Foire & Salon

Brafa les raisons d’un succès

Par Aurélie Romanacce · L'ŒIL

Le 12 février 2018 - 1066 mots

BRUXELLES / BELGIQUE

Décidément, la réputation des Belges dans l’art de recevoir n’est plus à faire. Alors qu’il est souvent de bon ton d’arpenter une foire le visage fermé, la Brussels Art Fair parvient, elle, à réunir convivialité et qualité. Des ingrédients qui participent de son succès.

Où peut-on baguenauder entre un masque yaka de la République démocratique du Congo, une œuvre de Paul Rubens, une statue khmère, un dessin de l’artiste contemporain Jan Fabre, une commode du XVIIIe siècle et une planche de Tintin ? À la Brafa, bien sûr ! Éclectique mais de qualité, la foire réunit cette année 134 galeries de 16 pays étrangers, dont la France, l’Angleterre, l’Espagne, le Japon, les États-Unis ou la Suisse, et dresse un panorama de l’histoire de l’art de l’Antiquité à nos jours.

Sans avoir la prétention de rivaliser avec la Tefaf, à Maastricht, d’une envergure plus importante par son nombre d’exposants internationaux et par le prix des œuvres présentées (qui peuvent parfois atteindre plusieurs millions d’euros), la Brafa séduit par sa dimension à taille humaine. « La foire est très agréable, car elle est très soignée dans son atmosphère et dégage une impression de luxe et de raffinement, sans être ostentatoire. On ressent l’humilité et la modestie, qui sont deux profondes qualités », détaille Claire Leblanc, conservatrice du Musée d’Ixelles qui ne rate pas une seule édition de la foire.

Frites et caviar au vernissage 
Secteur Phare De La Brafa, le département de l’art premier africain reflète la qualité de pièces rares recherchées par des collectionneurs avisés ou des institutions. Guido Gryseels, directeur général du Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren en Belgique, l’un des plus grands musées d’Europe du genre, conserve de son côté un vif souvenir de sa participation comme invité d’honneur à la Brafa en 2014. « Pendant la rénovation du musée, nous avions présenté pendant la foire une sélection de nos collections ethnographiques, zoologiques et géologiques et placé une girafe naturalisée à l’entrée du stand. L’événement avait attiré plus de 25 000 visiteurs en une semaine ! », se réjouit-il. Un énorme coup de projecteur pour l’institution qui put bénéficier de contributions de la part du public qui découvrait le projet de rénovation à cette occasion.

Forte de son succès, la Brafa offre une vitrine incontournable aux galeries en attirant aujourd’hui 61 000 visiteurs contre 46 000 en 2012. Son secret ? « Nous sommes la seule foire au monde à servir du caviar et des frites le jour du vernissage », plaisante Harold t’Kint de Roodenbeke, président de la Brafa depuis 2012. Au-delà de l’humour, l’anecdote en dit long sur l’atmosphère de la foire que son président souhaite offrir tout au long de l’événement. Et gare aux galeristes qui n’en tiendraient pas compte ! « J’ai déjà exclu des marchands qui étaient grossiers avec des clients. L’important pour moi n’est pas uniquement de vendre, mais d’expliquer pourquoi une œuvre est intéressante. J’estime que le galeriste doit être un transmetteur d’émotion », renchérit-il.

À l’occasion de cette nouvelle édition de la Brafa, Harold t’Kint de Roodenbeke présente, outre une pièce rare de Sam Francis, les œuvres de Jacques Calonne. Cet artiste méconnu malgré son appartenance au mouvement CoBrA fut également un musicien et poète, ami d’Alechinsky. Compter 1 500 euros pour une œuvre de grand format, « un prix raisonnable pour un artiste dont la reconnaissance ne saurait tarder », selon le marchand d’art qui a annoncé avoir vendu la totalité des quarante-huit toiles lors d’une récente exposition. C’est justement cette perspective de recul qu’apprécie la conservatrice du Musée d’Ixelles Claire Leblanc, qui considère la Brafa comme « un bon baromètre pour observer le retour sur le devant de la scène d’artistes mésestimés, comme Vasarely, après des années de purgatoire, ou conforter la place d’artistes contemporains dans l’histoire de l’art comme Wim Delvoye ou Jan Fabre, désormais présentés par des galeries historiques. »

Les galeristes contemporains de plus en plus présents 
Signe de son succès grandissant, la Brafa attire désormais de plus en plus de marchands d’art contemporain à la recherche d’un nouveau public. L’entrée récente des galeries belges et flamandes Albert Baronian et Meessen De Clercq en est un exemple frappant. Le premier est ainsi ravi de constater à la suite de sa troisième participation que « les collectionneurs ne ratent jamais la Brafa, car la foire n’est jamais monotone ». Mieux, le marchand d’art reconnaît même que le salon lui a permis de renouer avec d’anciens collectionneurs qu’il ne voyait plus dans sa galerie. Afin de séduire ce public davantage familier d’art ancien, Albert Baronian n’hésite pas à « mixer des peintures modernes plus connues avec des œuvres récentes afin d’attirer les visiteurs dans le stand ». Le galeriste Olivier Meessen, de son côté, considère la Brafa comme un environnement propice pour mettre en avant « les racines historiques dont s’est toujours nourri l’art contemporain ». L’autre qualité que le marchand flamand prête à la foire s’incarne selon lui dans ce nouveau public qui, « contrairement aux foires d’art contemporain, est toujours plus calme et possède une capacité de regarder un objet inconnu avec respect et en lui consacrant plus de temps ».

Baudouin Michiels, le collectionneur d’art contemporain et fidèle de la Brafa au point d’être l’un de ses ambassadeurs lors de visites guidées, se réjouit ainsi de la qualité des œuvres qu’il découvre chaque année. « C’est une foire que je parcours toujours avec le même plaisir et un réel intérêt. J’y ai fait l’acquisition d’œuvres de grande qualité. Je citerai, dans le domaine de l’art contemporain, Yayoi Kusama, Enrico Castellani, Walter Leblanc, Pol Bury, Alighiero Boetti. J’apprécie le fait que l’origine de ces œuvres est toujours bien répertoriée et que, pour chacune d’elle, l’authenticité est garantie par un comité d’experts internationaux. »

Autre collectionneur davantage tourné vers l’art flamand, Jan Huyghebaert apprécie beaucoup les œuvres de James Ensor. « En ce qui concerne ses pièces les plus tardives, on en trouve à la Brafa à des prix plus réalistes qu’à la Tefaf de Maastricht », souligne cet ancien président de banque. Particulièrement attentif à l’atmosphère de la foire, Jan Huyghebaert apprécie que des marchands d’art aussi éminents qu’Axel Vervoordt, qui participe aux foires prestigieuses de New York ou de Maastricht, « accueillent avec beaucoup d’attention les acheteurs, mais aussi les jeunes amateurs ». Et même si, parmi le public, « les deux tiers des promeneurs visitent la Brafa comme un petit musée sans rien y acheter, ils apprécient le côté piquant de connaître les prix », poursuit-il. Pour mieux, qui sait, se laisser tenter une prochaine fois…

informations

« Brafa Art Fair »,

du 27 janvier au 4 février 2018. Tour & Taxis, avenue du Port 88, Bruxelles (Belgique), 11 h-19 h, 10 € - 25 €, www.brafa.art

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°709 du 1 février 2018, avec le titre suivant : Brafa les raisons d’un succès

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque