Un marché de l’art contrasté

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 13 novembre 2012 - 771 mots

Un salon qui bat de l’aile, des antiquaires qui font grise mine. L’état de santé du marché de l’art toulousain serait préoccupant sans le dynamisme des commissaires-priseurs.

Organisé depuis quatre générations par une même famille, les Jary, le Salon des antiquaires de Toulouse fut, il y a une vingtaine d’années, l’un des plus grands et des plus prestigieux salons européens. Les meilleurs marchands parisiens se battaient pour être de la partie. Les listes d’attente d’exposants s’allongeaient sans cesse. Annulé à l’automne 2011 à la suite de la catastrophe d’AZF, l’événement est en chute libre depuis dix ans. Les effectifs ont fondu tout comme la qualité des exposants. Lancé en 1963 sous le nom de « Grande quinzaine de l’occasion », et rebaptisé « Salon des antiquaires » en 1973, il aurait été fragilisé par le dernier passage de témoin et malmené par le manque de tonicité du marché de l’art en régions. Il est aujourd’hui à l’image du métier d’antiquaire à Toulouse : en crise. « Le marché est devenu plus difficile.

On ne travaille presque plus avec des étrangers. Les Américains et les Espagnols ne viennent plus », déplore l’antiquaire Martial Mendes. Des galeries qui baissent le rideau de fer rue Perchepinte, des baux à vendre et un antiquaire partageant son temps entre son métier et celui d’agent immobilier, rue Ninau. La rue Pierre-de-Fermat semble, elle, s’en sortir nettement mieux, à l’image de la galerie Saint-Jacques, spécialisée dans les arts décoratifs du XXe siècle.

Selon Bertrand Moulins (galerie Moulins), « il n’y a presque plus d’antiquaires. Les gens achètent de plus en plus sur Internet ou bien vont à Paris. On est au bout du bout, on ne peut plus que remonter ». Affirmant, en ce qui le concerne, « travailler correctement, sans plus ». De belles découvertes sont à faire dans cette jolie galerie de la rue du Rempart Saint-Étienne axée sur les tableaux et dessins du XIXe siècle et de la première moitié du XXe. « Beaucoup trop de marchands se laissent aller à la facilité, on achète en salle de ventes ou dans des déballages des objets que l’on revend aussitôt dans sa galerie sans aucun travail de recherches », poursuit Bertrand Moulins, formulant un mea culpa de la profession…

Records en ventes publiques
Dans la ville rose, les cinq commissaires-priseurs semblent nettement mieux tirer leur épingle du jeu, à l’image des études Chassaing-Marambat et Marc Labarbe qui ont défrayé la chronique à la suite d’une série de records obtenus en art asiatique.

Un rouleau impérial de l’époque Qianlong, proposé en mars 2011 chez Marc Labarbe, s’est ainsi envolé à 22 millions d’euros. Le lendemain, le commissaire-priseur toulousain recevait par courriel une offre de collaboration émanant de Poly International Auction, le numéro un des ventes publiques en Chine. De son côté, l’étude Chassaing-Marambat s’est illustrée en vendant en 2008, 2010 et 2011 des sceaux chinois partis respectivement à 5,5 millions d’euros, 3,3 et près de 12,4 millions d’euros. « Je crois profondément au maillage local. Si l’on conjugue forte implantation locale, qualité de l’expertise et sentiment de confiance des collectionneurs, on peut vendre tout aussi bien en province qu’à Paris. Ces fortes enchères ont démontré que j’avais raison », claironne Xavier Marambat, lunettes rondes, cravate rouge et veste cintrée. Spécialisée depuis vingt ans dans les arts d’Asie avec l’appui de l’expert Pierre Ansas, l’étude a développé aussi, outre ses ventes classiques de tableaux, meubles et objets d’art, des vacations de bijoux et d’orfèvrerie, organisées deux fois par an.

Installé rue Fermat, Jacques Rivet a joué la carte inverse. Associé à la maison de ventes Artcurial depuis 2002, il fait remonter à Paris ses plus belles pièces, qui seront ensuite vendues au rond-point des Champs-Élysées. « La conjoncture est bonne. Nous sommes épargnés par la crise », soutient le commissaire-priseur. « Internet s’est révélé pour nous un levier formidable. Grâce à cet outil, on peut vendre à Bruxelles comme à New York. Sans Internet et la liberté d’établir nos tarifs, nous aurions été en grande difficulté », poursuit Me Marambat. « Il y a quinze ans, nous réalisions une forte proportion de notre chiffre d’affaires avec des marchands locaux. Leur nombre a été divisé par trois ou quatre depuis. » Jean qui rit et Jean qui pleure. Les commissaires-priseurs auraient-ils mieux négocié le virage Internet que leurs confrères et amis marchands ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°379 du 16 novembre 2012, avec le titre suivant : Un marché de l’art contrasté

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