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ART CONTEMPORAIN

Le Groumellec, les voies du sacré

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 25 mars 2022 - 656 mots

PARIS

À la Galerie Karsten Greve, l’artiste expose pour la première fois des sculptures, réflexion sur le mégalithe et la maison. Elles sont accompagnées d’une nouvelle série d’« Écritures sur papier ».

Loïc Le Groumellec dans son atelier à Pantin, 2021. © Loïc Le Groumellec
Loïc Le Groumellec dans son atelier à Pantin, 2021.
© Loïc Le Groumellec

Paris. Qui a dit que Loïc Le Groumellec ne se renouvelait pas beaucoup ? Il faut certes reconnaître que, depuis sa première exposition personnelle chez Yvon Lambert en 1983 et jusqu’à 2015, l’artiste (né en 1957 à Vannes en Bretagne) était resté pinceaux et crayons liés à ses figures initiales et tutélaires – la maison, la croix, le mégalithe –, suivies cependant il y a sept ans d’un nouveau sujet, les « Écritures », inspirées par les signes restés indéchiffrés, datés de moins 3500 ans avant J.-C., inscrits dans le site du cairn de Gavrinis (golfe du Morbihan).

Mais pour cette nouvelle exposition à la Galerie Karsten Greve, Le Groumellec surprend avec deux séries d’œuvres inédites : d’une part dix-neuf sculptures, d’autre part une cinquantaine de gouaches, crayon et encre sur papier de couleurs vives (si, si !), orange, jaune, bleue, rose… On aurait envie d’employer le terme de « révolution » pour cet artiste qui, jusqu’alors, était attaché aux blancs, gris, noirs puis aux marrons de ses signes. Parlons plutôt d’une belle évolution, car l’artiste ne s’est pas pour autant mis d’un seul coup à peindre des femmes nues au bord d’un lac.

Pour sa première expérience de sculpteur, Le Groumellec, qui préfère dire : « je fais de la sculpture de peintre, puisque j’ai toujours peint des sculptures », n’a pas abandonné la maison en marbre ou bois laqué blanc, qu’il juxtapose ici à des pierres, comme une mise en symbiose poétique d’une forme archétypale, tels l’abri, le refuge ou le foyer, et d’un mégalithe (« La maison est un des appels à notre conscience de verticalité », rappelle-t-il en citant Bachelard dans La Poétique de l’espace). Ce mégalithe est réalisé en diorite orbiculaire, une pierre découverte loin de sa Bretagne natale, dans un petit village de Corse-du-Sud, Sainte-Lucie-de-Tallano, et qui le fascine. « Elle est aussi appelée “corsite” ou “napoléonite” car Napoléon faisait réaliser des vases ou différents objets avec cette pierre. À l’état naturel elle n’a rien de spectaculaire, mais lorsqu’on met de l’eau dessus, elle révèle des formes circulaires comme des yeux. Une pierre comme celle-là, tu n’as qu’une envie : celle de la travailler », dit-il. Ce qu’il fait en la taillant, meulant, ponçant pour lui donner une forme informe et l’ériger tel un menhir parfaitement lisse et sensuel puisque « [s]on sujet depuis [s]es débuts a toujours été la verticalité ».

Transcendance du monochrome

Sa nouvelle série de papiers, chacun d’eux étant intitulé Écriture, reprend quant à elle le principe de fonds monochromes mais cette fois en couleur. « Le monochrome est l’aboutissement idéal de la peinture et la voie d’accès au sacré. Je ne suis pas quelqu’un de religieux, ni particulièrement attiré par les religions, mais j’aime l’idée d’une conscience de quelque chose de supérieur. » C’est donc sur des oranges et jaunes vifs, ou sur des verts, bleus, roses pastel que sont écrits ses signes blancs énigmatiques. L’abandon de ses tons blancs, gris, noirs s’était amorcé avec l’apparition des tonalités marron. Le Groumellec rappelle que ce changement déjà radical ne relevait pas vraiment de sa volonté mais d’une modification des normes européennes interdisant certains composants des peintures utilisées. Là, l’orange et le jaune sont apparus à la suite d’illustrations de livres qu’il a réalisées ces dernières années et notamment… Les Amours jaunes de Tristan Corbière ainsi que quelques titres d’Eugène Guillevic. « J’ai tellement été dans les bruns et les noirs qu’il y a quelque chose qui s’est ouvert », confesse celui qui a souvent dit : « Je suis un peintre de l’austérité. »

Entre 3 000 euros pour les plus petits papiers et 40 000 pour les plus importantes sculptures, les prix n’ont rien d’excessif compte tenu de la carrière et du parcours de l’artiste (né en 1957), passé par de prestigieuses galeries et présent dans de nombreuses collections tant publiques que privées.

Loïc Le Groumellec, sculptures et gouaches,
jusqu’au 7 mai, Galerie Karsten Greve, 5, rue Debelleyme, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°585 du 18 mars 2022, avec le titre suivant : Le Groumellec, les voies du sacré

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