Guy Pieters, galeriste en Belgique, à Saint-Paul de Vence et à Paris

« Je suis un guerrier pour la promotion de mes artistes »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 16 mars 2010 - 798 mots

Après la Belgique et Saint-Paul de Vence, Guy Pieters inaugure avec beaucoup d’ambition une galerie à Paris.

Vous dirigez déjà deux galeries en Belgique et une à Saint-Paul de Vence (Alpes-Maritimes). Pourquoi ouvrir à Paris (2, avenue Matignon, dans le 8e) ?
Depuis trois ou quatre ans, l’image de Paris a totalement changé et la capitale commence à être en vogue. Deux des plus grands collectionneurs au monde sont français.
La France représente 35 % de mon marché. Dans une capitale comme Paris, les rendez-vous avec les directeurs de musées ou les curateurs sont plus évidents qu’à Saint-Paul de Vence, qui est plus orientée vers les collectionneurs privés. Ma femme, Linda, et moi avions aussi besoin d’un nouveau challenge. En nous installant à Paris, nous allons gérer directement la galerie et nous y serons présents trois jours par semaine.

Allez-vous conserver votre espace à Saint-Paul ?
J’ai quatre lieux différents, mais c’est un seul groupe. Il n’y a pas de compétition entre les galeries. Saint-Paul représente 25 % de mon chiffre d’affaires. La galerie parisienne sera d’ici deux ans probablement plus importante que Saint-Paul, mais je n’essaye jamais d’effacer les traces de mon parcours. Saint-Paul, c’est magique.
La Fondation Maeght accueille environ 250 000 visiteurs par an. Si seulement 10 % d’entre eux viennent chez moi, cela fait sept collectionneurs potentiels par jour. On n’a pas ça à Paris. Et il est plus facile d’être à Saint-Paul, où il n’y a pas de compétition, qu’à Paris.

Quel sera votre programme parisien ?
Après Jan Fabre [jusqu’au 2 mai], je montrerai le travail récent de Robert Combas et, en juillet-août, une exposition « Son et lumière » avec Tony Oursler, Tracey Emin, Nam June Paik et Tinguely. Après l’été, je présenterai les œuvres de grande taille de Sam Francis et, pendant la FIAC, les œuvres des années 1980 de Wim Delvoye. Je ferai aussi Ai Weiwei. Par ailleurs, dans un espace que je nomme « cabinet d’artiste », je présenterai quarante œuvres de Marcel Duchamp lors du vernissage d’Art Paris.
À chaque grand événement parisien, comme le vernissage de la Biennale des antiquaires, de la FIAC, ou une vente de Christie’s, je ferai un cabinet d’artiste. À Paris, je dois avoir une ligne de conduite plus sélective, sinon je vais me faire assassiner. Avant j’étais protégé par mes villages et je pouvais faire ce que je voulais. Ici je serai dans l’œil du cyclone, de la presse, du marché.

Vous avez une liste d’artistes aussi longue qu’éclectique. Comment peut-on concilier Combas et Piero Manzoni ?
Il n’y a que huit artistes comme Robert Indiana et Niki de Saint Phalle que je défende. Je suis fidèle, la qualité d’un travail évolue en bien ou en mal, mais j’ai toujours montré ce que mes artistes faisaient au moment même. Je ne sors les trésors de leur passé que lorsqu’un musée ou un collectionneur me le demandent. Je suis éclectique, mais l’art est ainsi aujourd’hui. Quel est l’« -isme » ? Qui est le chef de file ? Qui a raison ? Je ne nie pas mon passé, il existe avec le positif et le négatif.

Vous êtes réputé très bon vendeur. Quelles sont vos méthodes ?
Je n’ai pas de méthodes, je ne suis pas snob et je suis très accueillant. J’emmène aussi mes collectionneurs en voyage. Lorsque Christo et Jeanne-Claude ont fait l’opération à Central Park [The Gates, New York, 2005], j’ai invité 800 collectionneurs là-bas tous frais payés. Je leur suis fidèle et ils me sont fidèles. Je compte, dans mon fichier, 1 018 acheteurs actifs, et 80 % d’entre eux ont acquis 80 % de leur collection chez moi. Je suis bon vendeur, mais je ne suis pas que ça, je connais l’histoire de l’art par cœur. J’édite des livres pour mes artistes, je leur organise des expositions muséales.
Il n’y a pas de honte à être un bon commerçant. J’ai vingt personnes qui travaillent pour moi et on a fait un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros en 2009.

À Paris, vous venez avec des artistes qui sont déjà dans d’autres galeries parisiennes. Représentez-vous une menace pour vos confrères ?
Je ne viens pas dans l’idée d’être en compétition, mais c’est un fait. Je suis un guerrier pour la promotion de mes artistes. Ça va réveiller la scène. Il faudra se réveiller plus tôt et être plus actif. C’est une concurrence positive. Je suis content d’avoir Gagosian en face de moi. D’autres galeries comme PaceWildenstein et Thomas cherchent des espaces pour s’installer dans le quartier. Dans trois ans, l’avenue Matignon sera le premier quartier de Paris, et la France sera la première place européenne pour l’art contemporain devant Londres.

Galerie Guy Pieters, 2, av. Matignon, 75008 Paris, tél. 01 42 89 26 83. Exposition « Jan Fabre » jusqu’au 2 mai.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°321 du 19 mars 2010, avec le titre suivant : Guy Pieters, galeriste en Belgique, à Saint-Paul de Vence et à Paris

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