Une ménagerie à la Piscine

Musée d’Art et d’Industrie de Roubaix, la Piscine (59), du 1er mars au 25 mai 2008

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 26 février 2008 - 350 mots

« Zoo d’Orsay » : le titre de l’expo­sition qu’héberge la Piscine de Roubaix affiche la couleur. Mieux, les couleurs, dans ce monde foisonnant et chamarré où se côtoient pelages et ramages, cervidés et serpents, bovidés et gallinacés issus de la prestigieuse institution parisienne. Naturaliste par excellence, le XIXe siècle fut particulièrement pourvoyeur en œuvres nourries de l’espèce animale et peut s’apparenter à une vaste encyclopédie zoologique digne de l’Histoire naturelle (1749-1788) de Buffon, dont la langue et la science singulières investirent l’animal d’un sens nouveau, moral et humanisé.
Une centaine de pièces majeures viennent dresser un bestiaire anthologique ponctué d’animaux exotiques ou domestiques, édifiants ou ordinaires, impétueux ou inertes. Inaugurés au XIXe siècle, la ménagerie du Jardin des Plantes (1793), le Jardin d’Acclimatation (1854) ou le zoo d’Anvers (1843) deviennent des laboratoires précieux et des répertoires de formes dont le lion de Barye (1835), les marabouts de Fremiet (1850), les girafes de Bugatti (vers 1907) ou la grue cendrée de Pompon comptent parmi les exemples les plus savoureux. Tous dénotent la fascination multiforme qu’exerce l’animal : barbare, il consacre une nature cruelle ; élégant, il devient prétexte à des jeux calligraphiques ; souvent, il permet de singer  notre part (très) bestiale ou sa part (trop) humaine.
Du coq à l’âne, donc, toutes les investigations sont possibles dans ce siècle déchiré entre les rugissements romantiques et la domesticité intime, entre le vérisme de Rosa Bonheur et la scientificité des chronophotographies de Muybridge, entre l’appropriation docile des découvertes et un éminent besoin de transgression. Du chat matois de Bonnard (1894) aux nobles chevaux de Stieglitz (1904-1905), il n’y a qu’un pas. D’éléphant, certes. Mais un pas. Logique et sans faille, ainsi qu’en témoigne cette exposition savante et experte.
Devant les toiles de Matisse et de ses amis du Salon d’Automne de 1905, Louis Vauxcelles n’évoqua-t-il pas, avec la fortune que l’on sait, une stupéfiante « cage aux fauves » ?

« Zoo d’Orsay », musée d’Art et d’Industrie de Roubaix, la Piscine, 23, rue de l’Espérance, Roubaix (59), tél. 03 20 69 23 60, du 1er mars au 25 mai 2008

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°600 du 1 mars 2008, avec le titre suivant : Une ménagerie à la Piscine

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