Entretien

Edmond Francey, galerie Baronian-Francey, Bruxelles

« Les collectionneurs belges sont très pointus »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 2 août 2007 - 727 mots

Vous vous êtes associé en 2002 au galeriste bruxellois Albert Baronian. Comment vous répartissez-vous les rôles au sein de la galerie ?
C’est une association atypique, puisque nous avons vingt-trois ans d’écart d’âge. J’apporte ma mobilité, une énergie (j’espère), et Albert, son expérience et une profonde connaissance de la situation belge et française. Nous faisons tous les choix ensemble, d’autant plus que nous avons en commun un certain éclectisme. Albert est très jeune d’esprit, intellectuellement disponible par rapport à la jeune création. Il n’est pas accroché à son passé. Lorsque nous nous sommes associés, nous avons tout de suite changé d’espace. En cinq ans, nous avons pris entre huit et dix nouveaux artistes, ainsi Thomas Zipp ou Charles Sandison.

Votre expérience londonienne chez Waddington et Helly Nahmad s’est effectuée davantage dans le moderne. Comment le passage au contemporain se fait-il ?
Dans l’art moderne, il y a une relation à l’œuvre. Ce que j’aime dans l’art contemporain, c’est le rapport à un univers, un artiste, des projets.

Quel est l’intérêt de posséder une galerie en Belgique ?
La Belgique apporte un socle de collectionneurs très pointus. Il y a une vraie façon de collectionner « made in Belgium », une curiosité, une connaissance des différentes scènes, une façon de ne pas se prendre au sérieux, une sympathie et une bonhomie. À l’étranger – où ils achètent aussi énormément –, les collectionneurs belges constituent un vrai label. C’est l’une des raisons qui incitent les artistes à accepter des expositions en Belgique. Les collectionneurs compensent le faible nombre de musées locaux.

L’arrivée massive des expatriés fiscaux français a-t-elle eu une influence sur l’activité de votre galerie ?
Les Français de Belgique sont très bien acceptés, car ils apportent du sang neuf, de l’argent et font tourner l’économie. Cela nous a amenés de nouveaux clients qui, en s’installant dans une nouvelle maison, ont forcément envie d’avoir des choses au mur.

Comment expliquez-vous le faible nombre de galeries en Belgique par rapport au socle de collectionneurs ?
À Bruxelles, nous sommes davantage dans le qualitatif que dans le quantitatif. Les galeries sont peu nombreuses, mais font un travail de qualité. Il faut remettre cela dans le contexte d’une ville d’un million d’habitants. Aujourd’hui, on recherche des fonctionnements « à la Chelsea » avec une accumulation de galeries. Mais ce qu’on voit à Chelsea, ce n’est pas nécessairement extraordinaire. Bien sûr, il serait bon d’être plus nombreux et nous accueillons avec joie Almine Rech. Une vie artistique intense amène un passage plus soutenu de la part des curateurs et collectionneurs étrangers.

Pour toucher ce public qui ne transite pas toujours par Bruxelles, ne formez-vous pas des projets à Berlin ?
Nous réfléchissons avec nos confrères Rodolphe et Sébastien Janssen à y ouvrir ensemble un espace pour disposer de plus de visibilité. Beaucoup de nos artistes rêvent du pouvoir d’attraction de Berlin. Mais cela n’en est encore qu’au stade de projet. Notre socle reste Bruxelles. Il ne s’agit pas de lâcher la proie pour l’ombre, mais de chercher un surplus d’identité sans perdre son âme. Une galerie est toujours faite de questionnements, de doutes. Cela suppose d’être en mouvement, intellectuellement, géographiquement, physiquement.

Certains de vos jeunes artistes, comme Thomas Zipp ou Florian Maier-Aichen, ont vu leurs prix flamber. Comment réagissez-vous à ce phénomène ?
Il y a d’une part l’art, d’autre part le marché. Et l’art est la première chose sur laquelle nous travaillons. Il ne s’agit pas de déplorer les accélérations de prix, c’est une réalité. Zipp vaut trois fois plus cher aujourd’hui qu’il y a trois ans, mais son travail est superbe.

Les collectionneurs ne finissent-ils pas être dégoûtés des artistes quand leurs prix s’emballent de manière déraisonnable ?
Un artiste n’est pas mauvais parce qu’il est cher, ni d’ailleurs bon parce qu’il est cher. Il faut essayer de déconnecter les choses. Même dans les périodes d’accélération, les gens font des choix. S’ils choisissent Zipp parmi des milliers d’autres artistes, ce n’est pas par hasard. Les prix sont liés au désir. Pour l’art actuel, on paye le petit « plus » de l’excitation, de la contemporanéité. Mais je reconnais que nous avons toujours des doutes lorsque nous sommes dans la phase prospective. Surtout quand le rapport à l’argent est aussi présent qu’aujourd’hui. Cependant, une fois que nous avons choisi les artistes avec lesquels nous souhaitons travailler, nous restons sur nos positions.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°257 du 13 avril 2007, avec le titre suivant : Edmond Francey, galerie Baronian-Francey, Bruxelles

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