Costumes de cinéma

Un rôle à leur pointure

Par Suzanne Lemardelé · Le Journal des Arts

Le 13 novembre 2012 - 793 mots

Le Victoria and Albert Museum, à Londres, met brillamment en scène 130 costumes mythiques issus de films hollywoodiens.

LONDRES - Des salles obscures, des écrans en guise de cimaises, des scripts qui défilent sur fond d’extraits sonores…, c’est l’écrin sur mesure imaginé par les équipes du Victoria and Albert Museum pour leur très belle exposition consacrée aux costumes du cinéma hollywoodien. L’exercice était pourtant périlleux : privé du corps qui lui donne vie, le costume d’un acteur devient inévitablement relique. L’exposer, de surcroît dans un musée, c’est risquer de le cantonner à jamais à ce rôle de fétiche poussiéreux. Mais dans les salles londoniennes, ces accessoires n’en sont plus. Mis sous les feux des projecteurs, ils racontent, chacun à leur manière, un siècle de cinéma.

Cinq années de recherche ont été nécessaires aux commissaires de la manifestation pour rassembler plus de cent trente costumes, vendus après les tournages et dispersés à travers le monde. Certains sont somptueux, comme les habits impériaux du film Le Dernier Empereur (B. Bertolucci, 1986), les tenues de Barry Lyndon (S. Kubrick, 1975) ou la robe verte portée par Vivien Leigh dans Autant en emporte le vent (V. Fleming, 1939). D’autres sont plus triviaux –  le peignoir informe de Jeff Bridges dans The Big Lebowski (J. Cohen, 1998) – mais aucun n’est anecdotique. Car l’exposition dépasse la dimension sentimentale que le public rattache à ces vêtements. « Elle explore les fondements de la création de costumes, son histoire, son but et sa réalisation », explique la commissaire générale, Deborah Nadoolman Landis. On doit notamment à cette costume designer (créatrice de costumes) les habits d’Indiana Jones dans Les Aventuriers de l’Arche perdue (S. Spielberg, 1981), de Michael Jackson, dans son clip Thriller (1982), ou encore ceux des Blues Brothers (1980). La scénographie de « Hollywood Costume » réussit le pari d’être à la fois spectaculaire et au service des œuvres. « Nous devions faire en sorte que les visiteurs comprennent que cette exposition ne parle pas de mode ou de glamour. Elle raconte comment ces vêtements de travail contribuent à l’élaboration d’un personnage, comment ils soutiennent la narration et aident à créer la crédibilité », relate le scénographe Roger Mann. Pour ce faire, le propos est organisé en trois temps, trois espaces où les vêtements dialoguent avec force projections et supports numériques. Dans le premier, le visiteur découvre le rôle du concepteur de costumes dans la création d’un personnage de cinéma. Sans jamais tomber dans la théâtralité gratuite, la mise en scène évoque à dessein l’univers de chaque film : le blouson de Brad Pitt dans The Fight Club (D. Fincher, 1999) est présenté de manière décontractée sur un portant, tandis que des cadres dorés évoquent, derrière la robe de Morticia, l’intérieur gothique de la Famille Adams (B. Sonnenfeld, 1991). Tout au long de l’exposition, on retrouve cette fluidité, cette esthétique de cinéma, cette impression d’être passé derrière la caméra, dans les coulisses du film.

La deuxième partie de la présentation est la plus étonnante. Consacrée à la place du concepteur de costumes dans la chaîne de création d’un film, elle s’appuie sur leurs témoignages filmés, croisés avec ceux d’acteurs et de metteurs en scène. Là encore, la vidéo s’insère naturellement dans l’espace et il est assez surréaliste de voir Meryl Streep et Robert de Niro, assis comme parmi les visiteurs, en train d’échanger tranquillement sur l’importance du costume dans le processus d’élaboration d’un personnage. La section permet également de découvrir de célèbres duos, tel celui formé par Alfred Hitchcock et Edith Head. Cette dernière conçut les costumes de onze films du maître, dont Vertigo (1958) ou Les Oiseaux (1963). Autant de chef-d’œuvre dans lesquels tout l’art de l’habit est de passer inaperçu pour ne pas distraire le spectateur du drame qui se joue, tout en apportant des informations sur celui qui le porte.

Scène finale
L’exposition se termine par un défilé de costumes mythiques. La robe noire signée Givenchy portée par Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé (B. Edwards, 1961) côtoie la tenue de Kate Winslet lors de son embarquement sur le Titanic (J. Cameron, 1997) et le sombre tutu de Natalie Portman dans Black Swann (D. Aronofsky, 2010). La silhouette réalisée sur mesure pour chaque costume permet de retranscrire le mouvement qui a immortalisé l’habit. La combinaison jaune d’Uma Turnman dans Kill Bill (Q. Tarentino, 2003) est ainsi présentée en lévitation, prête à assener un coup de pied fatal à Keanu Reeves, le Neo de Matrix (A. et L. Wachowski, 1999) qui lui fait face, tandis que tout là-haut, sous le toit, le costume de Batman (T. Burton, 1989) surplombe cette grandiose scène finale.

HOLLYWOOD COSTUME

Jusqu’au 27 janvier 2013, The Victoria and Albert Museum, Cromwell Road, Londres, www.vam.ac.uk, tlj 10h- 17h45, 22h le vendredi.

Catalogue : 322 p., 43,50 €.

- Commissariat général : Deborah Nadoolman Landis

- Commissaires associés : Christopher Frayling, Keith Lodwick

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°379 du 16 novembre 2012, avec le titre suivant : Un rôle à leur pointure

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