Analyse

Le Conseil des ventes par le détail

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2008 - 543 mots

On aura rarement vu Christian Giacomotto aussi mesuré dans ses propos que lors de la présentation le 24 juin du rapport du Conseil des ventes volontaires (CVV) sur les ventes publiques en France en 2007.

Remisant les sorties tonitruantes comme les critiques acerbes, le président de cet organe a évité de pourfendre sa bête noire, eBay. « Il ne s’agit pas de condamner Internet, pas plus que la machine à vapeur. Encore faut-il que cela fonctionne sans distorsions excessives », a-t-il déclaré benoîtement lors de la conférence de presse.
Pour la première fois sans doute, le ton et la forme du document sont plus importants que le fond, lequel est sans surprise. Si les ventes d’art en France ont progressé de 2 % en 2007, la part du marché français à l’échelle mondiale a reculé de 13 % sur un an, pour atteindre 5,8 %. Une érosion accentuée d’année en année. Alors que Christian Giacomotto annonçait en février une baisse des ventes en régions de l’ordre de 28 %, le rapport final se contente d’analyser les données région par région sans tirer de conclusions expéditives. On peut même lire page 52 dans le chapitre concernant l’analyse du marché français par rapport au marché mondial : « quant aux régions françaises, leur évolution est négative selon que les données soient exprimées en euros (- 3,55 %) ou légèrement positives si elles le sont en dollars ». Le rapport ne s’est pas attardé sur la thèse de la perte de compétitivité des régions à cause des « opérateurs non régulés », comprenez eBay. Plutôt que de chercher un bouc émissaire, il a espéré un décollage des Sociétés de ventes volontaires sur la Toile en 2008. Ce changement de rhétorique concernant les performances en régions est peut-être lié à l’intervention du Symev, syndicat des maisons de ventes, lequel a adressé le 10 avril un courrier salé au CVV concernant leurs statistiques. « Au cours d’une réunion récente de l’observatoire économique du Conseil des ventes, auquel le Symev participe à votre demande, il a été indiqué que ce chiffre [de 28 %] était en réalité de 8,16 %, a écrit Hervé Chayette, président du Symev. Je ne vous cache pas que l’annonce initiale, largement reprise par la presse du marché de l’art, avait provoqué un grand émoi auprès des commissaires-priseurs de province. Ces derniers considèrent aujourd’hui que ces informations erronées constituent pour eux un grave préjudice en risquant de décourager leurs clients. »

Instrument de lobbying
Si Christian Giacomotto a mis de l’eau dans son vin, c’est qu’il compte utiliser le rapport comme un instrument de lobbying pour la cause du CVV. L’idée ? S’imposer en guichet unique dans le cadre de la transposition de la directive services. Sur les 350 pages que compte ce document, seules soixante-neuf sont consacrées au bilan du marché français. En revanche, soixante-quatre pages sont dédiées à la présentation en détail du CVV (un tiré à part a même été imprimé), et tout le reste aligne des tribunes « libres » soulignant les vertus d’une autorité de régulation, en substance le CVV. Une intervention d’Yves Mayaud, agrégé de droit, souligne même l’opportunité d’habiliter cette instance à exercer l’action civile devant les juridictions répressives. Opportunité qui, pour l’heure, échappe à nombre d’acteurs du marché...

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°285 du 4 juillet 2008, avec le titre suivant : Le Conseil des ventes par le détail

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