Galerie

Jean-Pierre Pincemin, la construction dans la couleur

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 23 octobre 2020 - 467 mots

PARIS

La Galerie Dutko met en lumière les talents de ce subtil coloriste. L’ancien membre de Supports/Surfaces n’en oubliait pas le travail sur la toile même.

Paris. Jean-Pierre Pincemin (1944-2005) aimait travailler en séries. Pour la deuxième exposition qu’elle lui consacre après celle de 2011 (!), la Galerie Dutko en montre une petite dizaine et rappelle la diversité qui caractérise la démarche de l’artiste. L’ensemble souligne très bien le point qui, tel un fil rouge, est commun à toutes ces œuvres : les formidables qualités de coloriste de Pincemin. Cela saute aux yeux pour ses tableaux, sans doute les plus connus, définis par trois larges bandes, tantôt verticales, tantôt horizontales, avec un travail sensuel sur la vibration quasi épidermique de verts et d’ocres.

Dans Sans titre (Carrés Collés), c’est encore une subtile approche de la couleur – des carrés bleutés sur fond sombre – qui frappe d’abord avant de révéler dans un second temps la méthode de travail constitutive des œuvres de Pincemin à cette époque-là. Datée de 1973, l’œuvre est le résultat d’une technique qui, entre Simon Hantaï et Claude Viallat (Pincemin fera d’ailleurs un passage au début des années 1970 au sein du groupe Supports/Surfaces), voit l’artiste réaliser ses « Carrés Collés », soit des carrés de toiles découpés et trempés dans différents bains de couleur avant d’être collés dans une composition orchestrée et rythmée en damiers.

C’est enfin toujours la couleur qui prédomine dans les toiles figuratives de Pincemin, comme dans ce Sans titre de 1996 qui évoque une chasse à courre, avec chiens, cheval et cavalier. Il faut s’approcher de la toile, perdre de vue le sujet, lequel de toute façon ne semble être qu’un prétexte, pour se rendre compte, une fois encore, de la richesse chromatique de la touche, nerveuse ici, à l’opposé de la plénitude des grands aplats abstraits. Mais chez Pincemin, la matière et la composition, en tant que supports et vecteurs des couleurs, sont également primordiales, la composition étant toujours justifiée par un détail que l’on ne repère pas immédiatement, mais qui donne toute son architecture à la construction. Ici un léger décalage dans l’un des carrés orange d’un damier, là des bordures à peine suggérées, dans un jeu qui dessine une sorte de cadre peint au tableau, tout en subtilité.

Entre 45 000 et un peu plus de 200 000 euros – pour le grand et rare Carrés Collés (et entre 5 000 et 10 000 euros pour les papiers) –, les prix ont monté depuis deux ans (l’année 2019 a donné lieu, aux enchères, à un record de volume de ventes), mais ils restent très raisonnables pour un artiste de cette importance. Ils s’expliquent par le fait que Pincemin n’a jamais eu de grande exposition dans un musée parisien, et ne bénéficie pas (encore) de la reconnaissance qu’il devrait avoir.

Jean-Pierre Pincemin, Jubilation,
jusqu’au 31 octobre, Galerie Dutko, 4, rue de Bretonvilliers, 75004 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°553 du 16 octobre 2020, avec le titre suivant : Jean-Pierre Pincemin, la construction dans la couleur

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