Si Léonard m’était conté

Un parc culturel consacré au maître à Amboise

Le Journal des Arts

Le 13 juin 2003 - 761 mots

Spécialiste du “management culturel”?, Jean Saint-Bris est à l’origine de plusieurs parcours-spectacles à caractère artistique, tel “Voyage au temps des impressionnistes”? à Auvers-sur-Oise. Propriétaire du Clos-Lucé à Amboise (Indre-et-Loire), résidence où Léonard de Vinci passa les dernières années de sa vie, il vient d’ouvrir aux pieds de ce superbe manoir un parc culturel consacré à l’artiste. Reproductions géantes, projections et reconstitutions sont au programme de cet itinéraire plus spectaculaire que didactique.

AMBOISE - À l’instar de Léonard, qui la franchit après un long périple à travers les Alpes à dos de mulet, c’est par une porte ogivale datant du XVe siècle que l’on pénètre dans le Clos-Lucé. En briques roses et pierres blanches, cette demeure construite sous le règne de Louis XI devint, avec ses jardins et ses vignes, domaine royal après son acquisition en 1490 par Charles VIII. Le roi lui fit adjoindre une chapelle en tuffeau destinée à son épouse Anne de Bretagne, de laquelle elle devint l’oratoire particulier. Plus tard, le duc d’Angoulême, futur François Ier, et sa sœur Marguerite de Navarre séjournèrent au “manoir du Cloux”. Mais son hôte le plus illustre demeure Léonard de Vinci qui, à l’invitation de François Ier, y passa les dernières années de sa vie. Arrivé en 1516 à Amboise, avec dans ses bagages la Joconde, la Sainte Anne et le Saint Jean-Baptiste, le peintre s’installe au Clos-Lucé avec son disciple préféré, Francesco Da Melzi. “Dans ce jardin, tu seras libre de rêver, de penser et de travailler”, lui confie le roi. Un privilège dont il profite pleinement jusqu’à sa mort en 1519. Durant ces trois années, Léonard achève le Saint Jean-Baptiste, devient le grand organisateur des fêtes royales et poursuit ses activités d’ingénieur et d’architecte, projetant un château modèle pour son souverain et des maisons démontables pour la Cour.

Un voyage initiatique avec Léonard
Propriété de la famille Saint-Bris depuis 1802, le manoir est ouvert à la visite depuis les années 1960. 260 000 visiteurs se pressent aujourd’hui dans ses espaces rénovés et restitués : la tour de guet, la chambre de l’artiste, son cabinet de travail, la salle dite “des machines” – présentant les maquettes des plus audacieuses inventions de Léonard –, la cuisine et sa cheminée monumentale, ou encore l’oratoire d’Anne de Bretagne, dont les fresques attribuées à l’atelier de Léonard viennent d’être mises au jour. Parallèlement à cette dernière phase de restauration, Jean Saint-Bris, directeur du Clos-Lucé, a conçu dans les jardins du manoir le “premier parc culturel animé” consacré à Léonard. Modestement qualifié de “parc de la connaissance”, ce parcours-découverte à ciel ouvert illustre au fil de cinq thèmes (“La lumière des visages”, “La beauté des corps”, “La mécanique de la vie”, “Les intuitions techniques” et “La cité idéale”) le génie multiforme de l’artiste. Plusieurs types d’installations rythment cette déambulation dans les allées ombragées du domaine. Des bornes sonores, actionnables à la demande et diffusant des commentaires en quatre langues, évoquent les réflexions de Léonard sur la botanique, le corps humain ou le portrait. Jean Piat, qui prête sa voix au maître dans la version française, contribue à la réussite de ce dispositif, dont les textes un peu trop sentencieux pourront cependant finir par lasser les visiteurs. Autre mise en scène, les trente-deux toiles translucides de trois à quatre mètres de haut figurant des croquis ou des tableaux de Léonard, qui apparaissent au détour d’un sentier ou au creux d’un bosquet. Plus surprenantes et attractives sont les douze machines géantes inspirées des croquis de l’artiste. Ces char d’assaut, bateau à aubes, canon à tir en éventail ou vis d’Archimède ont été conçus pour être manipulés par le public. Enfin, on peut découvrir, dans une ancienne halle réhabilitée pour l’occasion, un spectacle d’images animées illustrant les divers talents de Léonard (peintre, ingénieur, anatomiste, architecte, botaniste...). “Il ne s’agit pas de ‘disneylandiser’ le propos, scientifiquement indiscutable, mais de sortir ce château du monde des châteaux pour le faire descendre dans la rue”, se défend Jean Saint-Bris, qui aime à rappeler que son projet a reçu le soutien de Jean Delumeau, professeur au Collège de France. Spécialiste de la communication et de l’ingénierie culturelle – on lui doit en particulier le parcours-spectacle “Voyage au temps des impressionnistes”, à Auvers-sur-Oise –, Jean Saint-Bris ambitionne, dans une région où la concurrence entre monuments est féroce, de faire du Clos-Lucé un des châteaux les plus visités du Val de Loire. Son parc en définitive peu ludique parviendra-t-il toutefois à séduire un large public ?

Parc Leonardo Da Vinci, Clos-Lucé, 37400 Amboise, tél. 02 47 57 00 73, www.vinci-closluce.com, tlj 9h-19h, juillet-août jusqu’à 20h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°173 du 13 juin 2003, avec le titre suivant : Si Léonard m’était conté

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