Art contemporain - Ventes aux enchères

Couples d’artistes, le marché apprécie

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 1 mai 2006 - 806 mots

Qu’ils travaillent seuls ou en duo, les artistes en couple soulèvent les passions du marché. Entre alchimie et compétition, les différents parcours se suivent… sans se ressembler.

L’activité de création se conjugue généralement à la première personne. Certains choisissent pourtant de travailler à deux, dans une osmose parfaite. C’est le cas par exemple des Français Pierre et Gilles. Leurs œuvres obéissent toujours au même protocole : ils conçoivent le décor et l’éclairage de leurs saynètes. Pierre photographie la scène tandis que Gilles retouche le tirage unique par couches successives de glacis. Leur travail a depuis longtemps franchi les frontières hexagonales. Leur Madone au cœur blessé s’est ainsi adjugé 161 000 euros chez Phillips en novembre 2003.

Une même complicité imprègne le travail de Jeanne Claude et Christo, connus pour leur empaquetage du Pont Neuf ou les bannières orange dressées en 2005 dans Central Park à New York. Le couple conçoit le projet à deux. Christo réalise alors des dessins et maquettes préparatoires que le duo vend directement aux collectionneurs, musées et galeristes. Comme l’indique leur site Internet, les prix des œuvres de Christo variaient en 1958 entre 33 et 82 euros. La notoriété aidant, ils ont fortement progressé. Sur la Foire de Maastricht en mars dernier, la galerie Annely Juda affichait une étude pour Central Park pour 168 000 euros !

À côté de ces artistes qui ne conçoivent leur travail qu’à quatre mains, d’autres couples œuvrent « en solo ». Malgré les jeux d’influences et de mimétisme, le marché a souvent donné raison à l’homme au détriment de la femme. Pour s’être intéressée aux arts appliqués, Sonia Delaunay a longtemps pâti d’une cote en sourdine. Une réévaluation est toutefois en cours. En 2002, le Marché au Minho (1915) atteint le prix mirifique de 4,1 millions euros chez Calmels-Cohen. Une enchère qui talonne de près une œuvre de son mari Robert Delaunay, Les fenêtres simultanées, adjugée plus de 4,6 millions euros chez Sotheby’s en 2000. Cette pente ascensionnelle s’est confirmée en février dernier chez Sotheby’s avec l’adjudication de 786 500 euros pour un Rythme coloré pourtant tardif de Sonia Delaunay.

Frida Kahlo et Diego Rivera

Une même remise à niveau accompagne la cote de la Mexicaine Frida Kahlo. De 20 500 euros dans les années 1970, ses prix se sont hissés à 410 000 euros, puis au record de 4 millions d’euros pour un autoportrait en 2000 chez Sotheby’s.

Figure majeure du mouvement muraliste, son mari Diego Rivera avait lui joui d’un intérêt constant. Si les toiles de ce dernier dépassent parfois les 1,5 à 2,5 millions d’euros, on croise le plus souvent des œuvres sur papier, entre 20 500 et 82 000 d’euros. « Quand j’ai commencé comme expert voilà vingt ans, Rivera était au premier plan, rappelle le spécialiste de Sotheby’s Andrew Strauss. Frida est devenue un personnage à la mode beaucoup plus tard. » Tellement à la mode que la chanteuse Madonna est l’une de ses principales collectionneuses !

Dans un marché très machiste, le couple formé par Vieira da Silva et Arpad Szenes joue les exceptions. À la verticalité des compositions de Viera da Silva répond l’horizontalité des paysages mentaux de Szenes. « C’était un couple très uni, rappelle Véronique Jaeger de la galerie Jeanne Bucher. Après la tentative de suicide de sa femme, il a préféré se mettre en retrait. On commence tout juste à le redécouvrir. » Lors de la dernière exposition de Szenes à la galerie Jeanne Bucher, certaines toiles valaient autour de 80 000 euros et les œuvres sur papier près de 6 000 euros.

De même, Joan Mitchell et Jean-Paul Riopelle se sont singularisés dans le registre commun de l’abstraction lyrique. La plupart des œuvres de Joan Mitchell se négocient entre 245 000 et 410 000 euros avec des pics allant parfois jusqu’à 1,6 millions d’euros. « Sa production est moins importante que celle de Riopelle et la qualité de son travail est assez constante », observe Julie Ceccaldi, spécialiste de Tajan. « Les prix de Riopelle sont légèrement inférieurs, sans doute parce qu’il a eu le malheur d’être canadien alors que Mitchell est américaine », ironise Grégoire Billault, de Sotheby’s. Au machisme des uns répond le chauvinisme des autres !

Repères

Pierre et Gilles
Leur travail est à la fois commun pour les décors et les mises en scène, et soigneusement réparti entre Pierre pour la prise de vue et Gilles pour la retouche les couleurs.

Robert et Sonia Delaunay
Tous deux ont développé des recherches sur les rythmes colorés et la dynamique des enchaînements. Une réévaluation des prix de Sonia Delaunay est en cours

Hans Arp et Sophie Taeuber
Le couple a participé au mouvement Dada pour s’éloigner peu à peu vers l’art concret. De 1926 à 1928, ils réalisent en trio avec Theo Van Doesberg la décoration de l’Aubette, complexe de loisirs à Strasbourg.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°580 du 1 mai 2006, avec le titre suivant : Couples d’artistes

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