Luxembourg - Galerie

Bernard Ceysson, galeriste, ouvre prochainement à Luxembourg un nouvel espace

« Je suis presque plus heureux d’être galeriste que conservateur »

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 13 janvier 2015 - 945 mots

LUXEMBOURG

Bernard Ceysson ne s’arrête plus. À 75 ans, celui qui fut directeur des musées de Saint-Étienne de 1967 à 1998, et du Musée national d’art moderne au Centre Pompidou de l’été 1986 à l’automne 1987 pendant la construction du musée stéphanois d’art moderne et d’art contemporain, va inaugurer en mars un nouvel et vaste espace à Luxembourg. À la suite de ceux ouverts depuis une petite dizaine d’années à Paris, Saint-Étienne, Genève…

Vous déteniez déjà une galerie d’une surface de 200 m2 à Luxembourg. Pourquoi cet agrandissement important ?
Bernard Ceysson  : Elle n’était pas suffisante et, grâce à un ami collectionneur, nous pouvons maintenant disposer de ce magnifique espace situé à Windhof. Il y a aujourd’hui une surenchère parmi les galeristes quant à la surface d’exposition. Cela fait partie des impératifs actuels, il faut pouvoir montrer en grand, créer des événements. Heureusement, il y a aussi le plaisir de pouvoir faire des accrochages, qui ne sont certes pas tout à fait ceux des musées, mais qui permettent aux artistes de faire de belles présentations de leur travail. Ces espaces offrent aussi la possibilité de faire des expositions collectives qui prennent d’autant plus de sens qu’elles rassemblent plus d’œuvres que dans l’espace intime de la galerie traditionnelle. Les Américains ont donné le ton, d’autres ont suivi ici à Paris et nous avons saisi, une fois de plus, une opportunité qui se présentait.

Comment vit-on et travaille-t-on avec quatre galeries ?
D’abord nous sommes trois associés, Loïc Bénétière, mon fils François et moi-même. Nous avons également des collaborateurs très présents et efficaces dans chacune de nos galeries, donc nous pouvons travailler en bonne entente entre les différents espaces, prendre des décisions en commun, établir une programmation cohérente, se répartir les tâches. François est plus souvent à Genève, Loïc à Paris, j’aime pour ma part être à Luxembourg.

Et sur un plan financier ?
Ce que nous pouvons faire, ce sont, comme on le dit dans le domaine économique, des économies d’échelle. Il est en fait préférable d’avoir plusieurs espaces qu’un seul. Par exemple, notre futur grand espace à Luxembourg aura une capacité de stockage qui va nous permettre de garder des œuvres qui se trouvent actuellement dans des stocks parisiens. Nous avons aussi, grâce à un autre collectionneur, un stockage à Dijon, une sorte de « hub » d’échanges puisque Dijon est à mi-chemin entre Saint-Étienne, Genève et Paris.

Certes, mais cela coûte cher...
Eh bien il faut vendre ! Cela n’est pas évident, tout le monde le sait, mais nous avons le bonheur de rentrer dans nos frais. Le peu que l’on gagne, on le réinvestit systématiquement dans des publications, dans des aménagements de nos espaces – nous aimerions par exemple améliorer celui de Paris et refaire sa façade serait une bonne chose –, dans du matériel de toutes sortes, etc.

Vous considérez-vous comme le porte-flambeau du mouvement Supports-Surfaces ?
Oui, cela a toujours été ma passion. Et ce n’est pas simplement pour défendre, contrairement à ce que certains pensent, amis ou ennemis, de l’art français. Quand on me dit cela, je réponds toujours : allez dans les collections du musée de Saint-Etienne, et vous verrez qui a acheté les premiers [Georg] Baselitz et les premiers [Gerhard] Richter, bien que, pour Richter, je n’étais pas le premier mais le second… Le problème n’est pas de défendre l’art français, il est de défendre un art porteur des valeurs qui sont celles des Lumières, celles de la pensée, de la réflexion, de la critique. La pensée républicaine, l’égalité des hommes, la pensée de l’universalité, on en a besoin aujourd’hui.
C’est aussi défendre un mouvement porteur d’une certaine conception de la peinture. Je suis moi aussi, comme tout le monde, touché par le « Sturm und Drang », le romantisme, le sublime… C’est fascinant, mais j’aime ces réflexions minimalistes, ces réflexions sur la forme qui ont un contenu profond. Cela va de la Renaissance à Frank Stella, au minimal art, aux artistes de Supports-Surfaces bien sûr, et cela continue chez de plus jeunes aujourd’hui et c’est très bien. Nous avons organisé plusieurs expositions aux États-Unis, à Los Angeles et New York, et leur réception a dépassé toutes nos espérances. Nous avons même eu un article favorable de Roberta Smith dans le quotidien The New York Times. Il faudrait maintenant que quelques grands collectionneurs français et internationaux suivent le mouvement et que des musées français manifestent une plus grande attention. Il y aurait besoin d’une grande exposition « Supports-Surfaces ».

Comment passe-t-on des plus grandes institutions au métier de galeriste ?
Que faire après les musées ? organiser des expositions et écrire ! J’aime beaucoup écrire mais j’ai l’impression que j’écris mieux quand j’ai quelque chose d’autre à faire. Je m’ennuie très vite. J’ai besoin d’être mêlé à l’actualité, de voir si je peux la bouger un petit peu en rétablissant quelques artistes dans leurs pleins droits dans l’histoire de l’art et en essayant toujours de faire quelques découvertes. Finalement, c’est le même métier, simplement dans le premier on reçoit de l’argent d’une Ville ou de l’État pour organiser des expositions et acheter, et dans le second je dois vendre pour pouvoir acheter et organiser des expositions qui me semblent intéressantes à faire. Cela dit, le passage n’est pas facile lorsqu’on a une mentalité de fonctionnaire, au sens noble du service public, de collectionner pour l’État et de créer un patrimoine. Mais mes deux jeunes associés m’ont poussé à me lancer, avec toutes les connotations que prennent les termes de marchand, de galeriste, et je suis presque plus heureux de faire ce métier que d’être conservateur parce que j’ai l’impression de faire plus de choses que dans un musée.

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Bernard Ceysson. Courtesy galerie Bernard Ceysson

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°427 du 16 janvier 2015, avec le titre suivant : Bernard Ceysson, galeriste, ouvre prochainement à Luxembourg un nouvel espace

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