Art moderne

XIXE SIÈCLE / VISITE GUIDÉE

Tout sur Toulouse-Lautrec, génie de la réclame

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 3 juillet 2025 - 651 mots

Enrichi d’esquisses et photographies, le parcours du musée d’Albi présente l’intégralité des affiches, dont certaines sont très peu connues.

Albi (Tarn). Grâce à la donation faite par sa mère à la mort du peintre, la Ville d’Albi possède au moins un exemplaire de chacune des 31 affiches créées par Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901). Le fonds est fragile car il s’agit d’œuvres sur un papier d’assez mauvaise qualité qui ont été beaucoup exposées depuis l’ouverture du Musée Toulouse-Lautrec en 1922. Leur restauration était donc devenue nécessaire et c’est à l’issue de celle-ci qu’elles sont présentées en intégralité pour la première fois avant de retrouver les réserves pour un temps qui pourrait sembler long aux Albigeois et aux amateurs de passage. C’est pour leur expliquer ce fait que la directrice du musée et commissaire de l’exposition a voulu, à la fin du parcours, diffuser une vidéo présentant les dégâts occasionnés par le temps, la lumière et les conditions de conservation de ces œuvres dans le passé, ainsi que les travaux de restauration qui viennent d’être réalisés.

Dans son parcours permanent, le musée n’accrochera dorénavant que des reproductions de ces affiches, lesquelles ressortiront des réserves seulement pour des occasions particulières. Mais le catalogue de l’exposition est un ouvrage de référence très complet, à l’image de la manifestation elle-même qui compte une centaine d’œuvres, objets et photographies, et réunit des dessins préparatoires, variantes, projets avortés ou affiches d’autres artistes permettant au public de découvrir la genèse de ces créations et la réutilisation de ses propres motifs par Toulouse-Lautrec.

La place donnée à la médiation est importante. Les affiches et d’autres œuvres en nombre font l’objet d’un cartel développé tandis qu’un espace est consacré à l’art de la lithographie : tout le matériel nécessaire est présenté, la technique est détaillée et des tampons de chaque couleur primaire permettent de s’exercer.

Le parcours, bénéficiant de prêts de plusieurs musées français comme d’un collectionneur, est divisé en quatre ensembles : les affiches de spectacles, celles qui promeuvent des revues et des romans, les affiches publicitaires et enfin la transformation de l’affiche en objet d’art, considéré et collectionné comme tel.

La scénographie simple et élégante d’Olivier Arnaudo joue avec les photos agrandies en papier peint qui scandent les sections et les murs de couleur pour caractériser ces espaces. Dans la salle en couloir qui constitue l’entrée de l’exposition, un dispositif d’affichage en accordéon permet de concentrer son attention sur des personnages indissociables de l’œuvre de Toulouse-Lautrec, soient Aristide Bruant et Jane Avril.

Une focale réduite permettant des découvertes

Si l’œuvre du peintre est très connu, cette exposition, en se focalisant sur un sujet réduit, permet au public de faire des découvertes. C’est par exemple le cas de l’huile et gouache sur papier Ambassadeurs. Aristide Bruant et son cabaret (1892), projet non abouti d’une grande affiche où l’on voit le chansonnier sur scène, de dos, le visage de profil, surplombant quelques spectateurs dont Jane Avril, reconnaissable à son menton anguleux et son chapeau orné d’une plume d’autruche. On remarque aussi la seule affiche créée par l’artiste pour une pièce de théâtre (les autres lithographies dans ce domaine sont des programmes). Il s’agit de La Gitane (1900), une œuvre très synthétique qui est accompagnée d’une esquisse bien différente montrant aussi l’actrice incarnant le rôle-titre, Marthe Mellot. Autour de l’affiche Caudieux (1893), deux esquisses au fusain de composition identique permettent de comprendre le travail préparatoire. On y voit l’acteur de café-concert arpentant la scène dans une vision très audacieuse, proche de celles adoptées par Toulouse-Lautrec pour Aristide Bruant. Le visiteur peut être d’autant plus surpris par l’esthétique totalement différente de l’affiche L’Artisan moderne. Objets d’art, meubles, ensembles décoratifs (1896, [voir ill.]) qui montre une femme de type « Chérette » (personnage féminin aguicheur des affiches de Jules Chéret), accueillant de son lit l’ouvrier tapissier qui entre dans sa chambre. L’histoire ne dit pas si cette composition inattendue a fait venir la clientèle au magasin…

Toulouse-Lautrec et l’art de l’affiche,
jusqu’au 31 août, Musée Toulouse-Lautrec, palais de la Berbie, 81000 Albi.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°659 du 4 juillet 2025, avec le titre suivant : Tout sur Toulouse-Lautrec, génie de la réclame

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