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Ville Langres en quête de reconnaissance… et de moyens

Langres se construit une image

Langres, l’une des premières cités à obtenir il y a tout juste trente ans le label « Ville d’art », souffre d’un problème d’image et d’un manque de ressources. Diderot est appelé à la rescousse.

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 15 septembre 2015 - 1176 mots

LANGRES

Langres, en Haute-Marne, illustre la situation des villes rurales riches en patrimoine historique mais aux moyens trop modestes pour l’entretenir. La cité, qui fut la première à obtenir le label « Ville d’art et d’histoire », souffre de surcroît d’un problème de notoriété et d’image. Elle compte sur Diderot et le musée consacré à son grand homme pour sortir de l’anonymat.

LANGRES - Alors que certaines villes jouissent d’une réputation historique imméritée en regard de la piètre qualité de leurs musées, monuments ou événements, d’autres sont confrontés au problème inverse. Langres est de celles-là. « Langres souffre d’un sérieux problème d’image », admet Pierre Gariot, maire adjoint chargé de la culture et président d’une vaillante société savante locale. « Beaucoup de gens ne savent même pas placer la ville sur une carte de France. » Et pourtant, cette ville de la Haute-Marne ne manque pas d’atouts à faire valoir. Oppidum gaulois, capitale gallo-romaine, siège de l’évêché depuis plusieurs siècles, Langres est riche aussi d’une puissante citadelle en raison d’une situation géographique particulière. La ville occupe en effet un promontoire abrupt d’une hauteur d’environ 500 mètres qui lui assure un panorama exceptionnel sur la région. Et comme la ville n’a jamais été conquise, elle en est fière, son patrimoine bâti ancien est resté intact à l’intérieur des murailles qui ceinturent l’éperon. La cathédrale, reconstruite au XIIIe siècle, est une merveille de l’architecture romane. Elle est elle-même entourée de belles demeures Renaissance et d’austères bâtisses XVIIe. Sans être spectaculaire, ce patrimoine offre d’intéressantes déambulations dans la ville qui s’étire le long de l’axe principal.

Volontaire, la commune fait ainsi partie des premières « Villes d’art et d’histoire » à avoir obtenu ce label à l’été 1985, il y a trente ans. Dans la foulée, elle met en place un plan de sauvegarde et de mise en valeur du centre historique. Puis elle lance le chantier de la rénovation de son Musée d’art et d’histoire créé en 1842 et qui intègre le chœur et la nef d’une ancienne église. Le nouveau musée ouvre en 1997 et, aujourd’hui encore, sa scénographie originelle se défend ; elle met en valeur une belle collection archéologique et de peintures anciennes dont le fleuron est un tableau de José de Ribera. Six ans plus tard était inaugurée la « Maison des Lumières Denis-Diderot » (lire l’encadré), en hommage au grand homme de la ville qui y vécut jusqu’à ses 18 ans avant de partir à Paris. « Mais il est revenu au moins cinq fois dans sa ville », affirme Olivier Caumont, conservateur et directeur des musées.

Les moyens d’une ville de 8 000 habitants
Comment expliquer le déficit de notoriété dont souffre Langres ? La raison tient d’abord à une absence de communication endémique liée principalement à des moyens très modestes. Langres ne compte en effet que 7 905 habitants, ce qui lui fournit les revenus fiscaux et la dotation de l’État d’une petite commune rurale. Après un pic de 11 500 habitants enregistré au moment de l’obtention du label, la population n’a cessé de baisser pour revenir à ce qu’elle était… à l’époque de Diderot. Le budget de la Ville tourne ainsi autour de 20 millions d’euros pour le fonctionnement et de 9 millions pour l’investissement. L’armée a longtemps été une richesse pour la ville, ce qui n’a pas incité les édiles à développer l’activité économique et l’attractivité touristique. Progressif, le départ des militaires n’a pas provoqué l’électrochoc qui aurait pu être salutaire. Langres peut cependant compter sur une solide activité de plasturgie.
Il ne faut ainsi pas s’étonner si le coût de l’entretien du patrimoine, et plus encore celui des deux musées (1,2 million d’euros en fonctionnement et 662 000 euros en investissement pour l’année 2013), est devenu un sujet de débat entre administrés. Nombreux sont ceux à trouver les sommes allouées à la culture disproportionnées par rapport au budget de la Ville, comme en témoignent les comptes rendus des conseils municipaux. L’ancien maire doit en partie son éviction en 2014 à son projet de Maison des Lumières.

