Barry Friedman : Un goût d’avance

Une interview du New-Yorkais Barry Friedman

Le Journal des Arts

Le 30 mars 2001 - 778 mots

Marchand à New York, Barry Friedman est spécialisé dans le mobilier Art déco et Art nouveau ainsi que dans la verrerie contemporaine et dans la photographie. En août 1999, il s’est associé au Parisien Bob Vallois (lire le JdA n° 87, 27 août 1999). Sa vente d’objets de verre signés Yoichi Ohira, organisée il y a un an, a conforté sa réussite. Il se lance désormais dans le mobilier suédois des années 1920.

New York (de notre correspondante) - Comptable à ses premières heures, Barry Friedman s’est orienté dans les années 1960 vers le marché de l’art : pour huit dollars, il faisait sien un vase de style Loetz. Peu après, il se lançait dans l’achat et la vente de pièces d’Art déco et d’Art nouveau puis s’intéressait à la photographie. En 1998, sa collection de photographies s’est envolée pour 13,5 millions de francs chez Christie’s.

Qu’en est-il de votre association avec le marchand Bob Vallois ?
Le soir du vernissage, nous avons vendu les trois quarts des stocks de la galerie. Depuis, le chiffre d’affaires a triplé : pas moins de 70 pièces ont trouvé acquéreur, depuis une lampe à 71 000 francs de Dupré-Lafon, jusqu’à une pièce d’un autre designer français qui dépasse 3,5 millions de francs.

À la Biennale de Paris, les plus belles pièces d’Art déco français ont été enlevées par des acheteurs américains.
À Paris, le facteur déterminant est le taux de change du dollar. Lorsque la biennale a eu lieu, le dollar était à 7,60 francs. Par ailleurs, il y a beaucoup d’Américains à Paris. Il y a des milliardaires français sur le marché, c’est évident, mais le franc est bas et pour les clients français, acheter devient difficile. C’est pour cela que je vois des collectionneurs de mobilier français du XVIIIe siècle qui se lancent dans l’Art déco. Parce que les collectionneurs d’art des années 1920 et 1930 sont de plus en plus nombreux, la concurrence augmente aussi et fait grimper les prix dans tous les domaines.

Comment ces Français font-ils le goût en matière d’Art déco ?
Nous voyons le décorateur Jacques Grange régulièrement et il travaille avec l’antenne parisienne de la galerie Didier Aaron ; cet accord arrange tout le monde. Cependant, nous ne traitons pas uniquement avec eux ; nous travaillons réellement avec tous les designers et tous les architectes, qui constituent, en fait, 80 % de notre clientèle.

On parle beaucoup de faux en Art déco.
On en voit de temps à autre. L’année dernière, au mois d’octobre, Sotheby’s Londres a présenté plusieurs pièces signées Poillerat, des pièces qui, normalement, n’auraient pas dû être signées. Elles ne se sont pas vendues. Le marché fait preuve de bons sens. Ruhlmann et Jean-Michel Frank sont peut-être les créateurs pour lesquels on compte le plus de pièces suspectes et ces mêmes pièces réapparaissent toujours à Paris et à Londres. De ce fait, la provenance est primordiale.

Vous avez souvent l’idée de ce que sera le goût dominant en matière d’arts décoratifs. Comment orientez-vous vos acquisitions ?
En 1970, à Paris, j’ai acheté aux puces, pour 150 francs, une boîte en argent signée Josef Hoffmann. Je suis rentré de Vienne, en 1972, avec du mobilier de Moser, Hoffmann, Wagner, Adolf Loos, et j’ai associé ces meubles à des œuvres symbolistes et préraphaélites. Je me suis tellement impliqué dans ce domaine que j’ai organisé une exposition Knopf en 1983. Dans les années 1970 et 1980, c’étaient surtout les collectionneurs qui achetaient les pièces de Hoffmann, Rietveld et Mackintosh. Tandis qu’aujourd’hui, les clients achètent ces pièces pour leurs intérieurs.

Quelle est la part de votre chiffre d’affaires réalisée par la vente de tableaux et de mobilier ?
Je vends peu de tableaux : ils ne représentent que 5 % de mes transactions, tandis que la verrerie équivaut au tiers. J’ai commencé à vendre du verre, il y a quatre ans et demi à peine et aujourd’hui, j’ai plus de clients pour le verre que pour la photographie. On peut s’offrir les plus beaux verres à des prix exceptionnels. Comparés aux valeurs sûres de la peinture, c’est plus qu’intéressant. Je continue à vendre des pièces de Gallé. La photographie se vend bien mais à des prix moindres.

Quelles différences avez-vous noté entre le marché actuel et celui, plus instable, du début des années 1990 ?
Dans les années 1970 et 1980, on collectionnait aussi bien la peinture que le mobilier. Mais après l’effondrement du marché, les acheteurs sont devenus plus vigilants. Puis les clients ont commencé à acheter en tandem avec des conseillers et des designers. C’est alors que j’ai vendu des œuvres de l’avant-garde russe et du Constructivisme allemand à des architectes et des designers qui achetaient pour leurs clients.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°124 du 30 mars 2001, avec le titre suivant : Barry Friedman : Un goût d’avance

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