Galerie

Daniel Templon, galeriste : « Aimer ses artistes plus que soi-même »

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 23 septembre 2025 - 961 mots

Référence en matière d’art contemporain, la galerie Templon fête ses 60 ans, en 2026. Son directeur évoque son travail de galeriste et les artistes qu’il a choisi de représenter.

Quels événements spécifiques vont jalonner cette année anniversaire ?

Une galerie qui atteint 60 ans, c’est un peu comme un artiste qui franchit un cap : il faut célébrer mais sans se figer. Nous allons marquer le coup avec une programmation qui retracera nos fidélités et nos audaces, mais qui sera surtout tournée vers l’avenir, avec quelques nouveaux artistes, des surprises, et une publication anniversaire pour retracer ce parcours. Je souhaite regarder vers demain.

Comment se porte le marché de l’art et comment va-t-il évoluer selon vous ?

Dans ce contexte international troublé, le marché de l’art tremble, mais il résiste. J’ai vécu de nombreuses crises, depuis le choc pétrolier de 1974, notamment celle de 1991. Ces moments de ralentissement permettent aux plus passionnés et aux plus compétents de se révéler. Dans les périodes de doute, on achète moins par calcul que par conviction et c’est ce que je constate aujourd’hui. Le marché est plus mondialisé, il se réinvente, notamment en Chine, en Afrique de l’Ouest, dans le Golfe… Il se restructure.

Quelle est votre plus grande réussite en tant que galeriste ?

Chaque fois qu’un collectionneur m’avoue « Je ne connaissais pas cet artiste et, maintenant, je ne peux plus vivre sans », je me dis que j’ai bien fait mon travail.La galerie a montré de nombreux artistes étrangers, et notamment américains. Pensez-vous cependant que le rôle d’un galeriste soit aussi de défendre les artistes de la scène nationale ? J’ai été l’un des premiers à exposer, dès 1972, les artistes américains, abstraits, minimalistes, pop ou conceptuels, parce que la scène new-yorkaise me fascinait et que ces artistes étaient encore peu connus en Europe. Grâce notamment à mon amitié avec Leo Castelli, j’ai rencontré et exposé les plus grands : Carl Andre, Jean-Michel Basquiat, Donald Judd, Ellsworth Kelly, Willem de Kooning, Roy Lichtenstein, Robert Rauschenberg, Richard Serra, Frank Stella, Andy Warhol… En ce qui concerne les artistes français, cela a toujours été une priorité, mais sans chauvinisme. Je défends des peintres comme Jean-Michel Alberola, Philippe Cognée, François Rouan ou Claude Viallat depuis des décennies. Chaque pays, chaque culture, porte une vision spécifique et si l’on ne met pas en avant les spécificités de nos artistes, on prend le risque que leur voix soit engloutie dans le vacarme global.

Si vous deviez prodiguer un conseil aujourd’hui à un ou une jeune artiste, quel serait-il ?

Ne cherchez pas à plaire ; cherchez à être nécessaire ! L’art n’est pas un « like », mais une obsession. Le marché, les modes, les réseaux sociaux : tout cela est passager. Ce qui demeure, c’est la force d’une œuvre, sa sincérité, sa radicalité, sa cohérence. N’oubliez pas que c’est votre vie que vous racontez. Et sachez que votre travail ne s’arrête pas à la porte de votre atelier. La communication personnelle, sous toutes ses formes, même si elle est souvent fastidieuse, est indispensable. La galerie à elle seule ne peut pas tout faire.

Et à un ou une jeune galeriste ?

Ce serait d’aimer ses artistes plus que soi-même. Le cœur du métier, c’est une conversation avec une œuvre en train de se construire, avec ses créateurs. L’investissement doit être total. Si on n’est pas prêt à risquer son temps, son argent, et souvent sa vie personnelle pour défendre « ses » artistes alors il vaut mieux choisir une autre voie.

Jubilation

« Une aptitude immédiate à la jubilation des événements et des situations, accompagnée d’un intérêt singulier pour la musique et la peinture, ce qui revient au même. » Jean-Michel Alberola


Un mythe vivant

« J’ai commencé à travailler avec la galerie Templon en 2002-2003, cela fait donc vingt-trois ans aujourd’hui. Ce que j’ai toujours apprécié, c’est la forte implication et la confiance de Daniel Templon sur mon œuvre. La galerie m’a toujours soutenu avec vigueur et j’ai pu mener mon travail comme je le désirais. Daniel Templon est un mythe vivant, une personne incontournable dans l’histoire de l’art de ces 60 dernières années dans notre pays. J’apprécie beaucoup de pouvoir mener mon œuvre avec toute ma liberté dans cette galerie mythique. » Philippe Cognée


Un défenseur

« Un défenseur, quelqu’un qui soutient ses artistes et leurs sujets, propos, et permet de réinventer des pratiques artistiques et de valoriser la création à des endroits parfois plus difficiles pour des artistes à porter. Cela a été en tout cas le cas pour moi. Daniel a découvert mon travail à la Villa Médicis, dans laquelle j’étais entrée en tant que « métier d’art » alors qu’en fait j’avais une pratique de sculpture et je ne m’en rendais pas forcément totalement compte. Daniel a défendu cette facette de mon travail et m’a permis de comprendre que mon champ de création était celui de la sculpture. Il défend ces façons de pouvoir diffuser et réinventer des espaces de création. » Jeanne Vicérial


Une force de persuasion

« La qualité principale de Daniel est sa force de persuasion. La qualité la plus importante pour un marchand est de ne pas lâcher prise quand il sent qu’un collectionneur est intéressé par une œuvre, il réussira toujours à le convaincre. » Gérard Garouste


Insubmersible

« Fluctuat nec mergitur. Comme dans le blason de Paris, Daniel Templon, comme un galet breton, est roulé par les vagues nouvelles, les déferlantes des mille péripéties de l’art contemporain, mais il ne sombre pas. » François Rouan

Né en 1945, Daniel Templon ouvre sa première galerie rue Bonaparte (6e arr.) en 1966. En 1972, il lance le magazine « Art Press » et déménage la galerie rue Beaubourg (3e arr.). Il ouvre un espace à Bruxelles en 2013 et un autre, en 2018, rue du Grenier-Saint-Lazare (3e arr.). En 2022, direction New York pour établir un espace dirigé son fils Mathieu.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°789 du 1 octobre 2025, avec le titre suivant : Daniel Templon, galeriste : « Aimer ses artistes plus que soi-même »

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