Chacun défend son pré carré

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 21 janvier 2011 - 504 mots

La possibilité qui sera offerte aux sociétés de ventes volontaires françaises de pratiquer des ventes de gré à gré ne fait pas l’affaire des marchands, lesquels voient leur territoire de plus en plus rogné par les auctioneer.

Pourtant, alors que la crise avait favorisé un boom des transactions privées, le rapide rebond des ventes publiques en a réduit l’importance. Si les ventes privées avaient représenté 17 % de l’activité de Sotheby’s en 2009, le chiffre est retombé à 9 % l’an dernier. « Dans un marché de plus en plus global, le marketing est important. Si vous ne pouvez pas prévoir quel sera l’acheteur d’un lot, il faut s’adresser au monde entier », explique Bruno Vinciguerra, vice-président de Sotheby’s. Outre la possibilité de toucher un public plus large, les ventes publiques parviennent aussi à changer la nature souvent hésitante des collectionneurs. « Quand ils ne sont pas sous le fouet ou le marteau de l’auctioneer, où ils sont obligés de se décider tout de suite, les collectionneurs négocient, tergiversent ou annulent leurs achats. Ils traitent les marchands d’une façon qui serait interdite et impardonnable dans leur propre métier. Mais nous ne pouvons rien faire, car aucun marchand ne veut avoir la réputation d’être procédurier et, en plus, un procès coûte cher. Les maisons de ventes, elles, pourraient aller vite au tribunal », indique le marchand londonien Richard Nagy. Malgré ses griefs compréhensibles envers les auctioneers, le marchand présentera en mai, lors de son exposition sur Egon Schiele, un dessin majeur acheté chez Christie’s… On le sait, les galeries comptent parmi les meilleurs vendeurs et acheteurs des salles de ventes. 

Main dans la main le temps d’une vente
À la demande de Claude Ruthault, la galerie Emmanuel Perrotin et Christie’s ont dû jouer main dans la main le 8 janvier, lors du vernissage de l’artiste chez son nouveau marchand (lire p. 15). Le propos ? Réactiver une Définition/méthode de 1988 intitulée Sous le numéro 189 nous vendons, et estimée 20 000 à 30 000 euros. Le protocole voulait qu’une pile de quarante toiles blanches appuyées contre un mur soit proposée à l’encan. À chaque enchère, une toile était retirée de la pile. La vacation menée par le commissaire-priseur François de Ricqlès a stagné à 16 500 euros, un chiffre auquel il faut ajouter les 25 % de frais de Christie’s, soit un total de 20 625 euros. Ce prix reste dans la moyenne basse des tarifs exigés pour d’autres œuvres de l’exposition… L’œuvre fut achetée par le collectionneur Robert Bordegroult, visiblement bien connu de Christie’s mais pas de Perrotin. Le carnet d’adresses d’une machine de guerre comme Christie’s et d’une galerie, aussi puissante soit-elle, n’est pas le même. Mais la conclusion à tirer de cette histoire est toute autre. Elle se trouve dans le prix désespérément bas obtenu par cette œuvre historique d’un artiste français majeur. Un prix qui reflète les faiblesses de notre marché. Si galeries et antiquaires français protègent farouchement leur pré carré, c’est que le fromage hexagonal est bien plus maigre qu’ailleurs.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°339 du 21 janvier 2011, avec le titre suivant : Chacun défend son pré carré

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