture pliée sur bois de Tàpies,  600 000 à 800 000 francs. Faux Louis XVI et Retour des croisades, d’Arman sont estimés 110 000 francs, comme Compression dirigée à bidons métalliques compressés, entre 170 000 et 180 000 francs. Le 4 décembre, l’étude Millon et associés mettra aux enchères une huile sur panneau double face de Chaissac, estimée entre 150 000 et 200 000 francs, et le 8, une composition de Lanskoy, entre 100 000 et 120 000 francs.

Premières ventes à l’espace Tajan
Le mobilier et les objets d’art apparaîtront en force chez les commissaires-priseurs parisiens au cours du dernier mois de l’année. Toutefois, dès les 17 et 18 novembre, Me Kohn dispersera un ensemble de meubles comportant une grande table console, estimée 600 000 à 800 000 francs, et une commode au décor inspiré des dessins de Lepautre, estimée 700 000 à 800 000 francs. Me Binoche, pour sa part, présentera le 25 novem­bre une commode Ré­gen­ce attribuée à Charles Cressent, dont on attend entre 600 000 et 800 000 francs. Le ryth­me des ventes s’accélérera en dé­cembre, dans les dernières semaines avant Noël. Ainsi dès le 1er, l’étude Poulain Le Fur proposera une commode à ressaut estampillée R.V.L.C. (Roger Vandercruse, dit Lacroix), estimée entre 400 000 et 600 000 francs, et l’étude Piasa, le 5, un bureau de pente Louis XV, estampillé Hache Fils et estimé 500 000 francs. Puis le 7, un lutrin en laiton de 1383, estimé 300 000 à 400 000 francs, passera sous le marteau de Me Aguttes, tout comme un bureau à cylindre en acajou portant la marque au feu des collections du cardinal de Rohan, qui est estimé 500 000 francs. Deux vacations intéressantes auront lieu le 10 : Me Cornette de Saint-Cyr mettra aux en­chères un bureau plat à gradins estampillé Weis­wei­ler, estimé 400 000 à 500 000 francs, tandis que les études Piasa et De Muizon, Le Coent disperseront un mobilier de salon provenant de la collection de M. et Mme D., dont une paire de bergères estampillées G. Jacob, estimée 800 000 francs, pourrait réserver des surprises. Le 15 décembre sera une date à retenir, puisque Me Tajan organisera sa première vente dans son étude de la rue des Mathurins. Et pour inaugurer les lieux, il dispersera les meubles, objets d’art et tableaux de l’hôtel de la Vaupalière. Parmi le mobilier de cette demeure du XVIIIe siècle, une armoire rectangulaire, issue de la collection du comte de Rosebery, estimée 350 000 à 500 000 francs, et une commode en placage d’écailles brunes et de laiton, provenant de la vente du Palais Galliera en 1967. Au cours de cette vacation, de nombreux objets d’art seront également proposés, notamment des vases et potiches de Chine. Parmi les objets d’art qui passeront en vente à l’époque de Noël, quelques pièces retiendront l’attention, telle cette paire de grands vases estimée 200 000 à 250 000 francs que proposera Me Kohn, les 17 et 18 novembre. Le 25 novembre, une pendule au ballon, estimée 300 000 à 350 000 francs, devrait pousser les amateurs à suivre la vacation dirigée par Me Binoche. De même, la paire de globes de table du XVIIIe siècle, estimée 300 000 à 350 000 francs, et une suite de quatre appliques en bronze provenant de la collection de M. et Mme D., estimée 300 000 francs, mises aux enchères par l’étude Néret-Minet le 10 dé­cem­bre. À noter encore le 12 décembre, à l’étude Millon et associés, une pendule de marine d’Henry Sully, estimée 300 000 à 400 000 francs.

RÉSULTATS EN BREF

Jean Dunand : une boiserie représentant une forêt géométrique et cubiste, aux harmonies gris, argent, or et noir, en laque, dite Les Palmiers, a été adjugée 2 millions de francs par Me François de Ricqlès, le 22 octobre à Drouot. Estimée 400 000 à 600 000 francs, elle faisait partie d’un appartement parisien décoré par Jean puis Bernard Dunand. De Jean Dunand également, un panneau de 153 x 295 cm à fond de laque d’or uni et à décor gravé figurant la conquête du cheval – une variante de celui qui ornait le fumoir des premières classes du paquebot Normandie – a été vendu 860 000 francs, alors qu’il était estimé 200 000 à 250 000 francs. Un canapé gondole de Katsu Hamanaka est parti à 850 000 francs (estimation 60-80 000 francs), une table à jeux de Jean Dunand à 750 000 francs (estimation 350-400 000 francs).

La Caisse nationale des monuments historiques et des sites a préempté trois peintures provenant des collections du baron Seillière, lors de la vente de tableaux, orfèvrerie, meubles et objets d’art du château de Mello (Val-d’Oise) conduite le 16 octobre par Me Jacques Tajan et qui a totalisé 32,5 millions de francs : un portrait en pied du Grand Condé attribué à Louis-Ferdinand Elle (200 000 francs), destiné au château de Chambord, ainsi que deux portraits allégoriques de Louis XIV et du duc d’Orléans entourés de leur famille, destinés au Musée historique du domaine national de Saint-Cloud, acquis chacun pour un peu plus de 155 000 francs.

Des montres et pendules de collection ont été vendues pour plus de 10 millions de francs suisses (41 millions de francs français) lors d’une vente dirigée par Antiquorum à Genève, les 18 et 19 octobre, en hommage à Abraham-Louis Breguet à l’occasion du 250e anniversaire de sa naissance à Neuchâtel. Le prix le plus élevé, 927 500 francs suisses (3,8 millions de francs français), a été payé pour une pendule Breguet à trois roues de 1792, l’un des quatre exemplaires de ce type de pendule existant au monde. Elle a été acquise par un musée privé suisse. Abraham-Louis Breguet, considéré comme le père de l’horlogerie moderne pour ses inventions techniques et son esthétique radicalement nouvelle, l’avait offerte au mathématicien et physicien Pierre Simon de Laplace (1749-1827).

Une aquarelle signée Adolf Hitler et datée de 1916 a été adjugée 4 600 livres (44 620 francs français) le 28 octobre à Brigg, en Grande-Bretagne, par la maison Dickinson Davy & Markham. Elle a pratiquement quintuplé son estimation. L’œuvre avait été confiée par un marchand anonyme du sud-est de la Grande-Bretagne et l’identité de l’acquéreur n’a pas été révélée. L’aquarelle représente la ville belge d’Ypres après son bombardement durant la Première Guerre mondiale. Hitler avait combattu dans cette région alors qu’il était incorporé dans un régiment d’infanterie bavarois.

Douze dessins que Salvador Dali avait réalisés dans sa jeunesse ont été vendus 266 900 livres (2,58 millions de francs français) le 22 octobre, par Sotheby’s à Londres, et ont été acquis par le Musée de Figueras, où Dali est enterré. Les esquisses, à l’encre pour la plupart, représentent une maison close, un ivrogne, un couple d’amoureux s’embrassant, des musiciens et diverses scènes de la vie quotidienne.

Le retour des bateaux de pêche à Scheveningen, du peintre néerlandais Hendrik Willem Mesdag, a été adjugé le 28 octobre au prix record de 578 000 florins (1,73 million de francs français) au cours d’une vente aux enchères de Sotheby’s à Amsterdam.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°47 du 7 novembre 1997, avec le titre suivant : Les ventes d’automne à Paris : tableaux anciens, modernes et contemporains, mobilier, livres…

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