L’étendard Diderot
Mais au fond, chacun a bien conscience de l’opportunité d’image que représente Diderot. Langres est l’une des rares villes de France à pouvoir revendiquer l’étendard des « Lumières », une formidable enseigne dans cette époque gagnée par l’obscurantisme. Depuis 2011, elle organise les « Rencontres philosophiques de Langres ». Les prochaines auront lieu du 1er au 3 octobre sur le thème opportun des religions. Là aussi, la manifestation manque de moyens pour attirer des têtes d’affiche et l’attention des médias et du public. Des moyens il en faudrait encore pour drainer une partie des touristes qui empruntent deux grandes autoroutes qui passent à proximité de la ville. Ce tourisme d’opportunité qui fait étape dans la cité avant de poursuivre sa route contribue pour une bonne part aux 213 000 nuitées enregistrées en Pays de Langres (chiffres 2011). Outre la culture, la ville compte aussi sur l’ouverture prochaine d’un parc naturel à ses portes pour attirer les touristes.
Finalement, le salut pourrait venir de l’intercommunalité promue par l’État au moyen d’incitations budgétaires. L’atteinte d’une « taille critique » en nombre d’habitants est rendue encore plus nécessaire par le rejet de la ville en périphérie de la nouvelle grande région Champagne-Ardenne-Lorraine-Alsace. Ce mouvement centrifuge est un handicap de plus pour une ville, qui ne manque pas d’attraits mais ne dispose pas des moyens de le faire savoir.

Un projet monté à la vitesse de la Lumière

Souhaitée par l’ancien maire, Didier Loiseau (UMP), qui ne voulait pas rater la célébration du tricentenaire de la naissance de Diderot (1713-1784), la Maison des Lumières a été inaugurée le 5 octobre 2013. Le projet a été monté et réalisé en trois ans et demi, « au pas de charge », reconnaît Olivier Caumont. Très vite, la décision a été prise de faire un musée et non un centre d’interprétation, lequel aurait pourtant été moins coûteux. De même, l’équipe a dès le début pris le parti de montrer Diderot dans son contexte plutôt que de le réduire à sa biographie (d’où le nom de « Maison des Lumières »). Pour un coût de 6 millions d’euros, dont 20 % financés par la Ville, le projet a pris corps dans l’hôtel du Breuil (fin XVIe), qui n’a rien à voir avec Diderot mais offre la patine de l’ancien. C’est une réussite tant du point de vue des travaux de restauration et de la scénographie que de la qualité des objets présentés. Tandis que les visiteurs intéressés par l’écrivain-philosophe comprendront un peu mieux la trajectoire de Diderot, avec en point d’orgue du parcours la présentation d’un exemplaire complet de l’Encyclopédie, les autres pourront apprécier la valeur historique des tableaux, bustes, cartes et objets divers exposés. Tous les cartels comportent un texte d’explication venant compléter des panneaux de salle et des dispositifs astucieux pour illustrer la carrière d’un écrivain, ce qui n’est jamais tâche aisée. Le conservateur n’a pas oublié que Diderot a aussi rédigé des chroniques du Salon, et a naturellement saisi cette opportunité pour y exposer des toiles.

Légende photo

Le musée d'art et d'histoire, Langres. © Photo : MDT 52/Philippe Lemoine.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°441 du 18 septembre 2015, avec le titre suivant : Langres se construit une image

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