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ART CONTEMPORAIN

Laurent Grasso, le temps du rêve

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 20 septembre 2018 - 445 mots

La galerie Perrotin présente ses nouveaux films et sculptures dont la poésie découle de phénomènes et théories scientifiques.

Paris. C’est par son tout récent film – une discipline à laquelle il a toujours accordé une place prépondérante – que Laurent Grasso marque l’entrée dans sa troisième exposition à la galerie Perrotin. Présenté pour la première fois en France, après l’avoir été au printemps dernier à la Biennale de Sydney pour laquelle il a été réalisé, il est intitulé OttO, le prénom de cet Aborigène australien (Otto Jungarrayi Sims) qui a guidé Grasso et son équipe sur différents sites sacrés de Yuendumu, dans le nord de l’Australie. Mais Otto est aussi le deuxième prénom d’un physicien allemand, Winfried Otto Schumann (1888-1974), qui dans les années 1950 a révélé l’existence de fréquences électromagnétiques à la surface de la Terre, logiquement baptisées les « résonances de Schuman ». Ce qui tombe bien puisque le sujet de ce film splendide et hypnotique, qui montre des paysages filmés d’un point de vue aérien à l’aide d’un drone et à hauteur d’homme avec des caméras thermiques – images incandescentes rouge et jaune orangé –, est précisément l’évocation des forces de la Terre (émanations, rayonnements, vibrations…). On y retrouve l’écriture de Grasso caractérisée par les déplacements très lents de la caméra, les cadrages serrés comme dans Élysée, son précédent film qui passait littéralement au scanner le bureau présidentiel de François Hollande.

Optique et surveillance

Plus loin, Otto Jungarrayi Sims, juste entrevu dans le film, réapparaît au centre d’un tableau, avec sa silhouette peinte sur feuille d’argent, telle une figure spectrale. Dans le jardin, sur l’une des faces d’un bloc de marbre rouge qui rappelle la terre australienne, est sculpté un œil. L’œuvre est intitulée Panoptes, du nom de ce berger aux cent yeux et en référence aux phénomènes optiques, à l’omniscience, à la surveillance foucaldienne, au visible et à l’invisible récurrents dans le travail. Ces trois œuvres (sur les 18 proposées ici, de 25 000 à 80 000 euros) rappellent à quel point les expositions de Grasso sont pensées et très construites.

La suite du parcours le confirme, avec une sculpture murale composée de sphères en verre (voir ill.), qui font écho à celles présentes dans le film ; avec Strader Apparat, sculpture en cuivre et prototype de la machine de Rudolf Steiner (fondateur de l’anthroposophie) ; avec Ether, sorte d’alambic en tubes et boules de verre. Autant d’œuvres d’une belle perfection technique, qui se répondent, jouent sur les principes de l’oscillation entre deux états, sur le passage entre la chimie et l’alchimie, la science et la poésie, la réalité et la fiction pour engendrer des incertitudes, des tensions, des suspensions, des moments d’utopie.

Laurent Grasso, OttO,
jusqu’au 6 octobre, galerie Perrotin, 76, rue de Turenne, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°507 du 21 septembre 2018, avec le titre suivant : Laurent Grasso, le temps du rêve

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