Le capharnaüm nostalgique de Gonzague Saint Bris bientôt sous le marteau

Par LeJournaldesArts.fr (avec AFP) · lejournaldesarts.fr

Le 19 février 2018 - 554 mots

PARIS

Pas un cm2 de libre sur les murs, pas un espace vide sur les meubles : Gonzague Saint Bris, décédé en août dernier, avait choisi un atelier d'artiste de style néogothique à Paris, pour abriter un fascinant bric-a-brac, bientôt dispersé aux enchères.

L'écrivain et journaliste, qui a trouvé la mort à 69 ans dans un accident de voiture sur une petite route de Normandie, avait eu le coup de foudre en 2000 pour ce lieu en parfaite harmonie avec son image de chef de file des nouveaux romantiques. Situé dans une rue paisible du 8e arrondissement, d'une double hauteur sous plafond, l'atelier est pourvu à l'étage d'une coursive donnant sur trois loggias. Pour accentuer encore le côté gothique, le romancier, lauréat de l'Interallié en 2002, avait fait concevoir par un décorateur de cinéma une monumentale bibliothèque de même style.

L'immeuble a son histoire, et même sa légende : il aurait été édifié sur l'emplacement de la maison de Casanova. Plus sûrement, l'atelier fut occupé dans les années 40 par les studios Pelouze, où le guitariste Django Reinhardt aurait enregistré quelques titres célèbres. Pour Gonzague Saint Bris, passionné d'histoire et fasciné par ses grands hommes, c'était l'espace idéal pour déployer son imagination et consigner ses souvenirs. Peintures, lettres sous verre (Julien Gracq, Jean d'Ormesson...), photos (Les Nouveaux Romantiques avec Frédéric Mitterrand, Brice Lalonde, PPDA), des stèles en plâtre, moulages de statues d'église envahissent les murs. Bustes d'hommes célèbres, boites, figurines en métal ou en plastique prolifèrent sur les étagères.

Léonard de Vinci, Michael Jackson...
"Tout cela avait un sens pour lui", se souvient sa collaboratrice Marie-Claude Mahiette. "Il n'était pas rare, lors de nos séances de travail, qu'il se lève et aille déplacer un petit objet qui, pour lui, n'était pas à sa place. C'était son histoire mise en scène à travers ses objets". "La femme de ménage avait du mérite", plaisante-t-elle, peinée à l'idée que le 29 mai , nombre de ces objets seront vendus aux enchères par la maison Millon. Tout comme les canapés en velours rouge, le lustre et une armure.

Sur une passerelle devant la bibliothèque, l'écrivain avait installé un "Kiss me quick", une invention de Victor Hugo permettant de voler un baiser à une femme derrière un écran en lui faisant admirer des livres. Ce capharnaüm était régi par un ordre caché. La bibliothèque était réservée aux ouvrages de et sur Léonard de Vinci, personnage particulièrement cher à Gonzague. Celui-ci, deuxième d'une famille de huit enfants, a en effet passé sa première jeunesse dans le château du Clos-Lucé, près d'Amboise, propriété de sa famille, résidence de François Ier et dernière demeure du peintre Léonard.

Perché sur une des coursives, le bureau de l'écrivain, baptisé La Fayette, encore un héros qui lui tenait à coeur. Il y travaillait chaque nuit, noircissant de grands cartons de son écriture très particulière. Gonzague Saint Bris est l'auteur d'une cinquantaine d'ouvrages, dont une vingtaine de biographies parmi lesquelles le marquis de Sade, Musset, Vigny, Flaubert, Balzac... Dans l'entrée, sur les portes des placards, les invités de ses soirées très parisiennes, de Claire Chazal à Doc Gynéco, ont laissé des messages de remerciements. Au milieu des peintures classiques, un portrait pop de Michael Jackson. Gonzague l'avait acompagné pour un périple au Gabon et avait publié une biographie amicale après la mort du chanteur.  

Antoine Froidefond

 

Cet article a été publié par l’AFP le 18 février 2018.

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