Actualité de la recherche : Alberto Burri et le renouvellement du langage artistique

Le Journal des Arts

Le 1 février 2012 - 778 mots

Pour rendre compte de l’actualité de la recherche universitaire , Le Journal des Arts ouvre ses colonnes aux jeunes chercheurs en publiant régulièrement des résumés de thèse de doctorat ou de mémoire de master (spécialité histoire de l’art et archéologie, arts plastiques, photographie, esthétique).Nous publions cette quinzaine le texte de Maria Sensi qui a soutenu sa thèse, Alberto Burri et sa contribution au renouvellement du langage artistique de l’après-guerre, le 26 novembre 2011 à l’Université Paris IV Sorbonne (mention très honorable), sous la direction de Serge Lemoine.

L’artiste abstrait italien Alberto Burri (Città di Castello, 1915 – Nice, 1995), conçoit dès 1945, grâce à ses nouvelles contributions, dont l’utilisation de la matière en peinture, des œuvres puissantes et raffinées à l’« équilibre déséquilibré », concourant au renouvellement du langage artistique de l’après-guerre. Sa recherche prend forme au Texas, durant sa captivité au cours de la Seconde Guerre mondiale et continue dans chaque lieu qu’il habita : sa ville natale en Ombrie, Rome, où il entre en contact et influençe nombre d’artistes, Los Angeles, Beaulieu-sur-Mer. Dans la lignée de Picasso et de Kurt Schwitters, Burri créé des compositions abstraites, où des matières « brutes » sont combinées aux couleurs. Goudron, sac, bois, fer, plastique, Cellotex (un comprimé à base de sciure et de colle employé dans l’industrie du meuble et du bâtiment) : avec Burri, des déchets, des matériaux industriels ou déjà utilisés dans le domaine de la sculpture, se transforment en peinture à part entière. En Italie, son parcours n’est pas sans difficultés. Les années 1950, se terminent pour lui avec deux scandales : l’un marqué par la remise en question par le Parlement italien de la présence d’un de ses Sacs à la Galerie nationale d’art moderne de Rome, l’autre lors de sa participation gagnante au prix Premio dell’Ariete de Milan.

Il questionne la peinture
Au début, Burri obtient en France et aux États-Unis, la reconnaissance d’abord niée dans son propre pays. Le critique franco-grec Christian Zervos lui rend visite à Rome, publiant ensuite dans les Cahiers d’art, en 1950 – premier agrément international – un de ses Goudrons, matière explorée à la fin des année 1940. Quelque temps après, J. J. Sweeney, directeur du musée Guggenheim de New York, se rend à son tour dans la capitale italienne. Les œuvres de Burri l’intéressent tellement qu’il l’invite à participer à des expositions aux États-Unis et écrit la première monographie sur son travail (1955). Dans les Sacs, parvenus à leur maturité en 1952, la toile de jute, utilisée auparavant comme support des tableaux, devient, elle-même, une œuvre. Les surfaces, où les lacérations et les trous doivent être perçus comme des éléments finalisés à la structuration du tableau et combinent une « mise en page » puissante à des qualités tonales et chromatiques. Cette recherche fournit des suggestions décisives à Rauschenberg, qui visite l’atelier de Burri à Rome, début 1953, et observe ses grands Sacs de 1952 : rentré aux États-Unis, il crée ses célèbres Combine Paintings. L’œuvre SZ1 de Burri, de 1949, dont les initiales indiquent respectivement Sacco (sac) et Zucchero (sucre), montrant le drapeau américain, annonçe l’intérêt pour les langages médiatiques développés par les artistes Pop ou néo-Dada comme Jasper Johns qui, entre 1954 et 1955, conçoit l’œuvre Flag (à la différence des Flags de Johns, SZ1 reste une création unique). En outre, les Gobbi (Bossus) de Burri, créés aux débuts des années 1950, ouvrent la voie aux shaped canvases (toiles découpées). Alchimiste du feu, avec les Combustions sur papier, bois ou plastique, Burri exploite la flamme en guise de pinceau. À propos des peintures de feu d’Yves Klein, relevons que cette recherche suit celle des Combustions de Burri, qui élabore ses premières Combustions sur papier – des pages réalisées pour le livre d’Emilio Villa 17 variazioni su temi proposti per una pura ideologia fonetica (17 variations sur des thèmes proposés pour une idéologie phonétique pure) – en 1953-1954. Lucio Fontana, lui aussi, accueille une partie des recherches de Burri : après avoir acheté une œuvre de 1952, qui influençe sans doute ses Tagli (1961-1968), Fontana se mesure avec les Métaux, où il tient compte des Fers de Burri, conçus au cours de la deuxième moitié des années 1950. En Italie, suite aux spéculations de Burri, des matériaux hétérogènes sont également utilisés par les membres de l’Arte povera. Dans les années 1970, avec les Cretti (mélange de détrempes acryliques, kaolin et blanc de zinc) et les Cellotex, le langage de Burri se raréfie ; dès 1979, naissent les grands cycles picturaux. Sa recherche, comprenant également des œuvres gravées, des sculptures et des scénographies théâtrales, raconte et dévoile un univers fait de mesure, d’ordre et de proportion.

Maria Sensi
 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°362 du 3 février 2012, avec le titre suivant : Actualité de la recherche : Alberto Burri et le renouvellement du langage artistique

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