Barcelone

Punk is (really) not dead

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 6 juillet 2016 - 665 mots

Le Musée d’art contemporain de Barcelone consacre une remarquable exposition à l’influence du mouvement punk sur l’art contemporain.

Les expositions consacrées à la musique pop sont à la mode dans les musées consacrés tant à la musique qu’aux arts visuels. C’est ainsi qu’en 2015, le prestigieux MoMA de New York avait dévolu une exposition à la chanteuse Björk dont la critique avait souligné l’indigence et qui s’était soldée par un fiasco. En des temps où les recettes de billetterie deviennent essentielles pour les institutions, certaines font le choix de thèmes susceptibles de séduire le public le plus vaste. Dans cette course effrénée au nombre d’entrées, le thème retenu par le Musée d’art contemporain de Barcelone (Macba), « Punk. Ses traces dans l’art contemporain », pouvait susciter quelques craintes. Allait-il s’agir d’une nouvelle exposition accrocheuse, montée à l’économie et sans grand effort intellectuel dans le seul but d’attirer de nombreux (jeunes) visiteurs ? La tentation aurait pu être grande. Fort heureusement, il n’en est rien.

Ce qui frappe, en effet, avant tout, outre le choix plutôt pertinent des œuvres, et la grande qualité de celles-ci, c’est l’intelligence du propos de l’exposition.

Dès le départ est souligné combien le mouvement punk constitue un courant culturel à part entière, héritier d’autres mouvements radicaux anticonformistes comme le dadaïsme (dont on célèbre en 2016 le centenaire) et le situationnisme. Son parti pris contestataire – l’ordre établi y étant rejeté sous toutes ses déclinaisons politiques, sociales, économiques et culturelles – a ainsi pu influencer l’art contemporain, domaine par excellence de l’esprit critique et de la remise en cause des hiérarchies antérieures.

Irrévérence, radicalité…
Le mouvement punk a connu une explosion au cours de la seconde moitié des années 1970 dans le domaine musical. Courant fugace, son influence n’en a pas moins été durable et elle a nettement dépassé le seul secteur de la musique pour irriguer, en particulier, et jusqu’à nos jours, les arts visuels. L’exposition rappelle combien le mouvement punk a sonné la fin du rêve hippie dans une société marquée simultanément par le retour du conservatisme et la crise économique liée au choc pétrolier, par l’absence d’avenir pour une jeunesse condamnée au chômage et le développement du terrorisme. Soit un contexte qui résonne étonnamment et âprement avec la situation d’aujourd’hui, en particulier en Espagne où la jeunesse apparaît sacrifiée. Le slogan punk « No future » retrouve ainsi toute son actualité.

Les œuvres présentées ici sont liées par tout ce qu’elles contiennent d’anticonformisme, d’irrévérence voire d’outrage, de contestation ou de provocation, d’opposition, de destruction, de radicalité, de liberté extrême, de rage enfin.

Pour la démonstration, sont regroupées les œuvres d’une soixantaine d’artistes, dont une part élevée d’Espagnols, mais aussi Jean-Michel Basquiat, Jimmie Durham, Tracey Emin (de laquelle on aurait aimé voir l’iconique My Bed !), Valie Export, Hans-Peter Feldmann, Claire Fontaine, Nan Goldin, les Guerrilla Girls, Mike Kelley, Martin Kippenberger, Christian Marclay, Paul McCarthy, Jonathan Meese ou encore Tony Oursler. Les œuvres sont souvent excellentes (les deux Basquiat sont toutefois un peu faibles et l’œuvre de McCarthy aurait pu être bien plus trash), et la scénographie, de haut niveau, soutient parfaitement le propos. Les œuvres sonores dérangeantes sont remarquablement insérées dans le parcours ; les images, photographies et vidéos sont omniprésentes, parfois oppressantes, et les cartels – richement informés, justifiant parfaitement le choix des œuvres – sont intégrés comme rarement. Une curiosité, la salle de documentation, généralement traversée rapidement par le public, est ici brillante tant par son contenu que par la présentation et retient l’attention.

Au final, l’exposition ne suscite que deux regrets. L’absence d’artistes tels les Californiens déjantés Lizzie Fitch et Ryan Trecartin ou l’Allemand Wolfgang Tillmans, mais aussi celle des Autrichiennes Elke Krystufek et Ines Doujak dont l’œuvre Not Dressed for Conquering, outrageante pour l’ex-roi Juan Carlos, avait provoqué en 2015 un immense scandale… précisément au Macba. Et le fait qu’aucune présentation ne soit prévue en France de cette exposition brillante qui montre comment peuvent se concilier qualité des œuvres, excellence du propos et succès public.

PUNK

Commissaire : David G. Torres.
Nombre d’artistes : plus de 60

Punk. Ses traces dans l’art contemporain

jusqu’au 25 septembre, Macba-Museu d’Art Contemporani de Barcelona, Plaça dels Angels, 1, Barcelone, Espagne, www.macba.cat, tlj sauf mardi 11h-20h, samedi 10h-21h, dimanche 10h-15h. Catalogue, 486 p., 20 €.

Légende Photo :
Jordi Colomer, NoFuture, 2006, installation vidéo, 9 min 43 sec. Courtesy de l'artiste.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°461 du 8 juillet 2016, avec le titre suivant : Punk is (really) not dead

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