Art d’après-guerre et contemporain

Les nouvelles règles du jeu

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 25 novembre 2008 - 774 mots

Les ventes new-yorkaises confirment un arrêt de l’inflation des prix pour l’art contemporain imposé par les acheteurs

NEW  YORK. La tendance se confirme  : la balle n’est plus dans le camp des vendeurs, mais dans celui des acheteurs. Ces derniers, moins nombreux, plus sélectifs, dictent les prix au marché qui s’inclinent. Près de 240 millions de dollars (190  millions d’euros) d’œuvres d’art contemporain ont changé de mains les 11 et 12  novembre à New York chez Sotheby’s et Christie’s lors des ventes de prestige, avec une majorité d’acheteurs américains. C’est beaucoup d’argent même si on est loin des 520  millions de dollars d’estimation. «  Au 15  novembre, les prix de l’art contemporain et d’après-guerre ont chuté de 36  % par rapport à décembre  2007, ramenés en quelques mois à leur niveau de novembre  2006  », rapporte Artprice. Cette baisse est toute relative car l’art contemporain, le segment le plus spéculatif du marché de l’art, avait connu une progression des prix aux enchères de plus de 100  % depuis 2003 sur l’ensemble des places mondiales. Chez Sotheby’s, la hausse sur du top market a même atteint «  plus de 250  % en deux ans, alors bien sûr la crise financière a apporté quelques corrections  », note Alex Rotter, directeur du département d’art contemporain de Sotheby’s à New York.
Une renégociation des prix de réserve auprès des vendeurs a permis d’éviter des résultats catastrophiques. Seulement 32  % des lots proposés chez les deux auctioneers n’ont pas trouvé preneurs, tels l’œuvre phare Study for Self-portrait (1964) de Francis Bacon (est. 40  millions de dollars, 31,6  millions d’euros)  ; Ozu (1986) de Gerhard Richter (est. 10  millions de dollars)  ; Concetto Spaziale Festa sul Canal Grande (1961) de Lucio Fontana (est. 12  millions de dollars) et Attendant 5, peinture de Brice Marden (est. 10  millions de dollars) chez Christie’s. La veille, chez Sotheby’s, les collectionneurs ont boudé Half face with Collar (1963) de Roy Lichtenstein (est. 15  millions de dollars) et un nu de Lucian Freud (est. 9  millions de dollars) chez Sotheby’s. Six invendus (dont le Lichtenstein et le Freud), estimés 29  millions de dollars au bas mot, faisaient partie des vingt-six lots garantis par la maison de vente. La perte est plus importante chez Christie’s qui a ravalé douze des trente-neuf lots garantis, pour une estimation basse totale de 48  millions de dollars. Ces garanties avaient été octroyées cet été, avant le début de la crise financière. Pour les vacations à venir, l’heure est au gel de la politique des prix garantis, devenue beaucoup trop risquée, et à un réajustement des cotes pour certains artistes.
La meilleure enchère de la saison récompense Archisponge RE 11 (1960) d’Yves Klein, une des œuvres les plus importantes de la série des éponges-reliefs, adjugée 21,3  millions de dollars (16,8  millions d’euros) chez Sotheby’s, le second prix pour l’artiste. Estimée 25 à 35  millions de dollars avant l’effondrement des places boursières, elle n’a pas battu le record de 23,5  millions de dollars enregistré le 14  mai 2008 à New York chez Sotheby’s pour le monochrome or MG 9 (vers 1962) de la collection Lauffs. Lot garanti, Beggar’s Joys (1954-1955), la peinture abstraite expressionniste de Philip Guston, partie au prix record de 10,1  millions de dollars, sous les 14 à 18  millions espérés, est aussi le signe d’un frein à la spéculation. Great American Nude #21 (1961), œuvre inédite de Tom Wesselmann est montée à 4,1  millions de dollars, contre une estimation de 6  à 8  millions.
Christie’s se satisfait d’avoir vendu à leur estimation basse Untitled (Boxer) (1982) de Jean-Michel Basquiat de la collection du musicien Lars Ulrich et Abstraktes Bild (710) (1989) de Richter, respectivement pour 13,5 et 14,8  millions de dollars. Estimée 5 à 7  millions de dollars, Lake Resort Nurse (2003) de Richard Prince a été emportée par Giancarlo Giammetti, l’associé de Valentino, pour 3,3  millions de dollars. Les seize œuvres sur papier (garanties) de la collection Fuld (le P-DG de Lehman Brothers et son épouse) ont rapporté 13,5  millions de dollars, contre 15  millions de dollars d’estimation. Mais avec de belles marges, à l’instar de Study for Agony (1946-1947), vendu 2,2  millions de dollars. Les Fuld l’avaient acheté 370  000  dollars en 1996 chez Christie’s.

SOTHEBY'S
Résultats : 125,1 millions de dollars (100 millions d’euros)
Estimation : 200 millions de dollars (155 millions d’euros)
Nombre de lots vendus/invendus : 43/20
Lots vendus : 68 %
Pourcentage en valeur : 71 %

CHRISTIE’S
Résultats : 113,6 millions de dollars (90 millions d’euros)
Estimation : 320 millions de dollars (253 millions d’euros)
Nombre de lots vendus/invendus : 51/24
Lots vendus : 68 %
Pourcentage en valeur : 55 %

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°292 du 28 novembre 2008, avec le titre suivant : Les nouvelles règles du jeu

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