Galerie

Cécile Fakhoury : « Mon ambition, offrir la meilleure visibilité possible aux artistes africains »

Par Anne-Cécile Sanchez · L'ŒIL

Le 26 octobre 2021 - 758 mots

PARIS

Elle a créé sa première galerie à Abidjan avant d’ouvrir à Dakar. Cécile Fakhoury dispose depuis le mois d’octobre d’une troisième adresse, à Paris cette fois, avenue Matignon.

Pouvez-vous résumer votre parcours et évoquer ce qui vous a donné envie d’ouvrir une galerie spécialisée dans les artistes africains contemporains ?

J’ai une formation en commerce, en art contemporain et en histoire de l’art. J’ai travaillé dans différentes galeries et maisons de ventes en France et aux États-Unis, avant de m’installer à Abidjan en 2011. C’est une ville en plein essor, il y a beaucoup à entreprendre, tant dans la culture que sur de nouveaux marchés. Mes rencontres avec les artistes et l’énergie de la ville m’ont poussée à développer ce projet de galerie en 2012.

Comment se sont passées les premières années d’activité ? Quelles ont été les difficultés ?

À mon arrivée à Abidjan, j’ai découvert un paysage culturel dynamique et important, mais aussi très éprouvé par les récentes crises politiques ivoiriennes. Il y avait beaucoup d’artistes jeunes et talentueux, mais pas suffisamment de relais pour les soutenir et diffuser leur travail. Très vite, j’ai eu la conviction de l’importance d’être présente sur le continent africain pour contribuer au développement du marché de l’art contemporain et le faire rayonner à l’international. Les premières années, il m’a fallu construire une légitimité. Le deuxième défi a été de développer un réseau de collectionneurs locaux. Aujourd’hui, près de 40 % des œuvres vendues par la galerie restent sur le continent africain. C’était loin d’être le cas en 2012.

À partir de quel constat et avec quel objectif ouvrez-vous une galerie à Dakar en 2018 ?

Cela relevait de cette même volonté d’asseoir notre ancrage, notamment en Afrique de l’Ouest. Dakar a une histoire culturelle forte, avec de nombreuses structures où la théorie et la pensée sont les enjeux principaux, ce qui vient nourrir la scène artistique d’une manière formidable. L’objectif était d’aller au plus près de nos artistes, en partie installés au Sénégal, et de toucher de nouveaux publics de collectionneurs. J’avais constaté un déséquilibre dans mes ventes, dont une trop grande partie se faisait à l’étranger.

Qui sont les collectionneurs qui suivent les artistes de la galerie aujourd’hui ?

Nos collectionneurs viennent principalement d’Europe, d’Afrique, et plus récemment des États-Unis et d’Asie. Depuis le début, la galerie porte également une grande attention aux collections publiques, qui jouent un rôle majeur dans la reconnaissance et la diffusion du travail des artistes.

Pourquoi s’installer à Paris ?

Notre nouvel espace parisien nous offrira la possibilité d’approfondir et d’élargir ces collaborations avec les musées, les fondations… La galerie a toujours été connectée à une scène internationale grâce aux foires auxquelles nous participons, aux institutions et aux collectionneurs qui nous soutiennent. Deux ans et demi après l’ouverture de notre showroom à Paris, il nous a semblé évident que le moment était venu pour nous de nous implanter de manière plus définitive. Mon ambition est d’offrir la meilleure visibilité possible aux artistes. À Paris, nous présenterons ceux que je soutiens depuis dix ans et des artistes émergents. Nous développerons aussi un volet consacré à l’histoire de l’art moderne du continent africain.

Quelques mots sur l’exposition inaugurale ?

Intitulée « Un pied sur terre », elle sera axée autour de l’idée de la traversée et du voyage entre les mondes. Nous voulons avec cette exposition montrer qui nous sommes et d’où nous venons.

Si l’on ne peut plus parler de « marché émergent » à propos de l’art contemporain africain, ce marché n’a pas encore atteint la maturité. Quelle est votre analyse à ce sujet ?

Il est difficile de résumer ce sujet complexe. S’il est évident que le marché de l’art africain, tant moderne que contemporain, a besoin de structuration, cela concerne chaque niveau de l’écosystème culturel : les journalistes, les centres d’art, les fondations, les pouvoirs publics, les formations artistiques, les collectionneurs, les musées et les galeries. Globalement, après plus de dix années passées sur le continent africain, je dirais que cela va dans le bon sens. À Abidjan, par exemple, la scène ivoirienne se développe. À un niveau international, l’important est, selon moi, d’apprécier l’art contemporain africain en dehors d’un contexte lié à l’Afrique, pour ce qu’il est, c’est-à-dire un art profondément actuel, divers, qui refuse la stigmatisation géographique et nous pousse à reconsidérer notre lien au monde. En réalité, les marchés locaux et internationaux fonctionnent comme des vases communicants. Le local porte l’international, et inversement. Il est tout aussi important d’avoir un ancrage africain fort que d’avoir un poids sur le marché de l’art contemporain international.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°748 du 1 novembre 2021, avec le titre suivant : Cécile Fakhoury : Mon ambition, offrir la meilleure visibilité possible aux artistes africains

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