Cluny

Fébus le magnifique

Habile militaire et fin lettré, le comte de Foix est aussi l’auteur d’un célèbre traité de chasse

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 3 janvier 2012 - 647 mots

PARIS - C’est à un personnage à la fois romanesque et terrifiant, valeureux chevalier et homme ombrageux, habile politicien et animateur d’une cour cosmopolite, que le Musée de Cluny consacre son exposition-dossier d’hiver, avant une seconde étape au château de Pau.

Fils d’un fidèle vassal méridional de la couronne de France, Gaston III (1331-1391), comte de Foix et vicomte de Béarn, jouera son destin de manière bien plus égocentrique que son père. Personnage clef des affres de l’histoire de France, à une époque où se joue une partie complexe entre rois de France et d’Angleterre, mais aussi où la peste s’abat sur le royaume et la Grande Jacquerie gronde, Gaston a marqué ses contemporains par son ouvrage, Le Livre de la chasse (1387-88). Depuis sa capitale, Orthez (Béarn), au pied des Pyrénées, le prince, qui s’est lui-même fait appeler Fébus – soit le soleil dans sa graphie occitane – a su attirer à sa cour une foule cosmopolite.

Car Gaston avait de l’argent. Coincées entre Comminges et Bigorre, ses terres lui ont valu la rivalité du comte d’Armagnac. Après maintes escarmouches, ce dernier a été vaincu à la bataille de Launac (en 1362). Au-delà du seul prestige de la victoire, Gaston a su en tirer profit, rançonnant âprement tous ses otages pour se constituer un véritable trésor de guerre. « Gaston avait une conception de la guerre digne d’un condotierre [mercenaire]. Il considérait que l’argent était le nerf de la guerre » estime Sophie Lagabrielle, l’une des commissaires de cette exposition. Et la guerre, l’homme aimait ça, capable d’aller guerroyer jusqu’en Lituanie.

Logiquement, la cynégétique en était le corollaire. Nourrissant une véritable passion pour les animaux – la légende dit qu’il aurait élevé une meute de plus de mille chiens –, Fébus, le lettré, s’attela à la rédaction d’un ambitieux traité de chasse, reprenant en cela la mode des bestiaires apparue au XIIIe siècle. « Mais pour la première fois, Gaston écrit un texte sur la chasse, dépourvu de toute connotation morale » explique Sophie Lagabrielle. Enluminé dans sa version originale par un atelier d’Avignon, son texte a été copié à plusieurs reprises. Parmi les quarante-quatre versions manuscrites connues, la plus luxueuse est due à un atelier parisien, celui du Maître du duc de Bedford, manuscrit ayant appartenu aux collections de Louis XIV (vers 1407, Paris BNF). Ses planches, feuilletées dans l’exposition par le biais d’un diaporama, recèlent une multitude de détails.

Outre la présentation de ces précieux manuscrits, le parcours s’attache aussi à évoquer le luxe de la vie comtale. Si les objets de Gaston ont été dispersés, plusieurs pièces d’orfèvrerie de la même époque permettent d’illustrer l’art du banquet et les fastes de la cour. Au-delà de ses archives, conservées pour certaines dans le Trésor des chartes des Archives nationales, l’histoire de Gaston est connue grâce à un témoin oculaire. En 1388, le célèbre chroniqueur Jean Froissart (1337-1404) se rend à Orthez pour enquêter sur les affaires ibériques. Mais il est rapidement fasciné par la personnalité de Fébus et guide son lecteur dans les méandres de la cour. Le chroniqueur se passionne notamment pour les affaires familiales, et leurs zones d’ombre, la répudiation de la femme de Gaston, Agnès, mais aussi la mort mystérieuse de son seul fils légitime, le jeune Gaston. Froissart livrera la réponse à ce mystère dans l’un des feuillets du livre III de ses Chroniques. À découvrir dans l’exposition…

GASTON FÉBUS (1331-1391). PRINCE SOLEIL

Commissariat : Sophie Lagabrielle, conservateur en chef au Musée de Cluny ; Paul Mironneau, conservateur général, directeur du Musée national du château de Pau ; Marie-Hélène Tesnière, conservateur général à la BNF
Commissaire associé : Ghislain Brunel, conservateur en chef aux Archives nationales
Nombre d’œuvres : 85

Jusqu’au 5 mars, tlj sf mardi 9h15-17h45, Musée de Cluny, musée national du Moyen Âge, 6 place Paul-Painlevé, 75005 Paris, www.musee-moyenage.fr
Catalogue, éd. RMN-GP, 176 p., 34 €, ISBN : 978-2-7118-5877-4

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°360 du 6 janvier 2012, avec le titre suivant : Fébus le magnifique

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