Musée

La renaissance des Abattoirs

Toulouse inaugure son musée d’art actuel

Par Philippe Régnier · Le Journal des Arts

Le 30 juin 2000 - 748 mots

TOULOUSE

La fin du XXe siècle aura vraiment été une période faste pour la construction de musées d’art moderne et contemporain, comme le XIXe siècle a été celui des musées des beaux-arts. Après Bordeaux, Nice, Nîmes, Lyon ou Strasbourg, Toulouse vient d’inaugurer son temple dédié à l’art de notre siècle. Une façon bien particulière d’aller aux « Abattoirs ».

Les Fonds régionaux d’art contemporain (Frac) connaissent depuis quelques années des fortunes diverses. Celui de la plus grande région de France métropolitaine, le Frac Midi-Pyrénées, a tout bonnement disparu, tout au moins sous cette terminologie. Et ce que certains tentent coûte que coûte d’éviter, à savoir la “muséification” de ces institutions conçues au début des années quatre-vingt suivant un modèle inédit et hybride, tenant à la fois du centre d’art et du musée d’art contemporain, est assumé à Toulouse depuis la fusion, en 1991, de l’ancien Musée municipal d’art moderne, du Frac et du Centre d’art contemporain. Dans la Ville rose, ce n’est pas le contenu qui a donné son nom à l’institution, mais le contenant ; les œuvres sont accueillies dans les anciens abattoirs de la ville : qu’à cela ne tienne, le lieu a trouvé ce nom ! Bientôt aurons-nous peut-être la chance de découvrir les œuvres des artistes à l’”Hôpital” ou peut-être même à la “Morgue”.

À défaut de chair fraîche, les “Abattoirs” proposent, sur 7 000 m2, une ode à une peinture qui puise son expression dans la matière, qui crie aux blessures d’une toile maculée de rouge sang, maltraitée, entaillée, dépecée. Ici, tout semble avoir été mis en œuvre pour offrir à la peinture une nouvelle cathédrale : un plan adéquat, une nef lumineuse, des chapelles latérales, et au bout, sous le chœur, une crypte conservant le trésor de ce lieu saint : un rideau de scène de Picasso de 14 x 20 mètres peint pour Le Quatorze-Juillet de Romain Rolland en l’an de grâce 1936.

Le bâtiment tout en brique doit sa conception à Urbain Vitry, architecte en chef et ingénieur de la Ville de Toulouse dans la première moitié du XIXe siècle. Cet édifice livré en avril 1831 a définitivement fermé ses portes, dans sa première vie, en décembre 1988. Spécialiste de la résurrection des vieilles pierres, Antoine Stinco, déjà responsable de la rénovation de la Galerie nationale du Jeu-de-Paume, s’est associé à Rémi Papillaut pour transformer ce lieu d’équarrissage en espace à vernissages. Un peu moins de cinq ans après avoir remporté le concours d’architecture, les deux partenaires ont livré le bâtiment principal et ses annexes, puisque les lieux d’exposition sont complétés par une médiathèque de 845 m2, l’une des pierres angulaires du projet. À elle seule, la bibliothèque réunit quelque 10 000 documents complétés par 45 titres périodiques en cours d’abonnement. Une bibliothèque pour les enfants et un pôle multimédia ont aussi été aménagés au rez-de-chaussée de ce bâtiment latéral.

Un musée, c’est d’abord une collection. Celle des “Abattoirs” est née du croisement de plusieurs fonds, mais elle trouve une cohérence dans une mise en exergue des principaux mouvements picturaux européens depuis 1945, autour de l’Art informel et des mouvements défendus en leur temps par Michel Tapié, jusqu’à Gutaï. Expressionnisme abstrait, Cobra, Art brut, Figuration libre, Transavantgarde se taillent la part du lion au rez-de-chaussée, dans des rapprochements souvent justes, parfois hasardeux. Des œuvres importantes de Burri, Dubuffet, Fontana, Sam Francis ou Saura proviennent de la collection Anthony Denney, mise en dépôt en 1994. Autre dépôt important, celui de 393 pièces de la collection Daniel Cordier par le Musée national d’art moderne – Centre Georges-Pompidou. À côté des créations de Bellmer, César, Duchamp, est exposé un ensemble important d’œuvres d’art naïf.

Les “Abattoirs”, c’est un musée, mais, héritage du Frac oblige, c’est également la tête de pont de la diffusion de la création contemporaine dans la région. Ainsi, l’exposition inaugurale, “L’Œuvre collective”, un projet de Pascal Pique, se déploie-t-elle dans huit autres lieux de la région. Décidément, urbi et orbi, l’art est source de toute les communions.

À voir aussi à Toulouse

- OSSIP ZADKINE, jusqu’au 15 juillet, Fondation Bemberg, hôtel d’Assézat, tél. 05 61 12 06 89 ; la Fondation, actuellement en travaux, s’agrandit. - LA COLLECTION PHOTOGRAPHIQUE DES ABATTOIRS, jusqu’au 10 juillet ; ALEXEI TITARENKO, jusqu’au 4 septembre, Galerie municipale du Château-d’Eau, tél. 05 61 77 09 40.
- LES PEINTRES DU ROI, 1648-1793 : MORCEAUX DE RÉCEPTION À L’ACADÉMIE ROYALE DE PEINTURE, jusqu’au 2 octobre, Musée des Augustins, 21 rue de Metz, tél. 05 61 22 21 83.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°108 du 30 juin 2000, avec le titre suivant : La renaissance des Abattoirs

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