Design

Le mobilier des années 1980

Par Marie Potard · L'ŒIL

Le 25 octobre 2022 - 1009 mots

Célébrées dans une grande exposition au MAD, à Paris, les années 1980 connaissent un engouement qui ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin.

Collectionner -  Dans son exposition « Années 80. Mode, design et graphisme », le Musée des arts décoratifs se penche sur cette décennie plongée dans un contexte optimiste, propice à la liberté d’expression. « En matière de mobilier, c’est une période d’une grande créativité et d’une effervescence culturelle très forte. Ce sont les années Mitterrand, les années Jack Lang. C’est une expression beaucoup plus libre (des matériaux, formes, couleurs) dégagée de toute contrainte, dégagée de cette esthétique industrielle promue dans les années 1950, 1960 et 1970 », explique l’historienne du design Anne Bony, autrice en 1995 des Années 80 (Éditions du Regard). Et d’ajouter : « Le mobilier devient, à l’instar d’ailleurs des publicités de l’époque, un mobilier d’image, qui se nourrit d’un scénario, d’une narration, d’une histoire. Tout à coup, il y a une écriture sensible, qui donne un supplément d’âme à la stricte utilité du meuble, une considération que l’objet a autre chose qu’une fonction. » C’est vrai en France, mais aussi en Italie, avec le mouvement Memphis (Ettore Sottsass), et en Angleterre, avec les Creative Salvage (Ron Arad).

Les années 1980, c’est aussi le moment où apparaît la signature du designer, à l’instar de Philippe Starck. Ce dernier introduit l’humour dans son travail, tandis que Garouste et Bonetti nourrissent une vision plus historique. L’idée de recyclage apparaît également chez Marco de Gueltzl, qui utilisait du verre cassé avec des fers à béton, et Ron Arad, avec son fauteuil Rover Chair (1981). C’est également l’époque du carambolage des styles et des matériaux (verre, bois, béton, béton ciré, métal), comme de l’explosion des couleurs (le collectif Totem, à Lyon). Les années 1980 sont enfin marquées par l’avènement des premières galeries qui présentent du design : Néotù (Gérard Dalmon et Pierre Staudenmeyer), En attendant les barbares (Agnès Kentish et Frédéric de Luca), Yves Gastou, etc.

Questions à… Matthias Jousse (Jousse Entreprise)

Quelle est la place du mobilier des années 1980 sur le marché du design français ?
Pour le moment, le marché se concentre sur deux ou trois noms, comme Martin Szekely ou Philippe Starck. Beaucoup de noms seront sans doute mis en lumière dans le futur, mais il est difficile de faire des pronostics. C’est un marché un peu à part, car les créateurs sont toujours en activité, contrairement à celui des années 1950 ou 1960.

Quand le marché du mobilier « 80 » a-t-il démarré ? I
l y a 3 ou 4 ans, avec une accélération ces deux dernières années. Une poignée seulement de galeries s’y intéressent, comme nous ou la Remix Gallery, aux puces. C’est un marché en devenir. Celui des années 1970 a éclos il y a maintenant 20 ans, l’arrivée des années 1980 sur le marché est donc dans la suite logique des choses.

Quels sont les prix ?
La fourchette des prix se situe entre 1 000 et 200 000 euros. Aux enchères, il n’y a pas encore eu de prix record à proprement parler. Un guéridon Pi, conçu en 1984 par Martin Szekely [que la galerie vient d’exposer, NDLR] a atteint 40 000 euros chez Sotheby’s à Paris, en février dernier, alors qu’il était estimé 2 000 à 3 000 euros.

+ de 10 000 €

1_martin szekely -  Cette chaise, actuellement exposée au MAD, a été conçue en 1983 par Martin Szekely (né en 1956), dans le cadre d’une carte blanche du Via (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement). Initialement prévu en fibre de carbone (matériau de recherche de prédilection du designer), le prototype a finalement été réalisé en acier. De ce modèle naîtra la collection Pi, comprenant un guéridon, une chaise, une bibliothèque, une table et un bureau. Ces pièces, aux formes épurées, traduisent l’idée d’essentiel, de simplicité et d’économie, chère au designer qui revendique une œuvre à la ligne claire et graphique. Un modèle similaire a été vendu 10 000 euros chez Sotheby’s à Paris, en juin 2020.


5 000 €

2_philippe starck -  Revendiquant un design pour tous, repensant les objets du quotidien et privilégiant la production en série, Philippe Starck (né en 1949) devient l’un des designers les plus actifs de la scène française dès le tournant des années 1970-1980. C’est au début des années 1980 qu’il se fait connaître auprès du grand public, avec son projet pour l’aménagement des appartements privés du palais de l’Élysée et l’emblématique Café Costes aux Halles. Ici, le meuble multifonction Lola Mundo (Jousse Entreprise, Paris) est à la fois une petite table basse et une chaise lorsque l’on replie le double plateau pour former un dossier, tandis que les pieds galbés en fonte d’aluminium poli s’inspirent du style Louis XV.


8 200 €

3_garouste & bonetti  - Élisabeth Garouste (née en 1946) et Mattia Bonetti (né en 1952), dont la collaboration débute en 1980 avec la décoration du club Le Privilège, installé dans la boîte de nuit Le Palace, produisent une œuvre commune jusqu’en 2002. Le duo est à l’origine du « style barbare », dont les caractéristiques sont d’être adossées à l’artisanat d’art, tout en tournant résolument le dos au fonctionnalisme et à la standardisation, au profit de l’élégance du passé. En 1983, les deux designers commencent à travailler avec la galerie En attendant les barbares (Paris), qui édite encore leurs créations, à l’instar de cette console réalisée par Pierre Basse, l’ex-ferronnier de Diego Giacometti, qui travaille en exclusivité pour la galerie.


+ de 30 000 €

4_ettore Sottsass (1917-2007)  - Dessinée en 1981, la bibliothèque Carlton est une création incontournable du mouvement Memphis, fondé par le designer italien Ettore Sottsass à Milan la même année. Exit le fonctionnalisme froid et rigide, place à la fantaisie, avec des créations colorées et excentriques. Avec ses dimensions imposantes, ce totem coloré d’apparence déstructurée – à l’image d’un château de cartes – n’en est pas moins savamment équilibré et cache une construction logique et symétrique basée sur une combinaison de triangles équilatéraux. Proposé par la Galerie Gokelaere & Robinson (Paris), un modèle similaire a été adjugé 31 250 euros en 2018 chez Artcurial.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°759 du 1 novembre 2022, avec le titre suivant : Le mobilier des années 1980

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