Warhol intrigue encore

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 1 mars 2006 - 390 mots

À une bonne heure de train de New York, la fondation Dia déploie sa fabuleuse collection d’art initiée dans les années 1970. Parmi de véritables monuments de l’art conceptuel et minimal américain, Andy Warhol tient la dragée haute avec une exposition grandiose qui mêle aux icônes que sont les portraits des œuvres un peu moins galvaudées.
Hanté par la mort. L’œuvre de Warhol est jalonnée par la mort, la terreur. Elle reflète ce goût de l’Amérique pour le macabre et le sensationnel, avec la série des crânes de 1976 (Skulls) et surtout celle des Disasters de 1963. Parmi les six toiles, on reste médusé par l’étonnante composition fuchsia des funérailles sanglantes d’un gangster, mélange de légèreté et de brutalité imparable, ou un accident d’ambulance. Toutes ces œuvres sont présentées sur un papier peint représentant le monument à George Washington, un obélisque, à peine dessiné au crayon, dont la répétition crée une présence fantomatique et des effets de collage particulièrement probants. La grande série de 1978-1979, Shadows, 102 toiles d’ombres abstraites et colorées, dont 72 parties sont montrées ici, s’épanouit particulièrement bien dans une salle de 630 m2.
Déjouer l’oubli. L’image pop, lisse et « easy » de Warhol est ici nimbée de noir, hantée par l’inquiétude de son créateur. Celui-ci ne s’était-il pas mis dans les années 1960 à remplir des Time Capsules ? Il en réalisera 612, comme des instantanés, les fragments d’une archéologie du présent, collectant tout sur son passage, documentant sa vie dans les moindres détails. Comme s’il avait peur qu’elle lui échappe. Observer les quatre capsules qui ont été nouvellement ouvertes pour l’occasion, s’avère moins futile qu’il n’y paraît. Émouvant, anxiogène, ce temps arrêté délivre des trésors. Parmi une multitude d’invitations, on trouve l’arrêt du gouvernement canadien refusant aux boîtes Brillo (répliques de cartons de savons inventés en 1964) le statut d’œuvre d’art.
Warhol a gagné avec cette collecte son combat contre l’oubli.
Une réussite qui échappe aux fameux portraits des personnalités produits en nombre par l’artiste. Accrochés avec un sens certain de l’humour sur les dizaines d’obélisques de Washington, la plupart de ces visages sont sortis des mémoires, revers pervers de la célébrité. Un vieillissement qui décidément épargne le maître.

« Dia’s Andy : through the lens of patronage », fondation Dia, Riggio Galleries, 3 Beekman Street, Beacon, état de New York, www.diaart.org, jusqu’au 10 avril.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°578 du 1 mars 2006, avec le titre suivant : Warhol intrigue encore

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