Foire & Salon

Art Brussels, la belle cinquantaine

Par Pauline Vidal · Le Journal des Arts

Le 26 avril 2018 - 1082 mots

BRUXELLES / BELGIQUE

La petite foire belge a fêté ses 50 ans dans une ambiance détendue et conviviale. Saluée pour son organisation, elle a attiré des collectionneurs toujours aussi curieux de nouveautés, multipliant ainsi les ventes.

Bruxelles. In extremis, dimanche, alors que la foire venait d’annoncer sa fermeture, un couple de collectionneurs belges réservait chez Ceysson & Bénétière, une imposante sculpture des jeunes artistes français récemment installés à Bruxelles, Florian Pugnaire et David Raffini, proposée à 55 000 euros. « Ici, nous vendons régulièrement des pièces le dernier jour de la foire, jusqu’à la dernière minute », confiait Loïc Garrier, de la galerie parisienne.À Art Brussels, loin de la frénésie des premières heures d’ouverture qui rythme certaines foires, il est de coutume de conclure après mûre réflexion. Les collectionneurs belges ont la réputation de prendre le temps d’échanger, de discuter, de réfléchir avant de conclure.

Pour certains, le vernissage fut particulièrement fructueux, à l’instar d’Éric Dupont, qui a trouvé acquéreur en quelques heures pour les photographies et les sculptures de Pascal Convert qui oscillaient dans une fourchette de prix entre 13 000 et 50 000 euros. Mais de manière générale, le rythme fut assez lent. Une météo estivale après un hiver qui n’en finissait pas de finir, la grève de la SCNF, des dates communes avec Art Cologne… on pouvait craindre une désaffection pour le rendez-vous majeur de l’art contemporain outre-Quiévrain. En effet, le lendemain de l’ouverture, le taux de fréquentation était en baisse de 20 % par rapport à l’an dernier.

Pourtant, on a pu croiser dans les allées des fidèles de l’événement comme Don et Mera Rubell, qui n’ont pas hésité à traverser l’Océan Atlantique, ou encore la grande collectionneuse indonésienne Melani Setiawan et les Abello de Turin. De nombreux collectionneurs français ont aussi fait le déplacement. Sans compter les indéfectibles collectionneurs belges, comme Alain Servais et Frédéric de Goldschmidt qui proposaient pour l’occasion de faire visiter leur collection privée – collection dont une partie est par ailleurs exposée à la Centrale jusqu’au 27 mai. Cette volonté de partager leur passion avec le public caractérise de nombreux collectionneurs à Bruxelles, outre leur légendaire curiosité et fidélité vis-à-vis des artistes. Galila Hollander a ainsi acheté un totem d’Alice Anderson à la Patinoire Royale/Galerie Valérie Bach comme marque de soutien à cette jeune artiste franco-britannique qui monte. Elle ouvrira un lieu à l’automne prochain dans le quartier du Wiels pour présenter les œuvres des artistes qu’elle défend et qui sont à 95 % encore quasi inconnus, car sur le fil de l’émergence. Une céramique d’Alessandro Roma chez Sara Zanin, dans la section Discovery, fut le coup de cœur de Nathalie Guiot. Cette collectionneuse française installée à Bruxelles vient d’ouvrir un nouveau lieu, Thalie Lab, pour offrir aux artistes un espace de résidence et de production. Elle présente actuellement sa première exposition avec Gyan Panchal et Hemali Bhuta. Toute cette dynamique bruxelloise participe d’« un écosystème d’une excellente qualité et d’une grande vivacité, souligne Alain Servais. Et de poursuivre, Art Brussels mériterait un nouvel investissement plus grand encore de la part de la Belgique pour faire monter sa foire d’art contemporain en puissance, comme l’a fait l’Allemagne avec Art Cologne. »

 

 

De belles découvertes

La section Discovery offrait de belles surprises, comme les étranges sculptures de Laure Gozlan qui mêlent l’organique aux nouvelles technologies sur le stand de la jeune galerie Escougnou-Cetraro ou encore le solo show du jeune Américain Tyrrell Winston, représenté par Stems Gallery, qui détourne des mégots de cigarettes imprégnés de rouge à lèvres. Chez Félix Frachon, présent pour la première fois, les minutieuses installations réalisées à partir de feuilles de cuivre découpées et de matériel électronique, transmués en univers urbain ou floral par l’artiste indienne Nandita Kumar, ont rencontré beaucoup de succès. Récemment menacée en Tunisie pour avoir présenté des artistes trop subversifs au goût du gouvernement, la galerie AGorgi offrait quant à elle l’occasion de découvrir trois jeunes artistes tunisiennes très engagées dans la défense des libertés de la femme, dont la prometteuse Aïcha Snoussi. Cette dernière proposait des dessins sur une série d’anciens cahiers d’écolier s’inscrivant en résistance avec une forme de savoir et de pouvoir.

Les artistes femmes étaient aussi en force dans la section Prime, et les Belges n’étaient pas en reste, à commencer par la trop peu connue Evelyne Axell. On pouvait en effet découvrir sur le stand d’Antoine Laurentin consacré aux artistes belges pop en partie oubliés, de très belles pièces de cette figure historique prématurément disparue, en dialogue avec deux autres artistes des années pop, Balder et Jacques Verduyn. Une série photographique de 1977 de Lili Dujourie était à vendre sur le stand de la Liégeoise Nadja Vilenne. Edith Dekyndt proposait chez Greta Meert un délicat dessin au graphite suspendu à deux clous créant l’illusion d’une représentation de drapé, quand Sophie Whettnall déployait chez Michel Rein ses grandes feuilles blanches découpées et ses feuilles de calque dorées et perforée. Invitée à la dernière Biennale de Venise, Kiki Smith exposait chez Lelong sa récente série de pigeons en bronze argenté. Toutes aussi vénéneuses, les peintures de Françoise Pétrovitch, qui va bientôt ouvrir à La Louvière une double exposition à Keramis et au Centre de l’Image Imprimée, prenaient place chez Sémiose. On ne pouvait pas non plus rater Tatiana Wolska à l’honneur sur le stand d’Irène Laub ou encore les figures majeures de la scène contemporaine que sont Louise Bourgeois, Sherry Levine ou Tracey Emin rassemblées par Xavier Hufkens autour de la thématique de la maternité.

Toujours chez Hufkens, à côté d’une toute nouvelle production de Michel François faite d’un assemblage de bouteilles qui a très vite été vendu, on pouvait admirer dans une alcôve les trois peintures de coucher et de lever de soleil aux allures quasi mystiques, voire surréalistes, du jeune peintre suisse installé en Belgique, Nicolas Party – gagnant du prix Solo de cette année. La jeune peinture belge se porte très bien à n’en pas douter. À l’honneur chez Nathalie Obadia, Sophie Kuijken dévoilait ses nouvelles peintures sur fond sombre en hommage à la peinture flamande des siècles passés. Même référence évidente à la tradition picturale flamande dans les œuvres du jeune Matthieu Ronsse en majesté chez Almine Rech.

On ne boudait pas non plus son plaisir devant le stand de Sorry we’re closed, comme chaque année au concept très engagé, sur le thème du bois. De Daniel Dewar et Gregory Gicquel à Peter Schuyff en passant par Éric Croes, une bande de joyeux lurons s’était emparée de cette belle thématique avec humour et fantaisie.

 

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°500 du 27 avril 2018, avec le titre suivant : Art Brussels, la belle cinquantaine

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