Trois questions à

Florence de Botton

« Il faut compter sur les acheteurs européens »

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 29 avril 2005 - 729 mots

Directrice internationale du département d’Art d’après-guerre et contemporain de Christie’s et vice-présidente du conseil de surveillance de Christie’s France.

Comment se porte le marché de l’art contemporain ?
Depuis quelques années, le marché international de l’art contemporain confirme sa prééminence. Les foires et les salons se multiplient (Art Basel, la FIAC, Miami, Frieze…) et voient leur notoriété grandir, accueillant un public de plus en plus nombreux et amateur. Si les Américains étaient majoritaires sur ce marché, on voit apparaître des acheteurs européens avec qui il faut compter aujourd’hui. Ces collectionneurs qui ont choisi l’art contemporain comme un investissement sont de plus en plus conseillés par les acteurs du marché comme les institutions, les galeristes ou encore les spécialistes des maisons de ventes aux enchères, mais leur curiosité insatiable les rend également très connaisseurs. Ainsi, on voit des prix records s’établir lors des grandes ventes aux enchères et les cotes des artistes s’envoler, seulement sur des œuvres de grande qualité car ce marché est de plus en plus sélectif. C’est le dynamisme de la demande qui entraîne de telles batailles d’enchères. À Londres, en février 2005, huit records ont été établis chez Christie’s, aussi bien pour les artistes déjà reconnus, tels Lucian Freud (Red Haired Man on a Chair, vendu 4,152 millions de livres, soit 6 millions d’euros) ou Marlene Dumas (The Teacher, vendu 1,8 million de livres, soit 2,6 millions d’euros), que pour des œuvres de jeunes artistes, comme Ugo Rondinone ou Ghada Amer pour Pink, vendu 62 400 livres (90 500 euros). Le marché français de l’art contemporain en vente publique est encore plus sélectif et l’intérêt plus marqué pour des œuvres d’après-guerre françaises ou européennes, comme l’illustrent les résultats de la vente du 14 avril (lire page 23). Néanmoins, grâce aux galeries et aux foires, les jeunes artistes français commencent également à intéresser la scène internationale.

Quelles sont vos dernières émotions artistiques ?
Mon dernier coup de cœur a été l’exposition à la galerie Kreo des œuvres du designer Martin Szekely, qui, à travers des étagères, ses dernières créations, réussit à faire disparaître l’usage premier de l’objet au profit de l’esthétique par un travail étonnant de perspective, de matière et de graphisme. L’objet disparaît au profit de l’œuvre d’art… Dans un tout autre domaine, la réalisation par Bill Viola des décors pour l’opéra de Wagner Tristan et Isolde qui se joue actuellement à l’opéra Bastille m’a fascinée. Cette œuvre le consacre à mes yeux comme l’un des plus grands artistes du XXIe siècle. Concernant mes derniers achats coup de cœur, j’ai récemment acquis une œuvre de l’artiste sud-africain Kendell Geers, qui participe actuellement à l’exposition de groupe « Dionysiac » à Beaubourg et dont j’avais découvert le travail il y a quatre ans à la galerie Continua de San Gimignano. J’ai également beaucoup aimé le travail de Dr Lakra, artiste mexicain qui tatoue des couvertures de magazines des années 1930, dont j’ai pour la première fois apprécié l’œuvre à la Foire de Bâle 2004.

Quelle est votre actualité ?
Nous allons disperser le 5 juillet la collection personnelle du galeriste Patrice Trigano, après une exposition de trois jours in situ dans sa maison de Louveciennes (Yvelines) dessinée par Jacques Coüelle, un architecte aux créations insolites.
Estimée plus de 3 millions d’euros, sa collection, qui se compose pour la plus grande partie d’art du XXe siècle, mais aussi de quelques objets de la préhistoire, de manuscrits, de tableaux du XIXe siècle, d’art primitif et d’art décoratif, suit une mise en scène thématique : les œuvres surréalistes sont regroupées dans une pièce ; sur les murs d’une autre sont exposées six vanités du XVIIe au XXe siècle ; une troisième pièce s’apparente à un cabinet de curiosité… L’éclectisme de cette collection ressemble au personnage qu’est Patrice Trigano, un homme curieux, attiré par des mouvements artistiques où conversent le corps et l’esprit. En ce qui concerne mon activité au sein de Christie’s sur les ventes internationales, ces premiers quatre mois ont été plus que vivants. Dans un marché en plein essor, très compétitif, où l’on se doit d’être rigoureux, prudent et sélectif, je voyage beaucoup à travers l’Europe, à la recherche de pièces exceptionnelles, à l’exemple de Tête et main de femme, un tableau de Picasso de 1921 pour lequel j’ai eu un vrai choc émotionnel, et qui sera offert aux enchères le 4 mai prochain chez Christie’s à New York.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°214 du 29 avril 2005, avec le titre suivant : Florence de Botton

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